L. 546.  >
À Charles Spon,
le 8 novembre 1658

Monsieur, [a][1]

Le matin du 2d de novembre nous avons fait un doyen [2] nouveau, c’est M. Blondel, [3] dont le troupeau antimonial [4] est fort étonné et fort marri. On croit que c’est lui qui est l’auteur de l’Alethophanes[1] pièce curieuse, comme vous savez, contre l’antimoine et les principaux antimoniaux, et principalement Guénault, [5] des Fougerais, [6] Rainssant, [7] Mauvillain, [8] Saint-Jacques [9] et Thévart. [10] Il est fort savant et fort zélé pour le bon parti, c’est-à-dire bon Israélite ; [11] mais nous ne manquons pas ici d’Égyptiens qui ne cherchent qu’à le traverser. [2]

Je viens de recevoir un petit livret tout nouveau fait par un médecin de Narbonne [12] nommé Graindorge, [13] contre M. Restaurand, [14] médecin du Pont-Saint-Esprit, [15] sur les principes du fœtus. [3] Ce M. Graindorge est un Normand, médecin de M. l’archevêque de Narbonne. [16] Il est homme curieux et spirituel, aussi est-il du pays de sapience. [4] La république des lettres a fait une grande perte par la mort de M. Le Maistre, [17] fameux avocat, dont on avait publié in‑4o et in‑fo les beaux Plaidoyers[5] Il est ici regretté de tous les honnêtes gens car c’était un homme incomparable en vertu, en science, en piété chrétienne et en éloquence. Il s’était retiré exprès dans le Port-Royal [18][19] pour y passer le reste de sa vie dans la pratique des maximes chrétiennes, qui sont si difficiles dans le commerce du monde comme on vit aujourd’hui. On dit qu’il n’y a que les loyolites [20][21] qui ne sont pas fâchés de sa mort. Scaliger [22] les appelait des flatteurs et les ennemis de tout le monde. [6]

Voulez-vous beaucoup de petites nouvelles en peu de mots ? En voici. Le maréchal de Turenne [23] doit passer son quartier d’hiver en Flandres, [24] et a pillé et brûlé une petite ville à cinq lieues de Bruxelles, [25] nommée Ninove, [26] pays du fameux grammairien [27] Despautère, [28] dont voici l’épitaphe :

Grammaticam scivit, multos docuitque per annos
Declinare tamen non potuit tumulum
[7]

Le président de Thou, [29] ambassadeur en Hollande, a déclaré de la part du roi à Messieurs des états que s’ils donnaient Maastricht [30] aux Espagnols en échange de Dunkerque et de Nieuport, [31] il leur déclarait la guerre. [8] La reine de Suède [32] vit comme une sainte à Rome, elle fait au rebours du vieux dicton Vivere qui cupitis sancte, discedite Roma ! [9] Le pacha d’Alep [33][34] s’est révolté contre le Grand Turc. [10][35] Cela fera grand bien aux Vénitiens et aux Allemands qui auront ainsi moins de forces à soutenir. J’ai reçu les livres de Guernerus Rolfinckius [36] que vous m’avez envoyés. Si cet homme ne sait de pratique que ce qui paraît en ses écrits, il fera bien de ne pas venir à Paris. Je dirais volontiers de lui ce que M. de Saumaise [37] a dit de notre M. Des Gorris [38] dans ses Exercitations sur Solinus : [39] Si in curandi ægris nihil plus videt, væ miseris ! [11]

