Texte : Jean ii Riolan
Première Responsio (1652) aux
Experimenta nova anatomica
de Jean Pecquet (1651).
5. Discours contre la nouvelle
doctrine des veines lactées
, note 7.
Note [7]

V. note [31], première Responsio de Jean ii Riolan, 4e partie, pour Aristote sur la rate dans les Parties des animaux. Contrairement à ses commentateurs, il ne s’est guère préoccupé de l’« humeur mélancolique », bile noire sur laquelle Riolan n’a pas caché son scepticisme (v. note [29], 4e partie susdite) ; mais il semblait ici partager l’opinion de Gaspare Aselli sur les fonctions de la rate (De Lactibus seu Lacteis Venis, {a} chapitre xxxii, pages 74‑75) :

Galeni constans sententia est, < Lien > αντιστροφον esse, id est respondere ex adverso Vesicæ fellæ, et ut illa tenuem, ac igneam, quam bilem, ita hunc crassam, et terrestrem sanguinis partem, quam melancholiam vocant, ab hepate sese rapere, eandem mitigare in alimentum sui, et quod eius edomari non potest, per constituta ei rei vasa abijcere. Huic eius sententiæ duæ ex adverso sunt. Altera, quæ de officio quidem Lienis nihil mutat, id solùm negat, ab hepate allicere succum, quem conficiat. Illud siquidem contendit, antequam ad hepar perveniat chylus, segregatam iam a venis eius, per Splenicum ramum, melancholicam eius portionem, ad Lienem perferri, qui non alia, quàm hac causa, infrà iecur locatus sit, quà in unum Mesaraicæ coeunt, ac congrediuntur. Hæc sententia recentior est, et Varolium habet auctorem. Altera, socium hepati dat ad sanguinem conficiendum, aut certè vicarium subdit, eaque re ferri ad ipsum non minùs, quàm ad hepar chylum per Mesaraicas autumat. Antiquior hæc est, sed quam multi recentiores, aut sequuntur, aut saltem damnare non audent. Putantur in ea Plato, et Aristoteles fuisse, quorum ille Lienem εκμαγειον, id est expressam hepatis imaginem, ut quidem vertit Ficinus (nam Galenus aliter :) hic αντιζυγον eius και οιον νεθον ηπαρ, id est, iecur velut adulterinum, seu spurium dixit : nec id tantùm, sed vapores etiam vagantes divertere, attrahere ex ventriculo, et concoquere, ut qui sangineus sit. Quin Hippocrates quoque, et Galenus authores laudantur, nec sine causa fortasse. Hippocrates quidem certè hepate e affecto, inquit, Lien elaborat sanguinem. Apud Galenum hæc leguntur. Lien attrahit chylum à stomacho, et intestinis, ut hepar. Taceo Alexandrum, Areteum, et alios. Utramque sententiam falsi damnant venæ nostræ veræ chyli distributrices, et Galeni stabiliunt. Nulla enim, vel minima de illis ad splenem pertinet, à qua chyli aliquam partem possit capere.

[Galien {b} a constamment jugé que, par rapport au foie, < la rate > est la contrepartie de la vésicule biliaire : la première capte la partie épaisse et terrestre du sang, qu’on appelle la mélancolie, s’en nourrit et rejette ce qu’elle ne peut entièrement dompter par les vaisseaux dont elle dispose à cette fin ; la seconde en fait de même avec la partie subtile et ignée du sang, qu’on appelle la bile. Cette sentence les oppose l’une à l’autre. Sur l’une, Galien ne change rien à la fonction de la rate, mais nie seulement qu’elle tire du foie le suc qu’elle élabore, car il énonce qu’avant que le chyle ne parvienne au foie, sa fraction mélancolique, séparée de ses veines, se porte à la rate par le rameau splénique et, selon l’avis plus récent de Varole, {c} la seule raison pour laquelle elle est placée sous le foie est que les vaisseaux mésaraïques s’y rejoignent et réunissent en un tronc unique. Sur l’autre, la vésicule est donnée pour compagne ou du moins pour associée du foie en vue de parfaire le sang, et Galien affirme que la raison en est que le chyle y parvient autant qu’au foie par les mésaraïques. Ces notions sont fort anciennes, mais quantité d’auteurs modernes les suivent, ou n’osent du moins pas le contester. On pense que Platon et Aristote ont été de même avis, car Galien dit que pour eux la rate est une empreinte du foie, c’est-à-dire formée à son image ; ce que Ficin a exprimé (autrement que Galien) en disant qu’elle est comme un foie adultérin ou bâtard ; {d} mais sa fonction ne se limite pas à cela, car elle détourne et fait sortir de l’estomac des vapeurs errantes, qu’elle digère pour acquérir elle-même une nature sanglante. Ce n’est donc pas sans raison qu’on loue Hippocrate d’avoir dit, au rapport de Galien, que quand le foie est affecté, la rate élabore le sang. {e} Comme le foie, la rate attire le chyle de l’estomac et des intestins. Je passe sous silence Alexandre, Arétée et d’autres. {f} En tant que véritables conductrices du chyle, nos veines lactées dénoncent la fausseté des deux membres de cette dernière sentence, mais affermissent celle de Galien : elles ne permettent pas à la rate d’attraper la moindre partie du chyle venant de l’estomac et des intestins]. {g}


  1. V. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre i.

  2. Utilité des parties, livre iv, chapitre xv (Daremberg, volume 1, pages 318‑322), livre vi, chapitre vi (ibid. pages 395‑397), etc.

  3. Constanzio Varolio, v. note [8‑2], Historia anatomica, chapitre iii, de Thomas Bartholin.

  4. J’ignore où le médecin et érudit Marsilio Ficino (Marsile Ficin, vnote Patin 109/8223), éditeur des Opera omnia de Platon, a proféré cette sentence grecque.

  5. La rate partage avec le foie l’hématopoïèse chez le fœtus, et peut retrouver cette fonction chez l’adulte lors de certaines maladies.

  6. Alexandre de Tralles est un médecin grec du vie s. V. supra note [6] pour Arétée.

  7. Pour Aselli (dont les idées n’étaient tout de même pas d’une limpidité absolue), les lactifères mésentériques gagnaient le pancréas, et non la rate, dont le rôle était de séparer l’atrabile (mélancolie) du sang.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Jean ii Riolan
Première Responsio (1652) aux
Experimenta nova anatomica
de Jean Pecquet (1651).
5. Discours contre la nouvelle
doctrine des veines lactées
, note 7.

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(Consulté le 13/06/2024)

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