Texte : Jean ii Riolan
Première Responsio (1652) aux
Experimenta nova anatomica
de Jean Pecquet (1651).
6. Sur la circulation du sang, note 10.
Note [10]

  • Galien a décrit la communication entre les oreillettes droite et gauche chez le fœtus {a} dans l’Utilité des parties du corps, livre vi, chapitre xxi : {b}

    « La nature a donc disposé les parties du poumon avec la même équité dans le fœtus et dans l’animal qui respire. Je dirai aussi comment, avec la même industrie, elle a rétabli l’équilibre dans celles du cœur. En effet, en anastomosant la grande artère avec le vaisseau épais et dense du poumon, {c} et la veine cave avec le vaisseau mince et poreux, {d} elle a, comme nous l’avons dit, donné au poumon une juste part des deux matières, {e} et n’en a pas moins affranchi le cœur de sa servitude à l’égard du poumon ; en sorte qu’il n’y a plus lieu de s’étonner si, n’envoyant au poumon ni sang ni pneuma, et n’en fournissant pas aux artères de l’animal entier, comme dans les animaux parfaits, le cœur < fœtal > n’a besoin, pour son existence propre, que d’une très petite quantité de pneuma. Et ce pneuma, il pouvait, je pense, le tirer de la grande artère même, car les épiphyses membraneuses {f} ont été inventées, non pas pour qu’il ne pénètre rien absolument dans le cœur, mais pour que la matière n’y entre ni en trop grande abondance ni trop précipitamment. Le cœur pouvait même prendre au poumon du sang et du pneuma mélangés, au moyen de l’orifice sur lequel seul, disions-nous, s’implantent uniquement deux tuniques {g} dirigées de dehors en dedans. En effet, ce vaisseau, chez les animaux enfermés dans l’utérus, reçoit le sang de la veine cave par une anastomose d’une grandeur remarquable. » {h}


    1. Chez l’adulte, des pores (v. note [10], Dissertatio anatomica, chapitre v) disséminés dans le septum interventriculaire étaient censés permettre au sang de passer de droite à gauche, comme le croyaient encore les adversaires de la circulation harvéenne. Les parois extrêmement anfractueuses de l’intérieur du cœur autorisaient de tels égarements : vnote Patin 28/152 pour la frauduleuse démonstration de la communication interventriculaire par le chirurgien Payan sous le regard crédule de Pierre Gassendi.

    2. Traduction de Charles Daremberg, volume 1, page 453.

    3. Canal artériel faisant communiquer l’aorte et l’artère pulmonaire (v. note [3], Dissertatio anatomica, chapitre iv).

    4. Communication de l’oreillette droite avec la gauche, par le foramen ovale ou trou de Botal : v. note [1], Dissertatio anatomica, chapitre iii.

    5. Sang et pneuma (air).

    6. Les valvules cardiaques.

    7. Deux valvules : soit la valve mitrale, qui fait communiquer à gauche l’oreillette avec le ventricule.

    8. Par le foramen ovale ; plus bas (page 454), Galien écrit que « chez les embryons, il est nécessaire, comme l’artère veineuse [veines pulmonaires] tire son sang de la veine cave, que le cœur, en se dilatant, fasse pénétrer dans la cavité [le ventricule] gauche une quantité de sang assez considérable. »

      Galien voyait juste chez le fœtus : pourquoi diable s’est-il donc fourvoyé chez l’adulte avec sa communication entre les deux ventricules (v. supra notule {a}) qui a égaré les médecins pendant 14 siècles ?


  • Les Io. Baptistæ Carcani Anatomici Libri ii [Deux livres anatomiques de Iohannes Baptista Carcanus] (Pavie, 1574) {a} sont restés célèbres pour la description des deux communications cardiaques fœtales. Dans le livre i (pages 9 vo‑10 vo), avant d’entrer dans les détails, Carcano loue le passage susdit de Galien, sans ménager la mémoire de ses propres maîtres :