La postérité se passera aisément de mes écrits, [40] aussi n’ai-je pas beaucoup d’envie d’en laisser. Il n’y a que deux sortes de gens qui écrivent, les sages et les fous, et je me connais pour n’être ni l’un, ni l’autre. De plus, la vie que nous menons à Paris est trop agitée, l’exercice de notre profession nous ôte cette tranquillité qu’il faut avoir quand on veut écrire pour l’éternité. J’ai toujours dans l’esprit le passage de l’Histoire du président de Thou, [41] où il est parlé d’Antoine de Richelieu appelé vulgairement le moine[42] qui a coûté la vie à son fils ; [43] il eût bien mieux valu ne pas écrire. Que sait-on si dans quelque siècle il ne se trouverait pas quelque tyran, qui lancerait son foudre sur ma famille, de chagrin que j’aurais écrit quelque vérité de ses ancêtres ? On n’eût pas coupé la tête à M. de Thou si le cardinal Richelieu [44] n’eût cherché l’occasion de se venger sur le fils de ce qu’avait écrit le père. [12] Je passe tranquillement les après-soupées avec mes deux illustres voisins, M. Miron, [45] président aux Enquêtes, et M. Charpentier, [13][46] conseiller aux Requêtes, qui ont grand soin chaque soir de m’envoyer quérir. On nous appelle les trois docteurs du quartier. Notre conversation est toujours gaie. Si nous parlons de la religion ou de l’État, ce n’est qu’historiquement, sans songer à réformation ou à sédition. Nous nous disons les uns aux autres les choses à peu près comme elles sont. Notre principal entretien regarde les lettres, ce qui s’y passe de nouveau, de considérable et d’utile. L’esprit ainsi délassé, je retourne à ma maison où, après quelque entretien avec mes livres ou quelque consultation [47][48] passée, je vais chercher le sommeil dans mon lit qui est sans mentir, comme a dit notre grand Fernel [49] après Sénèque le Tragique, [50] pars humanæ melior vitæ[14] Je soupe peu de fois hors de la maison, encore n’est-ce guère qu’avec M. Lamoignon, premier résident[51] Il m’affectionne il y a longtemps et comme je l’estime pour le plus sage et le plus savant magistrat du royaume, j’ai pour lui une vénération particulière, sans envisager sa grandeur.

Je ferai venir de Hollande le livre de Maresius [52] touchant la papesse Jeanne. [15][53] Les habiles gens croient ici qu’il n’y a jamais eu de papesse. David Blondel, [54] Scaliger, Calvin, [55] Chamier, [16][56] Du Moulin [57] et plusieurs autres grands personnages ont été de cet avis, qui fait plutôt une controverse en histoire qu’en religion. Ce Maresius est un Picard bilieux, [58] fort échauffé contre Voetius [59] et M. de Courcelles. [17][60] On imprime la censure de Sorbonne [61] contre les jésuites et leur nouvelle Apologie pour les casuistes[18][62] Je suis bien heureux d’être médecin, et ainsi de n’être point engagé dans aucun de ces partis. Les moines [63] ont trop d’ambition et trompent trop souvent le monde par des grimaces. Il y en a pourtant de bons parmi eux, mais nous n’en voyons que trop de mauvais. Je suis, etc.

De Paris, le 8e de novembre 1658.


a.

Du Four (édition princeps, 1683), no lxxv (pages 247‑252), et Bulderen, no cxxv (tome i, pages 323‑327), à Charles Spon ; Reveillé-Parise, no cccclxi (tome iii, pages 95‑101), à André Falconet. Le début de la lettre suivante (3 novembre) destine celle-ci à Spon.

1.

V. note [6], lettre 394, pour l’Alethophanes.

Le clan antimonial s’étonnait fort qu’après la guérison du roi, glorieusement attribuée à son médicament, la Faculté eût reçu pour doyen l’un de ses pires ennemis. L’élection de ce 2 novembre se déroula en effet de manière fort suspecte : les cinq électeurs tirés au sort pour choisir trois noms furent, suivant la coutume, trois anciens (Germain Préaux, Claude Germain et Claude Guérin) et deux jeunes (Guillaume Petit et Philippe Douté) ; ils proposèrent d’abord de « mettre dans le chapeau » François Guénault, le héros de Mardyck, et François Blondel, comme anciens, et Claude Le Vasseur, comme jeune ; mais Préaux (v. note [5], lettre 664), le plus ancien des électeurs, fit alors hypocritement état d’une lettre que Guénault avait écrite à la Faculté pour la prier de l’exempter de la charge décanale, ce que la Compagnie lui accorda, tout en laissant à penser que son nom n’avait été choisi que pour faire bonne figure ; les électeurs s’isolèrent donc de nouveau, et remplacèrent Guénault par Philibert Morisset. Le tour était joué : aucun des trois doyens désormais en lice n’avait signé pour l’antimoine en 1652 (v. note [8], lettre 539) et ce fut François Blondel qui sortit du chapeau (Comment. F.M.P., tome xiv, fo 391).

