À Charles Spon, le 3 mai 1650

Note [33]

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, pages 252‑254, avril 1650) :

« Vendredi matin 29, M. le premier président a été voir M. le duc d’Orléans, lequel, aussi accompagné des ducs de Beaufort, d’Elbeuf, du coadjuteur de Paris et du gouverneur, < le > maréchal de L’Hospital, est venu au Palais en l’assemblée du Parlement qui s’y est tenue, où Mme la Princesse était aussi ; et nonobstant l’arrêté fait par les trois chambres que ladite dame aurait liberté et sûreté pour demeurer à Paris, dans l’enclos du Palais, jusqu’à huitaine (autres disent jusqu’au retour du roi), que l’on répondrait et ferait droit sur sa requête, il a été résolu et dit qu’elle sortira de Paris et s’en ira ou à Chilly, {a} suivant les offres de Son Altesse Royale faites d’avant-hier, ou autre lieu à deux, trois ou quatre lieues de Paris, vers le chemin d’Orléans et Berry, où elle aurait sûreté, jusqu’à trois jours après le retour du roi à Paris.

L’assemblée s’est levée avant onze heures et M. le duc d’Orléans est entré dans la quatrième Chambre des enquêtes où était ladite dame princesse, où l’on croit qu’il a parlé à elle et est demeuré d’accord du lieu où elle doit ce jourd’hui s’en aller.

En sortant avec sanglots et larmes, elle a regardé un jeune conseiller, M. de Précy, qui achetait des gants en une boutique de la galerie des marchands et s’arrêtant à lui, a dit : “ Est-il possible, Monsieur, que l’on ne me fasse point justice ? Cela vous regarde, Monsieur, et il vous en pend autant qu’à moi. ” {b} L’autre n’a répondu que par une grande soumission. Auparavant l’assemblée, elle est allée au parquet de Messieurs les Gens du roi, où était M. d’Orléans, et là s’est prosternée à Son Altesse Royale, lui embrassant les genoux. Il l’a promptement reçue et relevée, lui disant être fort touché et attendri de l’état où il la voit ; mais qu’elle et lui étant, comme ils sont, sujets du roi, il faut obéir à ses ordres et qu’il n’y a point à délibérer ni à différer là-dessus. Le duc de Beaufort a dit à Mme la Princesse qu’il la voudrait servir, mais qu’il fallait obéir au roi. Elle lui a répondu : “ Plût à Dieu, Monsieur, qu’en lui obéissant je pusse trouver mon compte et ma sûreté, tout autant que vous y avez trouvé les vôtres en ne pas obéissant. ” […]

Après dîner, Mme la Princesse est partie chez le sieur de La Grange-Neuville, de l’enclos du Palais, ayant beaucoup de noblesse à lui dire adieu et l’accompagner à son carrosse. M. de Saint-Simon l’aîné, qui l’a toujours accompagnée, y était et lui a offert son carrosse […] à six chevaux ; elle ne l’a point voulu et l’a laissé pour monter en un à deux chevaux. On dit qu’elle est allée au Bourg-la-Reine, {c} au logis du sieur Simonet, demeurant en la rue Saint-Denis. »


  1. Chilly-Mazarin (v. note [4], lettre 345).

  2. Vous êtes aussi menacé que moi.

  3. À 18 kilomètres au sud de Paris, dans le département des Hauts-de-Seine.

Le coadjuteur a aussi narré l’échec humiliant de la princesse devant les chambres assemblées (Retz, Mémoires, pages 614-615). La loyauté des magistrats à l’égard de la Couronne marquait la rupture de la vieille Fronde, celle du Parlement de Paris, avec la nouvelle Fronde, celle des princes et des provinces.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 3 mai 1650, note 33.

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(Consulté le 12/12/2024)

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