À Charles Spon, le 12 mars 1658, note 5.
Note [5]

Ce lieutenant rétif d’Hesdin se nommait Jacques de La Rivière, seigneur de Menou et du Coulombier.

Montglat (Mémoires, pages 328‑329, année 1658) a donné les détails de cette grave affaire :

« Bellebrune, gouverneur d’Hesdin, mourut le 16e de février dans Paris. Le cardinal fit donner son gouvernement au comte de Moret, cadet de Vardes. Aussitôt Fargues, {a} major de la place, lui fut rendre ses respects, croyant qu’il serait bien aise de s’instruire de lui de l’état de la ville, et pour le prier de se servir de lui et le continuer dans sa charge. Le comte de Moret le reçut fort froidement et lui fit connaître par ses discours qu’il voulait mettre dans Hesdin de ses créatures, et qu’il irait bientôt prendre possession du gouvernement où il lui ferait savoir les volontés du roi. Fargues, mal satisfait de cette réponse et encore plus, de la petite espérance qu’il avait d’être maintenu dans sa charge, fit résolution de s’y conserver par force ; et sachant que le maréchal d’Hocquincourt était retiré en sa maison en Picardie, mal satisfait de la cour, il passa chez lui en retournant à Hesdin et lui ouvrit ses sentiments, et la pensée qu’il avait de se saisir de la place et s’en rendre maître pour traiter après de ses intérêts à loisir. Le maréchal le fortifia dans ce dessein et l’assura qu’il serait bientôt avec lui. Fargues, confirmé dans sa résolution, s’en alla droit à Hesdin où il découvrit son projet à La Rivière, lieutenant de roi, son beau-frère, qu’il attira facilement de son côté par la crainte qu’il lui donna de la perte de sa charge et des discours du comte de Moret. Ils en parlèrent en même temps aux officiers, qui étaient tous à eux, et leur promirent de grands avantages s’ils voulaient s’embarquer dans leurs intérêts. Ils les trouvèrent disposés à ce qu’ils désiraient et ainsi, étaient assurés de toute la garnison. Le comte de Moret arriva bientôt après, pensant que tout serait soumis à ses volontés ; mais il trouva les portes fermées. Il se nomma et demanda à parler à La Rivière, lieutenant de roi, lequel ne voulut point l’aller trouver et lui manda qu’il ne le pouvait recevoir dans la ville ni le reconnaître pour gouverneur, et qu’il le priait de se retirer. Il s’opiniâtra encore à la porte et les menaça de les faire châtier ; mais on lui cria qu’on allait tirer sur lui s’il ne s’en allait ; tellement qu’il fut contraint d’aller coucher à Abbeville d’où il fit savoir cette mauvaise nouvelle à la cour, qui en fut fort troublée ; et le cardinal envoya de sa part à Hesdin pour négocier, et offrir de grands avantages à Fargues et La Rivière pour les tirer de là ; mais le maréchal d’Hocquincourt, qui arriva dans le même temps à Hesdin, rompit tout commerce avec le cardinal, duquel il se voulait venger ; et fut cause qu’on envoya au prince de Condé pour traiter avec lui. Le prince reçut avec grande joie la proposition qui lui fut faite et il fit un traité avec eux, par lequel il promit de faire payer la garnison d’Hesdin par le roi d’Espagne, laquelle ne pourrait être changée, ni augmentée ou diminuée, que du consentement de La Rivière et Fargues qui demeureraient maîtres de la place, et promettraient de fidèlement servir le prince et de ne se raccommoder jamais avec la cour que de concert avec lui ; et réciproquement, il s’obligeait de ne point faire de traité avec la France sans les y comprendre. Dès que ces articles furent signés, ils commencèrent à faire des courses devers Abbeville et Montreuil, et à établir des contributions en France. Pour le maréchal d’Hocquincourt, voyant qu’il ne pouvait être maître d’Hesdin, et quoiqu’on l’y eût fort bien reçu, que Fargues, le plus fin et le plus habile des deux, tenait le bon bout de son côté et se conservait toute l’autorité, il alla trouver le prince de Condé à Bruxelles ; et le cardinal Mazarin fit arrêter la femme de Fargues {b} et ses enfants, pour servir d’otage de ses actions. »


  1. V. note [7], lettre 521.

  2. Née Marie-Madeleine de La Rivière.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 12 mars 1658, note 5.

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(Consulté le 12/10/2024)

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