La suite des lettres de Guy Patin (avec les notes puisées dans le tome xiv des Comment. F.M.P.) a montré combien le décanat de Blondel fut calamiteux pour la Faculté : voulant rétablir la stricte discipline des statuts, ce rigide et querelleur docteur régent se mit à dos la moitié de la Compagnie et eut à en subir les conséquences bien lontemps après la fin de son mandat, le 18 décembre 1660.

2.

V. note [42], lettre 516, pour Égyptien au sens de Bohémien, diseur de bonne aventure. L’opposition entre Israëlites et Égyptiens peut aussi être entendue comme une allusion à l’Exode biblique, avec assimilation des Égyptiens aux partisans de l’antimoine et des Israëlites aux antistibiaux (v. note [18], lettre 488).

3.

André Graindorge (Caen 1616-ibid. 1676), après avoir été reçu docteur en médecine à Montpellier (1639), avait été appelé à Narbonne par l’archevêque, Claude i de Rebé (v. note [2], lettre 416) et resta auprès de lui pendant vingt années, s’occupant de médecine, d’histoire naturelle et de philosophie, en bon adepte d’Épicure et de Gassendi. Revenu à Caen, il exerça des fonctions municipales. Graindorge et Pierre-Daniel Huet (1630-1721), évêque de Soissons (1685) puis d’Avranches, 1692), ont fondé l’Académie royale de physique de Caen en 1662.

Guy Patin mentionnait ici ses In futilem Figuli exercitationem medicam de principiis fœtus, animadversiones [Remontrances contre l’essai médical futile du Potier sur les commencements du fœtus] (Narbonne, 1658, in‑8o) ; dans sa critique de l’ouvrage que Raymond Restaurand (v. note [15], lettre de Charles Spon, le 21 novembre 1656) avait publié en 1657, sous le titre de Figulus, exercitatio medica de principiis fœtus… [Le Potier, essai médical sur les origines du fœtus…] (Orange, E. Rabanus, in‑8o), Graindorge s’appuyait du sentiment d’Aristote pour réfuter celui de Restaurand sur la génération.

4.

La Normandie, v. note [3], lettre 41.

5.

V. note [8], lettre 453, pour Antoine Le Maistre et ses Plaidoyers (Paris, 1657).

6.

V. note [5], lettre 204, pour l’attribution référencée de ce jugement à Petrus Aurelius (l’abbé de Saint-Cyran) sur les jésuites (« flatteurs de tout le monde et ennemis de tout le genre humain ») dans ses Opera (1646), que je n’ai pas trouvé dans Joseph Scaliger (mort en 1609).

7.

« Il a su la grammaire, qu’il enseigna pendant nombre d’années, et cependant, il ne put décliner le tombeau. »

Jean Despautère (en flamand Van Pauteren, également connu sous le nom de Jean le Ninovite ; Ninove, petite ville du Brabant vers 1460-Comines 1520) eut pour maître un grammairien renommé, Jean Custode de Brecht, et fut professeur à Louvain, à Bois-le-Duc, à Bergues-Saint-Winoc et à Commines. Il est connu pour les :

Iohannis Despauterii Ninivitæ Commentarii Grammatici. Eorum, quæ in Commentariis sparsim annotata sunt, index amplissimus.

[Commentaires grammaticaux de Jean Despautère Ninivité. Très ample index de ce qui est annoté partout dans les commentaires]. {a}


  1. Paris, Robert Estienne, 1537, in‑8o de 692 pages, pour la deuxième de nombreuses éditions.

    C’est une somme philologique très complète de la langue latine, divisée en neuf parties : Rudimenta [Rudiments] ; Prima pars [Première partie (de la grammaire)] ; Syntaxis [Syntaxe] ; Ars versificatoria[Art de versifier (prosodie)] ; De accetibus [Accentuation] ; De carminum generibus [Genres poétiques] ; De figuris [Des figures (et des tropes)] ; Ars epistolica [Art épistolaire] ; Orhographia [Orthographe].


