Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 29.
Note [29]

L’article de Moréri édulcore celui de Diogène Laërce, parlant des cyniques (livre vi, 96‑98) :

« Les discours de ces philosophes convertirent encore la sœur de Métroclès, Hipparchia. Comme lui, elle était de Maronée. Elle s’éprit si passionnément de la doctrine et du genre de vie de Cratès {a} qu’aucun prétendant, fût-il riche, noble ou bien fait, ne put la détourner de lui. Elle alla jusqu’à menacer ses parents de se tuer si elle n’avait pas son Cratès. Cratès fut invité par eux à la détourner de son projet : il fit tout ce qu’il put pour cela, mais finalement, n’arrivant pas à la persuader, il se leva, se dépouilla devant elle de ses vêtements, et lui dit : “ Voilà votre mari, voilà ce qu’il possède, décidez-vous, car vous ne serez pas ma femme si vous ne partagez mon genre de vie. ”

La jeune fille le choisit, prit le même vêtement que lui, le suivit partout, fit l’amour avec lui au grand jour, et alla avec lui aux repas. Un jour où elle vint à un banquet chez Lysimaque, elle confondit Théodore, surnommé l’Impie, {b} par le raisonnement suivant : “ Ce que Théodore ferait sans y voir une injustice, Hipparchia peut aussi le faire sans injustice. Or Théodore peut se frapper sans dommage, donc Hipparchia, en frappant Théodore, ne lui fait aucun dommage. ” L’autre ne répondit rien, mais lui souleva son vêtement ; et Hipparchia n’en fut ni frappée, ni effrayée, bien que femme.

Plus tard, comme il lui disait “ Qui donc a laissé sa navette sur le métier ? ”, elle lui répondit “ C’est moi, Théodore, mais ce faisant, crois-tu donc que j’ai mal fait, si j’ai employé à l’étude tout le temps que, de par mon sexe, il me fallait perdre au rouet ? ” » {c}


  1. Comme son frère, Métroclès, et son mari, Cratès de Thèbes (en Béotie), Hipparchia, native de Maronée en Thrace, fut une philosophe cynique du ive s. av. J.‑C.

  2. Théodore, dit l’Athée, est un philosophe sceptique (mais non cynique) du ive s. av. J.‑C.

    Lysimaque est un général d’Alexandre le Grand, qui gouverna la Thrace après la mort de son chef.

  3. Moréri et L’Esprit de Guy Patin ont éludé les passages qui montrent la liberté de mœurs des cyniques, et dénoncent la phallocratie et la soumission domestique des femmes : tout cela n’était guère convenable au début du xviiie s.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 29.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8220&cln=29

(Consulté le 08/10/2024)

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