    Ex quibus verbis patet, quàm rectè, atque eleganter Galenus mentionem fecerit de unione vasorum cordis in fœtu, et quænam vasa ea sint. Quippe quum quatuor sint ; vena cava, vena arterialis, arteria magna, et arteria venalis, patet ex Galeni sententia, primò, quod bina sunt, invicem perfusa ; deinde, quòd cava vena in arteriam venalem, et arteria magna in venam se aperit arterialem. Quod cum clarè, et distinctè adeò nos docuerit Galenus ; primò, admiror vesalium, qui in magno suo opere nullam de horum unionis coniunctionisve constructione mentionem fecerit, sed verbò tenus dixerit, dum fœtum secamus, nos debere videre, num in fœtu peculiaris aliquis processus à vena cava ad venalem arteriam, et ab arteria magna in venam arterialem pertineat. Secundo, admiror Fallopium Præceptorem, qui cum in sectionibus diligentissimus oculatissimusque fuerit (uti ipse testari possum, utpote qui illi secanti semper adsisterim) alterius solummodo duorum vasorum unionis meminit, venæ scilicet arterialis cum magna arteria ; quam quidem per canalem fieri dixit. De altera verò duorum vasorum unione, venæ cavæ scilicet ad arteriam venalem, ne verbum quidem fecit : facere autem debebat duplici de causa, prima, cum, uti dixi, in dissecandis corporibus diligentissimus, dexterrimusque extiterit : secunda, eo quòd Galenus in loco præallegato longiorem de hac, quæ fit venæ cavæ ad arteriam venalem unione, orationem instituere videatur, quàm de altera, quæ fit venæ arterialis, vel potiùs arteriæ magnæ ad venam arterialem. Quod cum ab ipso minimè factum sit, in causa est, ut maior etiam apud me pariatur admiratio, quòd istius nihil meminerit.

    [Ses mots prouvent la justesse et l’élégance avec lesquelles Galien a mentionné l’union des vaisseaux du cœur chez le fœtus, et la manière dont elle se fait entre la veine cave {b} et la veine artérieuse, {c} et entre l’aorte et l’artère veineuse. {d} Galien établit d’abord qu’existent deux anastomoses, puis que l’une ouvre la veine cave dans l’artère veineuse, {e} et l’autre, l’aorte dans la veine artérieuse. {f} Étant donné ce que Galien nous a clairement et distinctement enseigné, je m’étonne premièrement qu’en son grand livre, Vésale n’ait nulle part mentionné l’existence et la structure de ces deux unions, se contentant de dire qu’à la dissection du fœtus, il aurait dû voir que quelque processus particulier y joint la veine cave à l’artère veineuse, et l’aorte à la veine artérieuse. {g} Je m’étonne deuxièmement que mon maître Fallope, {h} si soigneux et clairvoyant qu’il ait été en ses dissections (ce dont je puis moi-même témoigner, car je l’y ai toujours assisté) n’ait cité que la seconde de ces deux unions vasculaires, soit celle de la veine artérieuse avec l’aorte, dont il a dit qu’elle se fait par le moyen d’un canal ; {f} mais sans rien dire du tout de la première, qui joint la veine cave à l’artère veineuse. {e} Il devait pourtant le faire pour deux raisons : premièrement, parce que, comme j’ai dit, il a excellé par sa diligence et sa dextérité en l’art de disséquer les corps ; deuxièmement, parce que Galien, dans le passage susdit, a plus longuement discouru sur l’union entre la veine cave et l’artère veineuse, que sur l’autre, entre la veine artérieuse et l’aorte, ou plutôt l’inverse. L’omission de Fallope me surprend d’autant plus qu’il ne négligeait rien de ce que Galien a décrit].


    1. Vnote Patin 22/348 ; né en 1538, Giambattista Carcano est mort en 1606.

    2. Vocable qui inclut ici l’oreillette droite, où se joignent les veines caves supérieure et inférieure.

    3. Bloc formé par les veines pulmonaires et l’oreillette gauche.

    4. Artère pulmonaire.

    5. Le foramen ovale (trou de Botal).

    6. Le canal artériel.

    7. Fabrica d’André Vésale (Bâle, 1543, vnote Patin 18/153), livre v, chapitre xix, en bas de la page 696.

    8. Gabriel Fallope (vnote Patin 16/427) était lui-même disciple de Vésale.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Jean ii Riolan
Première Responsio (1652) aux
Experimenta nova anatomica
de Jean Pecquet (1651).
6. Sur la circulation du sang, note 10.

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(Consulté le 03/06/2024)

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