Je vous ai par ci-devant écrit le mois passé par la voie de M. Vander Linden, [2] tant pour vous donner de mes nouvelles que pour vous remercier de l’honneur que m’avez procuré par M. Martinus Schoockius, [3] qui a eu la bonté de me dédier un livre de Cervisia et de m’en envoyer deux copies avec quelques autres petits livres de sa façon. [1][4] Je vous en ai à tous deux grande obligation, mais je voudrais bien savoir tout ce qu’a fait ce galant homme pour tâcher de le recouvrer, ou par votre moyen ou par quelque autre. C’est de quoi je vous ai aussi prié par ma dernière, et vous y ai indiqué les diverses pièces que j’avais de lui ; qui est ce dont je vous prie encore aujourd’hui, comme aussi de me mander, s’il vous plaît, qui est ce M. Mart. Schoockius, s’il enseigne encore actuellement la philosophie, quel âge il a, s’il est marié et s’il a des enfants. Je voudrais bien, pour tâcher de le récompenser de sa bonne volonté et de l’honneur qu’il m’a fait, lui envoyer quelque présent de deçà, soit en livres, soit en argent ou en quelque autre façon, ut tandem agnoscat gratum meum animum. [2] Je vous prie là-dessus de me dire sincèrement votre avis, comme aussi de m’apprendre s’il a mis sous la presse son livre nouveau de Fermentatione, [3] duquel il m’a fait l’honneur de m’écrire. Quand il vous plaira me donner votre avis sur tous ces points, vous pourrez envoyer votre réponse à Leyde [5] chez M. Vander Linden qui me la fera aisément tenir. Et en attendant, si vous voyez ledit M. Mart. Schoockius, je vous prie de l’assurer de mes très humbles services ; comme aussi à un autre honnête homme de ce même pays nommé Antonius Deusingius, [6] que je pense être un professeur en médecine, qui a déjà écrit plusieurs traités que j’ai céans et dans quelques-uns desquels il m’a fait aussi l’honneur de me nommer. [4] Si l’occasion s’en présente, je vous prie de lui témoigner et lui faire connaître le gré que je lui en sais, et de lui offrir mes très humbles services de par deçà.
Pour des nouvelles de ce pays, je ne vous en saurais dire. La Chambre de justice [7] continue toujours contre les partisans. M. Fouquet [8] est toujours prisonnier dans le bois de Vincennes, [9] mais on ne lui a encore rien dit. Je me porte, Dieu merci, fort bien présentement [10] et tiens ma santé toute rétablie. Il court ici un bruit sourd que le roi d’Espagne [11] est mort, mais cela n’est point encore bien certain. On parle ici du retour de M. le président de Thou, [12] votre ambassadeur, on dit que le roi est fort content de lui et qu’il aura l’ambassade de Suisse. Je lui en souhaite davantage, vu qu’il le mérite bien. Vale et me ama. Tuus ex animo,
Guido Patin. [5]
De Paris, ce 8e de février 1662.