À Charles Spon, le 20 mars 1649
Note [158]
Après le complot de Cinq-Mars (1642), dont il avait été complice, Frédéric-Maurice, duc de Bouillon, avait été forcé de céder Sedan à Louis xiii. En 1649, son frère cadet, le vicomte de Turenne, commandant en chef des armées françaises en Allemagne, était dépité des promesses non tenues que Mazarin lui avait faites pour rendre Sedan à sa famille, et lui attribuer le gouvernement d’Alsace et le titre de prince étranger. Turenne penchait dangereusement en faveur du parti frondeur où se trouvaient le duc de Bouillon et Mme de Longueville, dont le vicomte-maréchal était éperdument amoureux. Conscient du péril, Mazarin n’épargna pas la dépense pour neutraliser les troupes que Turenne menaçait de lancer au secours de la capitale. Les millions de livres avancés à la Couronne par le banquier Barthélemy Hervart pour régler les arriérés de solde des mercenaires allemands eurent ainsi plus d’influence que toutes les manœuvres politiques sur le dénouement de la première Fronde (v. infra note [165]).
Retz (Mémoires, pages 470-471 et 474) :
« Riquememont entra, qui nous dit qu’il y avait dans la chambre un courrier de M. de Turenne, qui avait crié tout haut en entrant dans la cour Bonnes nouvelles ! et qui ne s’était point voulu toutefois expliquer avec lui en montant les degrés. {a} Le courrier, qui était un lieutenant de régiment de Turenne, voulut nous le dire avec apparat, et il s’en acquitta assez mal. La lettre de M. de Turenne à M. de Bouillon était très succincte ; un billet qu’il m’écrivait n’était pas plus ample, et un papier plié en mémoire pour Mlle de Bouillon, sa sœur, était en chiffre. Nous ne laissâmes pas d’être satisfaits car nous en apprîmes assez pour ne pas douter qu’il ne fût déclaré ; {b} que son armée, qui était la Weimarienne {c} et sans contredit la meilleure qui fût en Europe, ne se fût engagée avec lui, et que Erlach, gouverneur de Brisach, qui avait fait tous ses efforts au contraire, n’eût été obligé de se retirer dans sa place avec mille ou douze cents hommes, qui était tout ce qu’il avait pu débaucher. Un quart d’heure après que le courrier fut entré, il se ressouvint qu’il avait dans sa poche une lettre du vicomte de Lamet, qui servait dans la même armée, mon parent proche et mon ami intime, qui me donnait en son particulier toutes les assurances imaginables et qui ajoutait qu’il marchait avec deux mille chevaux droit à nous, et que M. de Turenne le devait joindre, un tel jour et en tel lieu, avec le gros. C’est ce que M. de Turenne mandait en chiffre à Mlle de Bouillon.
[…] La déclaration de M. de Turenne est l’unique voie qui nous peut conduire à ce que nous n’eussions pas seulement osé imaginer, qui est l’union de l’Espagne et du Parlement pour notre défense. Ce que la première propose pour la paix générale devient solide et réel par la déclaration de M. de Turenne. »
Le 6 mars, le Conseil du roi déclara Turenne criminel de lèse-majesté.
Mme de Motteville (Mémoires, page 260) :
« Pendant cette conférence, {a} il arriva une nouvelle qui fit changer les résolutions de plusieurs, qui augmenta les forces du roi, et diminua un peu l’orgueil et la fierté des Parisiens. Le vicomte de Turenne, qui commandait l’armée du roi en Allemagne et qui s’était peu auparavant déclaré du parti parlementaire à cause que le duc de Bouillon, son frère, en était, ayant voulu amener ses troupes au secours du parti parisien, avait été abandonné de toute l’armée, qui, voulant être fidèle au roi, alla se rejoindre à Erlach, Allemand {b} au service de la France. Il ne resta à ce général que deux ou trois régiments, en qui il n’osa se confier ; et se voyant sans puissance, plein de confusion et de repentir, il se retira seul à Heilbrun. […]
Cette nouvelle abattit pour quelques jours les forces des parlementaires et des généraux car ils avaient une grande espérance de cette armée. Ce secours leur ayant manqué, le cardinal crut qu’il aurait alors de l’avantage sur ses adversaires et que le rétablissement de son autorité se ferait aisément. Il commença donc à reprendre de l’audace, mais ses ennemis, malgré leur mauvaise aventure, ne diminuèrent guère de celle qu’ils avaient accoutumé d’avoir. Le coadjuteur, {c} voulant cacher aux Parisiens cette fâcheuse nouvelle d’Allemagne autant qu’il lui serait possible, parut au Parlement ce même jour ; {d} et par une harangue éloquente, leur offrit les troupes de ce général qui n’en avait plus, ce qui servit de pâture à la populace mal informée de la vérité. »
- La conférence de Rueil.
- Sic pour Suisse.
- Retz.
- Le 8 mars.
Le 7 mars, Mazarin écrivait de Rueil à la reine (tome iii, page 307) :
« Nous avons reconnu qu’on traitait avec des gens qui n’ont aucun pouvoir {a} et qui ne voulaient que gagner du temps. S’il y a lieu d’en tirer quelque chose, c’est par la résolution qu’on a prise de leur parler sèchement, comme S.A.R. et M. le Prince ont fait, leur déclarant les dernières intentions du roi, et qu’on voulait avoir réponse positive dans demain pour avoir l’honneur de se rendre, tous, près de Votre Majesté. Ils ont été fort surpris, comme ils étaient déjà abattus de la nouvelle que M. de Ruvigny a apportée de l’armée de M. le maréchal de Turenne. »
- Les députés du Parlement qui devaient faire tout ratifier par le Parlement.