Despautère, que Valerius Andreas {a} a appellé le prince des grammairiens de son temps, était borgne, ainsi que l’indique ce distique qu’Adrien du Hecquet {b} fit placer sur son tombeau : {c}

Hic iacet unoculus, visu præstantior Argo,
Nomen Ioannes cui Ninivita fuit
.

[Ci gît un borgne, supérieur par la vision à Argus ; {d} son nom fut Jean, il était de Ninove].


  1. V. notule {a}note [3], lettre 584.

  2. Carme humaniste flamand mort en 1580.

  3. Citée par le G.D.U. xixe s.

  4. Héros mythique aux cent yeux, v. note [9], lettre 73.

8.

Maastricht, sur la Meuse, capitale du Limbourg, était rattachée aux Provinces-Unies depuis 1632 et formait une enclave en territoire espagnol. Nieuport (Flandre Occidentale) est un port de Belgique, à une vingtaine de kilomètres de la frontière française, relié à la Manche par un canal de 4 kilomètres. On s’interroge ici sur une erreur de transcription car il était alors impossible aux Espagnols de donner Dunkerque aux Hollandais, la place étant solidement occupée par les Anglais. En outre, si on entend bien l’intérêt des Espagnols pour Maastricht, on comprend moins celui des Hollandais pour deux ports situés si loin de leurs frontières.

9.

« Si vous désirez vivre saintement, fuyez de Rome ! » Paroles du carmélite Baptiste de Mantoue (mort en 1516, béatifié en 1885) : Vivere qui sancte cupitis, discedite Roma. Omnia cum liceant, non licet esse bonum […Tout y est permis, sauf être vertueux].

Martin Luther a attribué une phrase similaire au cardinal Pietro Bembo (1470-1547, v. remarque 1, note [67] du Naudæana 1) : Vivere qui sancte vultis, discedite Roma. Omnia hic ecce licent, non licet esse probum.

10.

Alep, au nord-ouest de l’actuelle Syrie, faisait partie de l’Empire ottoman depuis 1516.

Alphonse de Lamartine a narré ce sanglant épisode au livre xxvii (chapitre viii) de son Histoire de la Turquie (1855). Une fois nommé, le grand vizir Köprülü avait rétabli l’ordre intérieur de la Turquie en supprimant les séditieux, dont les plus virulents étaient les spahis et leurs chefs. En réplique, Abaza-Hassan, pacha d’Alep, avait levé une armée turcomane de 100 000 cavaliers pour marcher sur Brousse (Bursa en Anatolie). Fort de cette menace, il demanda à Mehmet iv de destituer Köprülü. Le sultan refusa et suivit son grand vizir pour aller combattre Abaza à Scutari. Mourteza-Pacha, lieutenant du grand vizir, à la tête de 50 000 janissaires, perdit 8 000 hommes dans une première bataille contre Abaza.

« Le grand vizir, sans lui faire un reproche de son revers, le renforça d’une seconde armée. Il refoula Abaza jusqu’à l’Euphrate. Des négociations perfides s’ouvrirent entre les deux généraux sous les murs d’Alep. Mourteza persuada au simple et crédule Turcoman que s’il se retirait de la ville et de la citadelle d’Alep, son pardon serait facile à obtenir de Köprülü. Abaza se retira hors de la ville ; Mourteza y entra. Une trêve régna entre les deux camps. Sous prétexte d’une fête de réconciliation, Mourteza invita Abaza-Hassan à rentrer dans Alep avec une suite de cavaliers. Les habitants d’Alep, chez lesquels on logea, homme par homme, cette escorte, avaient ordre de massacrer chacun leur hôte au signal d’un coup de canon tiré du château. À la fin du souper offert par Mourteza-Pacha à Abaza : “ Donnez, ” dit-il à ses pages, “ donnez aux pachas, nos frères, l’eau pour les ablutions de la prière du soir. ” Au lieu de l’eau des ablutions, les satellites apostés de Mourteza répandirent le sang des convives. Abaza-Hassan et trente de ses généraux tombèrent sous le poignard des assassins. Le coup de canon annonça leur dernier soupir aux hôtes des cavaliers turcomans de sa garde ; chacun d’eux apporta une tête à Mourteza. ainsi périt la révolte par la trahison, triste vicissitude des gouvernements despotiques. »

11.

