Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 2 manuscrit, note 16.
Note [16]

« “ Qui louera son père, sinon les fils ratés ? ”, ou bien “ Qui louerait son père, sinon les enfants indignes de gloire ? ” »

Dans son adage no 1836, Quis patrem laudabit nisi infelices filii ? Érasme a traduit l’original grec par une troisième version latine : Quis patrem laudet, nisi proles laudis inanis ? [Qui louerait son père, sinon les enfants sans gloire ?] ; kakodaïmona tekna signifie littéralement « les enfants possédés d’un mauvais génie ». Il ajoute ce commentaire :

Carmen vulgo jactatum de his, qui majorum suorum facinora jactitant, nimirum nihil habentes, quod de se ipsis vere prædicent, cujusmodi Ponticum quempiam ridet Juvenalis Sat. 8 :

             Sed te censeri laude tuorum,
Pontice, noluerim, sic vt nihil ipse futuræ
Laudis agas. Miserum est alienæ incumbere famæ.

Poterit in hanc quoque torqueri sententiam : Impii filii sic laudant parentes, dum illos, ceu bonos, desiderat populus, quod his longe deteriores ferre non possit. Id quod nonnunquam solet in principibus usu venire, videlicet, ut, quem vivum oderant, mortuum probent, ac requirant, filii comparatione bonum. Refert, et explicat, hoc adagium Plutarchus in vita Arati : […]

Id est Adagium quodam vetus, o Polycrates, Chrysippus philosophus, infamiam illius ut mihi videtur veritus, non ut habet, sed ut ipsi visum est melius proposuit : Quis patrem laudarit, nisi felices filii ? Ceterum Dionysodorus Troezenius redarguens illum verum proverbium denuo exponit. Id habet ad hunc modum : Quis patrem laudet, nisi proles infigna laudis ? Aitque eos, qui, si suius ipsorum meritis æstimentur, nullius sont pretii, ceterum insinuantes ses majorum suorum quibusdam virtutibus atque illorum laudibus sese immodice venditantes, hoc proverbio ad silentium adigi.

[On le dit communément de celui qui se targue des exploits de ses ancêtres sans avoir la moindre gloire à tirer des siens propres, comme ce Ponticus dont s’est moqué Juvénal (Satire 8) :

Mais toi, Ponticus, je ne voudrais pas qu’on te jugeât sur la seule gloire de tes aïeux, sans que toi-même ne fît rien pour assurer un jour la tienne. C’est pitié de s’appuyer sur la renommée des autres. {a}

On peut aussi entendre ainsi cet adage : quand le bon peuple regrette ses parents pour avoir été d’honnêtes gens, un mauvais fils les loue de la sorte, car il ne supporte pas qu’on puisse le trouver bien pire qu’eux. C’est ce qui arrive assez souvent dans les familles régnantes : on y honore et regrette, une fois qu’il est mort, celui qu’on haïssait vivant, et on le trouve bon quand on le compare à son fils. Plutarque rapporte et explique ce proverbe dans sa vie d’Aratus : {b}

« Voici, mon cher Polycrate, un vieux proverbe que Chrysippe, le philosophe, {c} a cité, mais craignant qu’il ne fût infamant, il ne l’a pas mis tel qu’il est, mais comme il l’a jugé meilleur : “ Qui louera son père, sinon les fils heureux ? ” Dénonçant l’altération de cet adage Dionysodore de Trézène {d} l’a remis dans son véritable sens : “ Qui louerait son père, sinon les enfants indignes de gloire ? ” Il ajoute que le but de ce proverbe est de faire taire ceux qui, n’ayant par eux-mêmes aucun mérite, se drapent des vertus de leurs ancêtres, et les glorifient à outrance. »]


  1. Vers 74‑76 de la Satire 8.

  2. Érasme transcrit ici en grec les premières phrases de la Vie d’Aratos, stratège grec du iiie s. av. J.‑C. avant d’en donner sa traduction latine.

  3. Chrysippe de Soles, stoïcien du iiie s. av. J.‑C., tenu pour l’un des plus prolifiques auteurs de l’Antiquité grecque.

  4. Énigmatique grammairien grec antique.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 2 manuscrit, note 16.

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(Consulté le 09/10/2024)

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