À Charles Spon, le 10 mars 1648
Note [16]
Trique-nique : « affaire de néant, querelle sur la pointe d’une aiguille. Ce mot faisait un proverbe Grec, trichein neikos, c’est-à-dire, dispute sur un cheveu. D’autres croient qu’il a été fait de tricæ [bagatelles, en latin] et de nihil [rien], qu’on écrivait autrefois nichil » (Furetière).
Étienne Pasquier (Paris 1529-ibid. 1615), élève de Jacques i Cujas, avait été reçu avocat au Parlement de Paris en 1549, mais dut abandonner le barreau en raison d’une grave maladie. Rétabli, il se consacra exclusivement aux études d’histoire et de philosophie. Les deux premiers livres de ses Recherches de la France (1560 pour le premier, 1567 pour le second) rencontrèrent un grand succès qui fit revenir Pasquier au barreau quand, en 1564, l’Université eut à plaider devant le Parlement contre la Compagnie de Jésus : vers 1540, Ignace de Loyola, maître ès arts de l’Université de Paris en 1532, après avoir institué à Rome le siège de la Compagnie qu’il venait de créer, envoya à Paris plusieurs de ses compagnons chargés de propager les doctrines de l’Ordre par le moyen de l’enseignement ; ils fondèrent trois collèges, deux en Auvergne, à Riom et à Mauriac, et un troisième à Paris, rue Saint-Jacques, sous le nom de collège de Clermont. En 1550, s’autorisant d’une bulle de Jules iii, ils élevèrent la prétention de conférer les grades de bachelier, licencié, docteur, sans accepter aucunement le régime de l’Université qui vit là une attaque sérieuse contre ses droits ; elle fit défense aux jésuites de professer et de donner des diplômes dans tout son ressort, mais ne pouvant l’obtenir, elle les attaqua devant le Parlement ; Pasquier la défendit avec tant d’habileté que la Compagnie employa tout son crédit à faire appointer le procès.
Ce fut le premier acte du lent processus qui aboutit à l’expulsion des jésuites en 1594 après l’attentat de Jean Châtel contre Henri iv ; et dès lors, Pasquier plaida dans les procès les plus célèbres et put exprimer ses talents de juriste dans diverses charges judiciaires prestigieuses, tout en continuant l’âpre lutte qu’il avait entamée contre la Compagnie de Jésus.
En 1603, Étienne Pasquier se démit de sa charge d’avocat du roi et consacra les loisirs de sa vieillesse aux lettres et à l’érudition (G.D.U. xixe s.). La publication des neuf livres des Recherches de la France… augmentées en cette dernière édition de trois livres entiers, outre plusieurs chapitres entrelacés en chacun des autres livres, tirés de la bibliothèque de l’auteur s’est achevée en 1621 (Paris, Laurent Sonnius, in‑fo de 1 019 pages) ; les titres en sont :
- Établissement des Français, premières origines de la nation ;
- Magistratures et dignités, parlements, états généraux, etc. ;
- Affaires ecclésiastiques, puissance des papes, libertés de l’Église gallicane ;
- Jugements, procédures, coutumes, etc. ;
- Diverses questions d’histoire, notamment sur les règnes de Frédégonde et de Brunehaut ;
- Procès célèbres. Connétable de Bourbon, Jeanne la Pucelle, célèbres bâtards, Bayard, famille d’Anjou, bourgeois de Calais ;
- De l’Origine de notre poésie française et de nos langues, versification latine, poésie provençale ;
- Langue française, explication de plusieurs mots et façons de parler (où je n’ai pas trouvé la définition de trique-nique) ;
- La France littéraire, l’Université, les études.
Les riches Œuvres d’Étienne Pasquier ont paru en deux tomes in‑4o en 1723 (Amsterdam, Compagnie des libraires associés). V. note [1], lettre latine 55, pour l’intéressante opinion de Pasquier qu’on y trouve sur la saignée, sur Louis Duret et sur Botal.