Texte : Hyginus Thalassius (1654)
alias Pierre De Mercenne,
Brevis Destructio de la
première Responsio (1652)
de Jean ii Riolan (1654) :
chapitre i, note 16.
Note [16]

« Personne n’est par soi-même assez fort pour y réussir ; il faut que quelque autre nous tende la main, nous tire de l’abîme. Épicure parle de plusieurs personnages qui, sans aucune aide, sont parvenus à la sagesse, et il se cite, entre autres, comme s’étant lui-même frayé la voie. D’autres ont besoin d’aide : ce sont des hommes incapables de marcher si personne n’est là pour leur montrer la route, mais excellents pour suivre ; et, parmi eux, il nomme Métrodore. »

Sénèque le Jeune, Lettres à Lucilius, début de l’épître citée :

Quid est hoc, Lucili, quod nos alio tendentes alio trahit et eo unde recedere cupimus impellit ? quid colluctatur cum animo nostro nec permittit nobis quicquam semel velle ? Fluctuamur inter varia consilia ; nihil libere volumus, nihil absolute, nihil semper. “ Stultitia ” inquis “ est cui nihil constat, nihil diu placet. ” Sed quomodo nos aut quando ab illa reuellemus ? Nemo per se satis valet ut emergat; oportet manum aliquis porrigat, aliquis educat. Quosdam ait Epicurus ad veritatem sine ullius adiutorio exisse, fecisse sibi ipsos viam ; hos maxime laudat quibus ex se impetus fuit, qui se ipsi protulerunt : quosdam indigere ope aliena, non ituros si nemo præcesserit, sed bene secuturos. Ex his Metrodorum ait esse ; egregium hoc quoque, sed secundæ sortis ingenium. Nos ex illa prima nota non sumus; bene nobiscum agitur, si in secundam recipimur. Ne hunc quidem contempseris hominem qui alieno beneficio esse salvus potest ; et hoc multum est, velle seruari.

« Quelle est donc, Lucilius, cette maligne influence qui nous détourne de ce que nous cherchons, et nous pousse vers ce que nous fuyons, qui, toujours aux prises avec notre âme, n’y souffre point de volonté fixe ? Nous flottons entre mille projets divers, nous ne savons rien vouloir librement, rien d’une manière absolue et immuable. “ C’est la folie, dites-vous, qui ne s’arrête à rien, à qui rien ne plaît longtemps ” ; mais quand, et comment nous en affranchir ? Personne n’est par soi-même assez fort pour y réussir ; il faut que quelque autre nous tende la main, nous tire de l’abîme. Épicure {a} parle de plusieurs personnages qui, sans aucune aide, sont parvenus à la sagesse, et il se cite, entre autres, comme s’étant lui-même frayé la voie. {b} Il donne les plus grands éloges à ces esprits vigoureux qui ne reçurent d’élan que d’eux-mêmes, qui d’eux-mêmes se sont produits. D’autres, selon lui, ont besoin d’aide : ce sont des hommes incapables de marcher si personne n’est là pour leur montrer la route, mais excellents pour suivre ; et, parmi eux, il nomme Métrodore. {c} Ce sont encore des esprits distingués, mais ils n’occupent que le second rang. Quant à nous deux, nous n’appartenons pas à la première catégorie ; que dis-je ? on nous traiterait avec faveur en nous admettant dans la seconde. Et qu’on se garde de mépriser celui qui peut être sauvé avec le secours d’autrui, car c’est déjà beaucoup que de vouloir être sauvé. » {d}


  1. Sénèque transmettait un des fragments qui nous sont parvenus de l’œuvre d’Épicure (iveiiie s. av. J.‑C., vnote Patin 9/60).

  2. Mise en exergue des passages empruntés par Hyginus Thalassius.

  3. Métrodore le Jeune, philosophe de Lampasque (en Troade) a été l’un des disciples et contemporains d’Épicure.

  4. Traduction de Charpentier et Lemaistre, 1860.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Hyginus Thalassius (1654)
alias Pierre De Mercenne,
Brevis Destructio de la
première Responsio (1652)
de Jean ii Riolan (1654) :
chapitre i, note 16.

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(Consulté le 13/06/2024)

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