« S’il n’y voit pas plus clair en soignant les malades, alors malheur à eux ! »

Plinianæ Exercitationes in Solini Polyhistora [Essais pliniens sur le Polyhistor de Solin] de Claude i Saumaise sur Solin [Polyhistor], tome i, page 816 (première colonne, repères D‑E) de la réédition d’Utrecht, 1689 (v. note [5] de la Biographie de Claude ii Saumaise) :

Risi medicum, qui in suis definitionibus bona fide retulit ex Plinii loco, chalcanthum candidum esse simile violæ, et λουκοιον appellari. Si in curandis ægrotis nihil plus videt, væ miseris ? Chalcanthum illud non est candidum. Si candidum esset, non tamen violæ simile foret. An nihil aliud candidum præter violam, cui posset comparari candor chalcanthi ?

[J’ai ri du médecin qui, dans ses Définitions, {a} a rapporté de bonne foi, à partir d’un passage de Pline, que le chalcanthum {b} blanc est semblables à la violette, et s’appelle leukoion. {c} S’il n’y voit pas plus clair en soignant les malades, alors malheur à eux ! Ce chalcanthum n’est pas blanc. S’il était blanc, il ne ressemblerait pas à la violette. N’y a-t-il rien d’autre qu’une violette à quoi on puisse comparer la blancheur du chalcanthum ?]


  1. V. note [50], lettre 104, pour les 24 livres de Definitionum medicarum de Jean i Des Gorris (première édition à Paris, 1564) que Guy Patin appelait ici « notre Des Gorris ». Le mot Χαλκανθες est défini à la page 502 de l’édition de Francfort, 1601.

  2. Terme chimique désignant le vitriol bleu ou noir (v. note [13], lettre 336).

  3. Mot grec signifiant « boule de neige », nom d’une fleur blanche comme du lait caillé, autrement nommée caillebotte.

V. note [2], lettre latine 52, pour les Dissertationes anatomicæ (Nuremberg, 1656) de Werner Rolfinck, et [24], lettre 547, pour son Ordo et methodus…

12.

V. notes [13], lettre 72, pour François-Auguste de Thou, décapité sur ordre de Richelieu à Lyon en 1642, fils aîné du président Jacques-Auguste i de Thou, et [2], lettre 961, pour le passage de l’Histoire universelle de ce dernier qui concerne Antoine du Plessis de Richelieu, grand-oncle du cardinal-duc.

Soucieuses de mettre la famille Patin à l’abri de telles représailles, les premières éditions des Lettres ont soigneusement édulcoré ou supprimé leurs passages les plus virulents à l’encontre des personnages contemporains (v. note [6] de Jacob Spon et Charles Patin, premiers éditeurs des Lettres choisies de feu M. Guy Patin). De manière moins explicable, près de 150 ans plus tard (1846), Reveillé-Parise a copieusement châtré le texte.

Ce serait une rude besogne d’identifier qui, de Charles Patin ou des éditeurs ultérieurs, a griffonné toutes ces corrections ; mais ces traits de plume sautent aux yeux quand on compare, chaque fois qu’on le peut, les manuscrits aux textes imprimés (avant les éditions partielles de Chéreau, 1877, Triaire, 1907, et Jestaz, 2002 et 2004 ; vBibliographie). Pour le reste, il faut se résoudre à ce qu’une partie de l’esprit de Guy Patin se soit évaporée avec plus de la moitié de ses autographes perdus. Ce passage fait aussi entendre que Patin n’envisageait pas que sa correspondance fût jamais publiée, mais était-il absolument sincère ?

13.

Thierry Charpentier (sans parenté établie avec le docteur régent de la Faculté de médecine de Paris, Antoine ii) avait été reçu conseiller en la première Chambre des requêtes en 1645 ; il mourut en 1681 (Popoff, no 899).

14.

« la meilleure partie de la vie humaine » (Sénèque le Jeune, v. note [7] de L’Homme n’est que maladie).

