À Johann Caspar I Bauhin, le 4 mai 1641, note 12.
Note [12]

« je m’abstiens de juger les affaires politiques et n’en décide rien. »

Employés pour avouer son humble ignorance, ce sont les titres de deux chapitres consécutifs du premier livre des Institutions pyrrhoniennes de Sextus Empiricus (v. note [102] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii).

  • xxii, Περι του επεχω, [Sur l’expression « je m’abstiens de juger »] :

    « Je ne puis dire ce qu’il faut croire ou ne pas croire à l’égard des choses qui me sont proposées. Nous voulons marquer par là que ces choses nous paraissent égales, soit pour mériter que nous les croyions, soit pour ne le pas mériter. Nous n’assurons pas par là qu’elles soient égales ; mais nous voulons seulement dire ce qui nous en semble, lorsqu’elles tombent sous nos sens. Et l’époque, c’est-à-dire la rétention, {a} est ainsi nommée, parce que nous nous abstenons d’affirmer ou de nier une chose, à cause des moments égaux qui se trouvent de part et d’autre dans les choses qui sont en question. »

  • xxiii, Περι του ουδεν οριζω [Sur l’expression « je ne décide rien »] :

    « Définir ou déterminer, {b} ce n’est pas, selon nous, dire simplement une chose, mais prononcer une chose incertaine avec assurance, et comme si l’on en était certain. Il ne se trouvera peut-être pas qu’un sceptique détermine ainsi quoi que ce soit, non pas même cette proposition : “ Je ne détermine rien. ” Car cette phase n’est point à notre égard une assertion dogmatique, par laquelle nous prétendrions dire notre sentiment sur une chose incertaine : elle n’est qu’une marque de notre disposition présente. Quand donc un sceptique dit “ Je ne définis rien ” ou “ Je ne détermine rien ”, il veut dire : je suis tellement disposé maintenant, que je n’affirme ni ne nie dogmatiquement aucune des choses qui entrent dans cette question. En cela il ne veut dire que ce qui lui semble touchant les choses proposées, sans prétendre s’énoncer avec persuasion et affirmativement ; ce n’est qu’une expression qui marque la disposition où il se trouve. » {c}


    1. Εποχη signifie « suspension du jugement, état de doute » dans le langage des sceptiques (Bailly) : cohibitio en latin, et « réserve », « rétention » ou « abstention » en français.

    2. Definire en latin.

    3. Traduction de Claude Huart, 1725.

      V. note [3], lettre latine 391, pour l’application, par Guy Patin, des mêmes préceptes sceptiques à la circulation du sang.


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Caspar I Bauhin, le 4 mai 1641, note 12.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1038&cln=12

(Consulté le 26/04/2024)

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