Texte : Hyginus Thalassius (1654)
alias Pierre De Mercenne,
Brevis Destructio de la
première Responsio (1652)
de Jean ii Riolan (1654) :
chapitre iii, note 6.
Note [6]

Ioannis Riolani... Tractatus de Motu Sanguinis eiusque Circulatione vera ex doctrina Hippocratis [Traité de Jean ii Riolan sur le Mouvement du sang et sa véritable Circulation, conformément à la doctrine d’Hippocrate] (Paris, 1652), loc. cit., chapitre xi, Demonstratio Circulationis Sanguinis ex variis locis Hippocratis : et Admonitio ad Medicos pragmaticos [Démonstration de la Circulation du sang d’après divers passages d’Hippocrate, et Avertissement adressé aux médecins pragmatiques] : {a}

Hanc doctrinam, si nostri Pragmatici, Vrbis circuitores, vel potius circulatores, attente considerarent, forsan in suis discursubus vel consultationibus Medicis mutarent sententiam, nec tam obstinate hærerent, in illo veteri errore Fernelij, et aliorum, qui constituunt focum continuæ febris in maioribus vasis quæ inter alas et inguina excurrunt : in eo spatio, quod istis terminis comprehenditur, truncum venæ Cauæ intelligunt, nescio an etiam adiungant truncum Aortæ, cum tamen Sanguis ibi non restitet, et moretur, sed calore febrili excandefactus ocyus excurrat per vniuersum corpus, atque præter venæsectionem partium superiorum, et inferiorum, sit refrigerandus Sanguis tam assumptis, quàm admotis refrigeriis, quæ vsurpabat Hippocrates, lib. 3. de morbis. Miror istos Medicos constituere duplicem focum febris assiduæ, vnum primarium in minoribus venis, credi intelligere ramos venæ Portæ cum partibus culinariis : alterum in venis maioribus, atque cum vident inde tractione sanguinis, post varias epaphæreses, nondum impurum Sanguinem eductum, alicubi latere impuritatem massæ Sanguineæ sustinent, quam vbi vident educi, existimant ad focum putredinis intra vasa maiora peruentum, et audacius ad venam secandam progrediuntur, cum tamen iste Sanguis ex vena Porta eductus fuerit magna ex parte exhausto sanguine trunci Cauæ, atque tum liberalius detrahunt Sanguinem, quando quiescendum foret ; in debilitate virium, etiam oppressionem semper accusantes, ab isto impuro sanguine.

[Si nos pragmatiques, {b} colporteurs ou plutôt charlatans {c} de la capitale, examinaient cette doctrine de plus près, peut-être changeraient-ils les avis qu’ils prononcent dans leurs discours ou leurs consultations médicales, et ne se cramponnaient-ils pas si obstinément à cette vieille erreur de Fernel et d’autres, qui établissent le foyer de la fièvre continue dans les grands vaisseaux qui cheminent entre les aisselles et les aines. Parmi ceux que contient cet espace, ils veulent parler du tronc de la veine cave, mais je ne sais s’ils y adjoignent celui de l’aorte, où pourtant le sang ne stagne et ne ralentit pas, mais d’où, rapidement enflammé par la chaleur fébrile, il se répand rapidement par tout le corps ; et pour le refroidir, outre la saignée veineuse {d} des parties supérieures et inférieures, il faut recourir aux remèdes rafraîchissants qu’Hippocrate administrait dans le corps ou appliquait sur les téguments, au livre iii des Maladies. Je m’étonne que ces médecins attribuent deux foyers à la fièvre continue : l’un serait primaire et siégerait dans les petites veines, et j’ai cru comprendre qu’il s’agissait des rameaux de la veine porte, avec les parties digestives qu’elle draine ; le second foyer serait dans les très grandes veines, et quand ils voient que le sang qu’on en tire, même après plusieurs saignées, n’est toujours pas impur, ils soutiennent que l’impureté de la masse sanguine se cache quelque part, mais quand ils la voient s’écouler, ils estiment que le sang qui est dans les grands vaisseaux est parvenu au foyer de la putréfaction ; et ils recourent alors plus hardiment à la phlébotomie, et comme ce sang proviendra de la veine porte après qu’on aura vidé la plus grande partie du tronc cave, les voilà qui saignent fort généreusement quand il faudrait au contraire se modérer ; les forces du malade s’en trouvent ainsi affaiblies, mais ils accusent toujours alors l’oppression provoquée par ce sang impur].


  1. J’ai mis en exergue les passages repris par Hyginus Thalassius.

  2. Autre dénomination des empiriques, opposés aux dogmatiques (dont Riolan était un des champions au sein de la Faculté parisienne) : vnotes Patin 6/28 et 2/70, et [5], lettre de Charles Le Noble à Riolan, première partie.

  3. Le circuitor (circitor ou circator) était le soldat qui faisait la ronde ; il en a dérivé le sens civil de « vagabond ».

    Riolan jouait sur le sens premier de circulator, « charlatan », en pensant aux partisans de la circulation harvéenne du sang.

  4. Les dogmatiques étaient chauds partisans et promoteurs de la saignée veineuse (phlébotomie), au contraire des empiriques, qui lui préféraient souvent les nouveaux remèdes chimiques (dont le plus célèbre était l’antimoine) ; ce qui valait aux plus radicaux d’entre eux d’être qualifiés d’hématophobes (ou hémophobes).

En citant le début et la fin de ce paragraphe, Hyginus Thalassius voulait montrer à quel point la négation de la circulation sanguine poussait Riolan à tenir des raisonnements tout aussi ineptes que fumeux contre les partisans de l’immense découverte de William Harvey.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Hyginus Thalassius (1654)
alias Pierre De Mercenne,
Brevis Destructio de la
première Responsio (1652)
de Jean ii Riolan (1654) :
chapitre iii, note 6.

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(Consulté le 13/06/2024)

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