À André Falconet, le 10 décembre 1661, note 8.
Note [8]

Deux amis poètes doivent leur renom au récit licencieux qu’ils firent de leur équipée pour aller prendre les eaux à Encausse dans les Pyrénées, en 1656 :

  • Claude-Emmanuel Luillier dit Chapelle (1626-1686), né à Montmartre, rue de la Chapelle, était fils illégitime de François Luillier (conseiller au parlement de Metz, v. première notule {b}, note [21] du Patiniana I‑1), qui le reconnut en 1642.

  • François Le Coigneux de Bachaumont (1624-1702), abbé de Saint-Euverte d’Orléans, était fils du président Jacques Le Coigneux {a} et de sa deuxième épouse, Marie Bitault ; il avait été reçu conseiller clerc au Parlement de Paris, en la quatrième des Enquêtes, en 1646 (Popoff, no 83) ; on lui attribue l’invention du mot Fronde en 1648. {b}

Guy Patin ne pouvait avoir eu connaissance de leur ouvrage que par les copies manuscrites circulant sous le manteau, car il ne parut qu’après sa mort : Voyage curieux, historique et galant, contenant plusieurs particularités très considérables, ce qu’il y a de beau et de plus remarquable à voir au tour de la France, et autres traités de galanteries mêlés de prose et de vers, par les plus beaux esprits de ce temps (sans lieu ni nom, 1680, in‑12). Patin citait ici un vers qui figure dans le récit de la rencontre socratique des deux camarades avec Dassoucy, {c} accompagné de son page, près de Montpellier, puis en Avignon :

« Avignon nous avait paru si beau que nous voulûmes y demeurer deux jours pour l’examiner plus à loisir. Le soir, que nous prenions le frais sur le bord du Rhône, par un beau clair de lune, nous rencontrâmes un homme qui se promenait, qui nous sembla avoir de l’air du sieur Dassoucy. Son manteau, qu’il portait sur le nez, empêchait qu’on ne le pût bien voir au visage. Dans cette incertitude, nous prîmes la liberté de l’accoster et de lui demander :

“ Est-ce vous, Monsieur Dassoucy ? ”
“ Oui, c’est moi, Messieurs ; me voici
N’ayant plus pour tout équipage
Que mes vers, mon luth et mon page.
Vous me voyez sur le pavé

En désordre, malpropre et sale ;
Aussi je me suis esquivé
Sans emporter paquet ni malle ;
Mais enfin, me voilà sauvé,
Car je suis en terre papale. ”

Il avait effectivement avec lui le même page que nous lui avions vu lorsqu’il se sauva de Montpellier et que l’obscurité nous avait empêchés de pouvoir discerner. Il nous prit envie de savoir au vrai ce que c’était que ce petit garçon et quelle belle qualité l’obligeait à le mener avec lui ; nous le questionnâmes donc assez malicieusement, lui disant :

“ Ce petit garçon qui vous suit
Et qui derrière vous se glisse,
Que sait-il ? En quel exercice,

En quel art l’avez-vous instruit ? ”
“ Il sait tout, dit-il. S’il vous duit, {d}
Il est bien à votre service. ”

Nous le remerciâmes lors bien civilement, ainsi que vous eussiez fait, et lui répondîmes autre chose :

“ Qu’adieu, bonsoir et bonne nuit.
De votre page qui vous suit
Et qui derrière vous se glisse,
Et de tout ce qu’il sait aussi,

Grand merci, Monsieur Dassoucy ;
D’un si bel offre de service
Monsieur Dassoucy, grand merci. ” » {e}


  1. V. note [1], lettre 317.

  2. V. note [15], lettre 190.

  3. Charles Coypeau d’Assoucy (Paris 1605-ibid. 1677), poète, mémorialiste, musicien et libertin notoire.

  4. Convient.

  5. Transcrit par Jacques Prévot, Libertins du xviie s., notes sur Les Aventures de M. Dassoucy, tome i, page 1533.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 10 décembre 1661, note 8.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0715&cln=8

(Consulté le 20/04/2024)

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