L. 818.  >
À André Falconet,
le 10 avril 1665

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 10 avril 1665

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0818

(Consulté le 19/03/2024)

 

Monsieur, [a][1]

< Le dimanche de Pâques, 5e d’avril. > Je vous écrivis le dernier du mois passé tout ce que je savais de nouveau. On continue de parler de la guerre des Hollandais et des Anglais, [2] à laquelle les uns et les autres se préparent fortement. Il y a ici des politiques spéculatifs qui soupçonnent autre chose sous ce grand armement des deux puissantes nations voisines, mais c’est peut-être une rêverie de gens oiseux. Il y a des lettres de Rouen en cette ville, lesquelles portent qu’il y fait autant froid qu’ici en plein hiver. J’ai ce matin été, comme un bon paroissien, dans notre paroisse de Saint-Germain<-l’Auxerrois >. [3] J’ai entendu la grande messe, le roi [4] y a rendu le pain bénit [5] avec grande cérémonie ; et pour la notoriété du fait, j’y ai vu et entendu force tambours, fifres, clairons et trompettes. Je pense que cela a pu servir à augmenter la dévotion de quelques-uns, mais pour moi, je vous le dirai franchement, cela ne m’a fait ni bien, ni mal, hormis que cela m’a un peu étourdi. [1][6] Pour un peu de temps, il me semblait que j’étais en Jérusalem du temps de Salomon [7] et que j’y voyais toutes les cérémonies de la Loi de Moïse ; [8] mais j’y ai vu aussi la reine mère [9] qui marche doucement et n’a pas moins de 64 ans. Je n’aime point tant de cérémonies que les plus fins ont inventées pour les plus simples ; ce sont de petites inventions pharisiennes[10] j’aimerais mieux que Dieu fût servi plus simplement et comme il dit lui-même à la Samaritaine, in spiritu et veritate[2][11] qu’il y eût plus de gens de bien, et qu’il y eût au monde plus de charité et de bonne foi, moins de querelles, moins de procès.

Voilà notre collègue M. Morisset [12] qui vient se plaindre à moi de ce que M. Blondel, [13] sa partie, fort savant homme mais grand chicaneur, ne veut point s’arrêter au jugement des douze députés de la Faculté, mais qu’il en appelle au Parlement, ce qui le met fort en peine. Je lui ai dit qu’il n’y avait qu’un remède à cela, savoir que le doyen fasse assembler la Faculté, laquelle voyant l’obstination du dit M. Blondel, en cas qu’il veuille plaider, donne intervention à M. Morisset afin qu’il l’ait de son côté ; [3] sur quoi, il est allé aussitôt chercher notre doyen [14] car le bonhomme n’entend rien en chicane ; et moi, je n’y entends guère plus que lui. M. le duc de Verneuil [15] est parti pour l’Angleterre. [4]

Je vous dois écrire le plaisir que j’eus hier : mon fils Charles [16] avait une connaissance de longue main avec un officier de Rouen ; celui-ci est tombé malade il y a un an propter syphilidem ; [5][17] mon fils a été à Rouen deux fois et l’a bien guéri. Depuis peu, cet homme est venu à Paris pour autres affaires et a voulu une consultation [18][19] pour soi, sa femme, ses enfants. Il n’a pas désiré d’autres médecins que les trois Patin, quoiqu’il ne me connût pas, ni mon aîné Robert. [20] J’eus la satisfaction de les éclairer en maladie importante et de les voir très intelligents, Deus non fecit taliter omni nationi[6][21] J’ai eu soin qu’ils n’apprissent pas du latin des jésuites, mais j’ai eu soin aussi qu’ils n’empoisonnassent pas leurs esprits de chimie, [22] de polypharmacie [23] ni de charlatanerie. [24] J’espère qu’ils seront tous deux très bons médecins.

De Paris, ce 10e d’avril 1665.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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