15.
Samuelis Maresii S. Theol. Doct. et Professoris, Joanna papissa restituta : sive Animadversiones et Annotationes Historicæ, ad Davidis Blondelli Catalaunensis, dum viveret Historiæ Ecclesiasticæ in Illustri Schola Amstelædamensi Professoris, librum posthumum, anno superiori editum Amstelædami sub hoc titulo, De Joanna Papissa, sive Famosæ Quæstionis, An Fœmina ulla inter Leonem iv. et Benedictum iii, Romanos Pontfices media sederit, ανακρισις. His additur, Brevis Refutatio Præfationis Apologeticæ quam Anacrisi præfixit Stephanus Curcellæus, illius editor ; et Appendicis loco, Dissertatio Theologica pro S.S. Trinitate eidem Curcellæo Antitrinitario opposita.

[La Papesse Jeanne {a} restaurée, ou les remarques et annotations historiques de Samuel Desmarets {b} contre le livre posthume de feu David Blondel, natif de Châlons, qui fut professeur d’histoire ecclésiastique en l’illustre Faculté d’Amsterdam, publié à Amsterdam l’an passé, intitulé La Papesse Jeanne, ou l’Anacrisis de la fameuse question, Une femme a-t-elle régné entre les pontifes romains Léon iv et Benoît iii ? {c} S’y ajoute une courte réfutation de la Préface apologétique qu’Étienne de Courcelles, son éditeur, a mise devant l’Anacrisis ; et en appendice, une Dissertation théologique pour la défense de la Sainte Trinité, contre ledit antitrinitaire {d} Courcelles].


  1. V. notes [45] et [46] du Naudæana 4.

  2. V. note [14], lettre 76.

  3. Le livre de David Blondel (mort en 1655, v. note [13], lettre 96) auquel répliquait Desmarets avait paru à Amsterdam en 1657 (Joannes Blaeu, in‑8o). Le mot grec Anacrisis signifie « Examen ».

  4. Arminien (v. note [7], lettre 100).

  5. Groningue, Johannes Cöllenius, 1658, in‑4o en deux parties de 352 et 35 pages.

L’ouvrage « antitrinitaire » (socinien, v. note [13], lettre 127) d’Étienne de Courcelles (théologien protestant arminien, d’origine française, Genève 1586-1659) est intitulé Confession de foi des chrétiens qui croient en un seul Dieu le père, et en son fils unique Jésus-Christ et au Saint-Esprit (Amsterdam, sans nom, 1646, in‑8o).

Sa Præfatio apologetica [Préface apologique] de 1657 au livre de Blondel (v. supra notule {c}) était intitulée Reverendis, doctissimis, et integerrimis viris, Ecclesiarum Protestantium in Insula Franciæ, Picardia, Campania, et agro Carnotensi fidis Pastoribus, gratiam et pacem a Deo Patre, et Domino nostro Iesu Christo, precatur Stephanus Curcellæus [Étienne de Courcelles demande que Dieu le Père et notre Seigneur Jésus-Christ accordent la grâce et la paix à MM. les très vénérables, doctes, intègres et fidèles pasteurs des Églises protestantes d’Île-de-France, de Picardie, de Champagne et du Pays chartrain]. La question de la papesse n’y est que très brièvement évoquée : ses 82 pages se consacrent essentiellement à attaquer avec virulence la théologie de Desmarets.

16.

Daniel Chamier (Montélimart 1565-Montauban 1621), théologien protestant français, réputé pour son rigorisme, fut élève de Théodore de Bèze à Genève et l’un des principaux rédacteurs de l’édit de Nantes. Un coup de canon le tua lors du siège de Montauban par Louis xiii (v. note [6], lettre 173). Entre maints autres ouvrages, Chamier a laissé un Discours des dissensions et confusions de la papauté (Ambrun, Jean Gazaud, 1587, in‑16).

17.

V. note [8], lettre 534, pour Voetius (Ghys Voet).

18.

Apologie pour les casuistes, contre les calomnies des jansénistes, par un théologien et professeur en droit canon. {a}


  1. Paris, sans nom, 1659, in‑4o de 191 pages ; nouvel ouvrage anonyme du P. Georges Pirot, qui faisait suite à sa précédente Apologie (Paris, 1657, v. note [9], lettre 527), qui avait allumé un incendie entre les jésuites et les partisans des jansénistes.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 8 novembre 1658

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(Consulté le 24/05/2024)

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