Texte : Jean ii Riolan
Première Responsio (1652) aux
Experimenta nova anatomica
de Jean Pecquet (1651).
5. Discours contre la nouvelle
doctrine des veines lactées
, note 16.
Note [16]

Le texte latin est plus précis : in meæ Anthropographiæ Mantissa [dans l’addition à mon Anthropographie] mais cela ne m’a pas aidé à trouver où il a réfuté les idées de Gassendi sur le chyle, {a} telles qu’elles sont exposées dans l’anonyme Discours sceptique sur le passage du chyle et le mouvement du cœur, {b} pages 30‑38 :

« J’assistai autrefois à l’ouverture d’un homme qui fut pendu environ deux heures après qu’il eut dîné, et on me fit la faveur, pour contenter ma curiosité, d’ouvrir promptement les parties qui servent à la nutrition. Je vis dans son estomac une partie des viandes {c} qu’il avait mangées, et particulièrement du fromage et des choux, qu’il avait moins mâchés, étaient encore connaissables. Ce qui était déjà dissous et qui était de plus liquide était sorti et coulait encore peu à peu : car le chyle n’attend pas que la digestion de la viande {c} soit faite pour sortir de l’estomac tout en même temps ; mais il en coule peu à peu à mesure qu’il se forme, et selon qu’une partie de la viande {c} est plus ou moins aisée à digérer. Ne pense pas aussi qu’il s’exprime de l’estomac tout pur et tel qu’il doit être porté au foie ; mais plutôt qu’il en sort fort mêlé avec les excréments. {d} Je pris garde alors qu’il y avait de la même liqueur jaunâtre et dans le fond du ventricule, {e} et dans le duodénum, et tout le long du canal cholédoque, voire même jusque dans les moindres branches qu’il sème dans le foie. Or cette expérience me semblait une démonstration manifeste du passage du chyle par ce conduit ; et ce qu’on {f} attribue cette teinture jaune à la bile me faisait soupçonner que, la bile étant une humeur chaude, il se pourrait bien faire qu’elle servît de véhicule au chyle, le poussant en haut, et dilatant le tuyau qui lui donne passage. Ce que je vous ai déjà touché favorisait ma pensée, à savoir que comme l’âpre artère {g} ne sert pas tant seulement à conduire l’air que nous respirons dans la poitrine, mais aussi, après que la partie la plus déliée y est arrêtée pour entrer en la composition des esprits vitaux, à en laisser sortir ce qui demeure de moins pur, avec les fuliginosités {h} qui s’élèvent tant du cœur que de toute cette moyenne région ; que de même, dis-je, ce canal cholédoque pouvait servir non seulement à porter le chyle moins épuré au foie, mais aussi, après que la plus louable partie y est arrêtée, à renvoyer la bile, comme un excrément qui n’y est plus d’usage. […] Mais du depuis ayant lu l’observation d’Aselli, son opinion de faire passer le chyle par les veines lactées me parut d’abord plus vraisemblable, à cause de trois remarques qu’il apporte fort judicieusement : la première est que ces veines lactées ne sont visibles qu’en un animal qui a repu ; {i} la seconde, que si on presse les intestins pleins encore de chyle par en haut et par en bas, on voit enfler ces veines lactées d’une liqueur blanche, dont elles se remplissent ; la troisième, qu’il a découvert en ces veines des petites valvules, qui empêchent si exactement le chyle de retourner dans les intestins qu’on ne saurait, quoiqu’on presse avec le doigt, le faire rentrer. J’ai, dis-je, tenu cette opinion d’abord beaucoup plus plausible et j’en fais encore un grand état. Toutefois, considérant de plus près la chose, j’y ai trouvé des difficultés qui me font suspendre mon jugement. »


  1. V. note [5], 3e partie de sa première Responsio, pour ce que Jean ii Riolan a écrit sur les veines lactées dans le livre vii de son Anthropographie (1649), mais sans parler de Gassendi.

  2. Leyde, 1648, vnote Patin 26/152, ouvrage attribué à Samuel Sorbière, où sont exposées les idées de Gassendi.

  3. Terme général désignant tous les aliments ingérés.

  4. Débris alimentaires non digestibles.

  5. De l’estomac.

  6. Le fait qu’on.

  7. La trachée-artère.

  8. Suies légères se déposant lors de la combustion de certains corps organiques (Littré DLF).

  9. Repaître dans le sens ancien, non réfléchi, de « manger pour se nourrir, prendre son repas » (Furetière).

Gassendi développe ensuite les arguments qui le mènent à conclure que sa première idée (mélange du chyle à la bile) était la bonne (pages 46‑47) :

« Il se peut faire donc, comme je me l’imaginais autrefois, que cette liqueur, semblable à du lait tandis que l’animal est en vie, soit la matière de la graisse du mésentère qui se caille et s’épaissit en la mort de l’animal, lorsque la chaleur naturelle s’évapore ; et par ainsi, ce ne serait pas tant du chyle sucé par les intestins pour être transporté au foie qu’un suc dérivé du pancréas, où il a été cuit et changé de sang qu’il était auparavant, et cela afin que les boyaux et les membranes du mésentère, qui en sont arrosées bien davantage que des veines rouges mésaraïques, en reçoivent du rafraîchissement contre la chaleur des excréments qui sortent presque tout bouillants de l’estomac. »

Riolan ne pouvait évidemment partager cette opinion aberrante.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Jean ii Riolan
Première Responsio (1652) aux
Experimenta nova anatomica
de Jean Pecquet (1651).
5. Discours contre la nouvelle
doctrine des veines lactées
, note 16.

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(Consulté le 13/06/2024)

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