À Charles Spon, le 24 décembre 1649

Note [21]

Le 22 décembre, le Parlement siégea sans discontinuer.

Journal de la Fronde (volume i, fos 158 ro‑159 ro) :

« M. le duc d’Orléans et M. le Prince entrèrent au Parlement devant le jour, à la clarté des flambeaux, avec M. le prince de Conti et plus grand nombre de ducs et pairs qu’aux précédentes assemblées. M. de Beaufort ne manqua pas de s’y trouver et quoique la reine eût envoyé dès le soir du jour précédent un gentilhomme à M. l’archevêque de Paris pour le prier d’y assister afin d’empêcher M. le coadjuteur d’y être, ne pouvant entrer que l’un en l’absence de l’autre, néanmoins, celui-ci ne manqua pas de s’y trouver, M. l’archevêque s’en étant excusé sur son indisposition à cause (dit-on) qu’il est mécontent de ce qu’on fit naguère, sans sa permission, administrer au roi le sacrement de confirmation par M. l’évêque de Meaux. {a} Les séances étant prises, on voulut parler de la requête de M. Joly, mais M. le président de Mesme dit qu’il fallait auparavant parler de l’affaire qui concernait l’État et les personnes royales ; et en même temps, l’on apporta les informations qui avaient été faites, la lecture desquelles dura cinq heures ; et après, l’on appela Messieurs les Gens du roi qui étant entrés, y donnèrent leurs conclusions, portant décret d’ajournement personnel contre le président Charton et contre M. Joly, et que M. de Beaufort, M. le coadjuteur et M. de Broussel seraient assignés pour être ouïs sur ce qui est dit contre eux. Il y avait encore décret de prise de corps contre La Boulaye, de Cottures et sa femme, de Blot, de Martineaux, de Portail, avocat au Parlement, Germain et quelques autres. Les trois principaux témoins qui déposent dans l’information se nomment Pichon, Charbonnière et Le Béarnois, qu’on tient être tous gens de néant et qui ont tous trois une lettre de cachet du roi par laquelle ils ont permission d’entrer dans toutes sortes de compagnies pour y parler d’affaire d’État, pour et contre, sans qu’ils en puissent être en aucune façon recherchés. Ce qu’ils disent contre M. de Broussel n’est autre chose sinon que le marquis de La Boulaye fut deux fois chez lui le 11 décembre, après avoir voulu émouvoir la sédition ; et ce qu’ils disent contre M. Joly est qu’il a dit à des personnes qu’il fallait se défaire de M. le Prince et du premier président. Étant question d’opiner, M. le premier président dit qu’il fallait donc que M. de Beaufort, M. le coadjuteur et M. de Broussel se retirassent, ne pouvant pas être juges dans cette affaire dans laquelle ils étaient compris, ce qui les obligea de se lever pour sortir entièrement ; mais comme ils s’en allaient, M. Coulon {b} courut après eux et les retint, en sorte qu’ils demeurèrent hors du barreau, {c} disant qu’ils ne devaient pas sortir jusqu’à ce qu’on eût opiné sur cela. En même temps, M. de Broussel se leva et dit que puisqu’on récusait M. de Beaufort et M. le coadjuteur, qu’on devait aussi à plus forte raison récuser M. le Prince et M. le prince de Conti qui étaient parties dans cette affaire ; et M. le premier président aussi, puisqu’on accusait M. de Champlâtreux, {d} son fils, d’avoir voulu faire assassiner M. Joly, outre qu’il était leur partie secrète et leur ennemi particulier. Sur quoi il y eut de si grandes contestations qu’on fut à opiner jusqu’à quatre heures après midi, que les avis furent réduits à deux : l’un de 87 voix qui allaient à ce que M. de Beaufort, M. le coadjuteur et M. de Broussel passassent le barreau après avoir fait déclaration sur ce qui était contenu dans les informations, et que le Parlement y délibérerait ; et l’autre de cent voix qui portaient qu’ils soutiendraient l’assemblée, ce qui fut ainsi arrêté. MM. de Vendôme, de Mercœur {e} et d’Elbeuf ne voulurent pas opiner. M. de Beaufort et M. le coadjuteur sortirent alors avec M. de Broussel, avec permissions de donner leurs récusations contre qui bon leur semblerait. Sur cela l’assemblée fut remise au lendemain. Le soir du même jour M. de Beaufort et M. le coadjuteur furent au palais d’Orléans pour se justifier à Son Altesse Royale {f} de tout ce dont ils étaient accusés dans les informations, et la prièrent à croire que c’étaient des calomnies qu’on leur avait imposées par de faux témoins qu’on avait corrompus pour les perdre. Sadite Altesse leur fit bon visage et eut une assez longue conférence avec eux, après quoi l’on remarqua que M. de Beaufort dit à Sadite Altesse que M. le premier président avait eu la malice de s’en prendre à son honneur et de le pousser jusqu’au bout, mais qu’il le ferait bien dénicher de son coin. Ce furent ses propres termes. »


  1. V. supra note [7].

  2. V. note [39], lettre 294.

  3. Bancs où se mettent les avocats dans les chambres d’audience, et qui entourent le parquet (Furetière).

  4. V. note [8], lettre 214.

  5. Les père et frère de Beaufort.

  6. Gaston d’Orléans.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 24 décembre 1649, note 21.

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(Consulté le 28/03/2024)

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