À Charles Spon, le 8 mai 1657

Note [28]

De son vivant, le premier président Pomponne ii de Bellièvre ne faisait pas mystère de ses sympathies jansénistes. « Les jansénistes, devenus moins difficiles sur leurs alliés, perdirent beaucoup à sa mort », avec une anecdote fort parlante (Sainte-Beuve, Port-Royal, livre iii, chapitre vii ; tome ii, pages 79‑781) :

« Le jour de la Purification, 2 février, on arrêta Savreux, {a} l’un des libraires et imprimeurs ordinaires de Port-Royal. […] Les deux autres libraires de Port-Royal, Le Petit et Desprez, furent avertis à temps pour prendre leurs précautions. On mit les scellés à leur imprimerie, mais le lendemain un des garçons de < Le > Petit alla trouver le premier président de Bellièvre avec la seconde Provinciale toute fraîche, voulant lui prouver par là qu’on n’avait pu l’imprimer chez Le Petit où il y avait le scellé. Le président de Bellièvre, qui d’ailleurs était bien intentionné, se laissa convaincre et fit lever le scellé, enchanté de plus d’avoir par l’occasion les prémices {b} de la seconde Lettre. Il se faisait apporter exactement toutes les suivantes dès qu’elles paraissaient et s’en régalait à plaisir. Pascal, par manière de remerciement, a trouvé moyen de le citer avec éloge dans la huitième. »


  1. En 1656, après la publication de la première Provinciale par le libraire Charles Savreux (v. note [44] des Déboires de Carolus).

  2. La primeur.

Dans cette huitième Provinciale, au jésuite qui lui explique que la corruption des juges peut se justifier, Louis de Montalte (Blaise Pascal) répond (page 129) :

« Mon Révérend Père, je suis surpris de cette permission que les premiers magistrats du royaume ne savent pas encore. Car M. le premier président {a} a apporté un ordre dans le Parlement pour empêcher que certains greffiers ne prissent de l’argent pour cette sorte de préférence : ce qui témoigne qu’il est bien éloigné de croire que cela soit permis à des juges ; et tout le monde a loué une réformation si utile à toutes les parties. Le bon père, surpris de ce discours, me répondit : Dites-vous vrai ? Je ne savais rien de cela. Notre opinion n’est que probable. Le contraire est probable aussi. En vérité, mon Père, lui dis-je, on trouve que M. le premier président a plus que probablement bien fait, et qu’il a arrêté par là le cours d’une corruption publique et soufferte durant trop longtemps. J’en juge de la même sorte, dit le père ; mais passons cela, laissons les juges. Vous avez raison lui dis-je ; aussi bien ne reconnaissent-ils pas assez ce que vous faites pour eux. Ce n’est pas cela, dit le père ; mais c’est qu’il y a tant de choses à dire sur tous, qu’il faut être court sur chacun. »


  1. Pomponne ii de Bellièvre.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 8 mai 1657, note 28.

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(Consulté le 25/04/2024)

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