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Au très distingué M. Julius Hacberg, noble Allemand, à Helmstedt.
Très distingué Monsieur, [a][1]
J’ai reçu avec grande joie votre lettre écrite le 30e de novembre. M. Bec [2] me l’a remise le 13e de janvier de la présente année et je vous en remercie beaucoup. Comment MM. les très distingués et très savants Conring [3] et Meibomius [4] se portent-ils ? Qu’est-ce que ce dernier écrit et prépare pour le bien du public, comme à son habitude ? À quoi s’occupe-t-il maintenant ? Enseigne-t-il publiquement et professe-t-il la médecine en votre Academia Julia ? [5] J’évoque ainsi ces deux docteurs de chez vous parce que je les affectionne et tiens l’un comme l’autre en haute estime. Voilà donc pourquoi je voudrais vous prier, quand vous m’écrivez, de me dire comment se portent ces très éminents personnages, de leur heureuse santé et de leurs ouvrages. Et Dieu fasse qu’ils vivent et jouissent d’une santé de lutteurs, en attendant que vos lettres me donnent de leurs bonnes nouvelles. La vieillesse et l’excessive rigueur de l’hiver me font peur pour M. Conring : le grand froid est en effet fort ennemi des corps affaiblis ; puisse-t-il surmonter tant de désagréments, et passer l’année ! Mais je reviens à notre ami Meibomius, ce noble et savant jeune homme : que m’engagez-vous à espérer de lui, a-t-il entre les mains les deux ouvrages de Monsieur son très distingué père, [6] à savoir le Tractatus philologicus de Cervisia [7] et l’Historia veterum medicorum ? quand donc l’un et l’autre verront-ils le jour ? [1] Vous me le ferez savoir si vous voulez bien. Quant à l’autre affaire que vous me soumettez et sur laquelle vous m’interrogez, sachez bien que je m’en occuperai en ne m’épargnant aucune peine, si l’occasion s’en présente, pour que vous y réussissiez, et que je satisferai votre souhait aussi pleinement que je pourrai ; je veillerai donc à cette affaire et en prendrai soin, et vous écrirai quand je l’aurai fait avancer. Mes fils vous saluent tous deux et vous adressent leurs compliments : l’aîné est Robert ; [8] l’autre est Charles, [9] il a écrit de Familiis Romanis, dont vous avez reçu un exemplaire à offrir à votre prince. Tous deux sont docteurs en médecine de Paris et fort savants ; Dieu veuille qu’ils continuent dans la voie où ils ont mis leurs premiers pas, qui est celle du zèle pour l’érudition et pour l’honnêteté. Mon Carolus n’a reçu aucune réponse de votre souverain. [2][10] Je vous tire l’oreille pour les thèses de médecine et autres opuscules dont je vous avais remis la liste, [3][11] et vous prie aussi fermement que je puis de bien vouloir vous en souvenir, pour m’acheter tout cela puis l’envoyer à M. Bec à qui je rembourserai aussitôt, argent comptant, le prix exact que vous m’aurez indiqué. En plus de ce qui est sur la liste, s’il se présente d’autres publications du même genre, anciennes ou nouvelles, ajoutez-les je vous prie à votre paquet. Je pense qu’il n’existe pas de moyen plus sûr que M. Bec ; une autre fois, je me chercherais bien quelqu’un de mieux, mais je pense que ce serait peine perdue. J’attends vos lettres au printemps prochain, ainsi que ce paquet de thèses ; j’espère en effet qu’alors, l’hiver étant terminé, il ne subsistera aucune trace de peste. [4][12]
[Ms BIU Santé no 2007, fo 161 vo | LAT | IMG] Nous n’avons rien de nouveau ni d’assuré sur nos affaires ; il est seulement question de la guerre à mener en Italie au printemps prochain, [13] mais personne ne sait contre qui : sera-ce contre le Jupiter capitolin, [14][15] ou pour le duché de Milan si le roi d’Espagne vient à mourir ? [16][17] ce sont là des mystères. Je salue MM. les très distingués Conring et Meibomius, mais vous en tout premier, très brillant Monsieur. Vale et aimez-moi.
De Paris, ce jeudi 16e de janvier 1664.
Votre Guy Patin en toute franchise.