À Charles Spon, le 20 décembre 1652

Note [30]

Comptant : « ordonnance que le roi donne pour faire payer comptant à son trésor une certaine somme qui passe ensuite dans les comptes, sans qu’il y soit fait mention de sa destination et sans avoir besoin d’autres formalités, supposant que c’est pour les affaires secrètes et importantes de l’État » (Furetière).

Journal de la Fronde (volume ii, fos 187 vo‑188 vo, Paris, 17 et 20 décembre 1652) :

« M. le duc d’Anjou doit entrer cette semaine à la Chambre des comptes pour y faire vérifier quelques édits, entre autres celui qui doit révoquer ou changer l’article de la déclaration de 1648 qui parle des comptants de l’Épargne, dont la restriction était faite à trois millions pour les dépenses secrètes, lesquelles se montent plus haut cette année à cause des remises qu’on a faites pour avoir de l’argent dans le fort des troubles. On les veut faire passer plus haut cette année. […]

Le 17 le Conseil donna arrêt portant injonction à la Chambre des comptes d’enregistrer la nouvelle déclaration du roi qui lève la modification que la Chambre avait passée sur la déclaration d’octobre 1648, à peine de rébellion et désobéissance, et d’interdiction. Cet arrêt fut signifié, le 18 au matin par un huissier de la chaîne {a} au procureur général de la Chambre, lequel en avertit aussitôt la Compagnie qui se disposa à y répondre à l’arrivée de M. le duc d’Anjou. Ce prince y arriva sur les neuf heures, accompagné des maréchaux de Villeroy et du Plessis, et < de > MM. de La Poterie et du Mirosmenil, conseillers d’État, et y dit, avec autant de bonne grâce et de hardiesse qu’on pouvait espérer d’un prince de son âge, {b} que le roi l’avait envoyé là pour faire lire à la Compagnie une déclaration qui contenait ses volontés sur le fait des comptants, laquelle il désirait être enregistrée ; que le sieur de La Poterie expliquerait le reste des intentions de Sa Majesté. Sur quoi, celui-ci dit qu’on ne pouvait assez s’étonner que des simples arrêtants d’états {c} osassent contester l’autorité de leur souverain et empêcher qu’il ne pût pas disposer de ses finances selon le besoin de ses affaires ; que si les comptants avaient été réglés par la déclaration de 1648, ce n’avait été que par violence pendant une minorité qui avait été attaquée par la rébellion et l’audace de ceux qui devaient donner le premier exemple de soumission à leur maître ; qu’à présent, Sa Majesté, étant majeure, en voulait user autrement et selon son bon plaisir, sans qu’il y eût personne qui osât trouver à redire ; et que si la Compagnie s’y opposait, il avait charge du roi de lui dire qu’elle encourrait les crimes de rébellion et de désobéissance, et qu’elle serait interdite. Cette belle harangue fut reçue avec beaucoup de murmure et le procureur général ayant pris la parole avec vigueur, releva l’honneur de la Compagnie, disant qu’elle devait être traitée plus doucement ; et enfin, conclut à faire très humbles remontrances sur l’importance du fait. Le président Larcher en fit de même et après avoir renvoyé au sieur de La Poterie les injures, dit que le roi désavouerait un jour les violences qu’on lui faisait faire aux compagnies souveraines, et fit remarquer les grands abus qui se commettaient par ces comptants qui, depuis l’année 1637 jusqu’en 1648, ont monté à {d} 530 millions et depuis, jusqu’à 50 millions par an ; que c’était un moyen pour couvrir les voleries de ceux qui ont le maniement des finances et des partisans ; et que la Chambre se réservait encore d’en faire des remontrances en temps et lieu. Mais comme il connut qu’il fallait laisser faire ce coup d’autorité, il laissa prononcer l’enregistrement de cette déclaration par le sieur de La Poterie et y fit ajouter ces mots : “ Par délibération de la Compagnie, par très exprès commandement du roi porté par M. le duc d’Anjou, son frère. ” »


  1. V. note [8] des Décrets et assemblées dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris en 1651‑1652.

  2. 12 ans.

  3. Arrêtés comptables.

  4. Totalisé.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 20 décembre 1652, note 30.

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(Consulté le 18/04/2024)

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