À Reiner von Neuhaus, le 29 septembre 1669, note 2.
Note [2]

« par-delà le Bosphore des Sarmates et par-delà la lointaine Thallie ». La transcription et la traduction que je propose requièrent quelques explications géographiques.

  • Gades (féminin pluriel) est le nom latin de la presqu’île où se situe la ville de Cadix (Andalousie), sur le versant atlantique du détroit de Gibraltar. Le Latin Dictionary (Lewis et Short) dérive ce nom du mot phénicien gadis, qui signifie hedge (haie, séparation). V. note [19], lettre 901, pour la locution Ultra Gades nil [Il n’y a rien au large de Cadix].

    Dans le latin que commente cette même note, Guy Patin associait Ultra Gades aux tenebræ plusquam Cimmeriæ [ténèbres plus que cimmériennes], par référence au peuple sauvage qui habitait les rives de la mer d’Azov (Palus Meotis, v. note [20], lettre 197), où se jette le Don (Tanaïs). Le détroit de Kertch (ou d’Iénikalé) la relie à la mer Noire et les anciens Grecs lui donnaient le nom de Kimmerikos Bosporos, ou Bosphore des Cimmériens : c’est ce défilé maritime que Guy Patin appelait les Gades Sarmatæ, en donnant à Gades le sens étymologique et général de détroit (bosporos en grec), et en en faisant le pays des Sauromatæ (ou Sarmatæ), les Sarmates qui peuplaient l’actuelle Ukraine (v. note [7], lettre latine 83), auxquels il assimilait leurs voisins méridionaux cimmériens.

  • La Thallie était le pays des Thalles dont a parlé Pline l’Ancien dans sa description géographique de la région (Histoire naturelle, livre vi, chapitre v, Littré Pli, volume 1, pages 240‑241) :

    A tergo ejus Epageritæ, Sauromatarum populus in Caucasi jugis : post quem Sauromatæ. Ad hos profugerat Mithridates, Claudio principe, narravitque Thallos iis esse confines, qui ab oriente Caspii maris fauces attingerent.

    « Derrière cette ville, les Épagérites, peuple sarmate, dans la chaîne du Caucase ; et ensuite les Sauromates, auprès desquels, sous le règne de l’empereur Claude, {a} s’était enfui Mithridate (un roi de l’Ibérie) ; {b} il a rapporté qu’ils avaient pour voisins les Thalles, {c} qui à l’orient atteignaient l’embouchure de la mer Caspienne. » {d}


    1. Ans 41 à 54 de notre ère (v. note [6], lettre 215).

    2. Parenthèse ajoutée par Littré : l’Ibérie est celle du Caucase (actuelle Géorgie) ; Mithridate (sans lien avec celui du Pont qui s’immunisait contre les poisons, v. note [4] de l’observation xi) est un roi d’Arménie, pays vassal de Rome, dont le règne, séparé en deux périodes (35‑37 et 45‑51), fut très tumultueux.

    3. Dans ma transcription, j’ai remplacé Thalumque, qui est dans le texte imprimé, par Thallamque, comme le justifient cette référence et la grammaire latine.

    4. « Les anciens pensaient que la mer Caspienne communiquait avec l’océan Scythique ou Septentrional » (note de Littré, page 277) : cet océan imaginaire était une extension septentrionale de la mer d’Aral qui aurait couvert la plus grande partie de la Sibérie ; la Caspienne (v. note [24], lettre 197) était censée s’y déverser quelque part sur son flanc oriental, c’est-à-dire dans la région des Scythes.

Considérant les Turcs comme des Sarmates ou comme des Scythes (v. note [19], lettre 197), Patin voulait qu’on les chassât d’Europe pour les repousser vers leur pays d’origine, quel qu’il fût (Sarmatie au nord ou Scythie à l’est) et le plus loin possible.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Reiner von Neuhaus, le 29 septembre 1669, note 2.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1507&cln=2

(Consulté le 27/04/2024)

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