< L. 15.
> À Claude II Belin, le 18 janvier 1633 |
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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. –
À Claude II Belin, le 18 janvier 1633
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Je vous remercie des deux lettres que vous m’avez depuis peu envoyées, la première desquelles fut apportée céans tandis que j’étais en Picardie, où j’étais allé rendre les derniers devoirs à mon père [2][3] qui y mourut mercredi dernier, 12e de ce mois. Je reçus moi-même la seconde, mettant pied à terre du dit voyage, laquelle me servit de consolation dans le regret que j’avais d’un si malheureux voyage, qui ne fut pourtant que de quatre jours, pour les grandes affaires qui me rappelaient de deçà. J’ai pareillement reçu le paquet de M. Angenost, que je fus hier au matin chercher chez M. Barat, [1][4] mais il ne devait arriver qu’hier au soir, comme il fit, dans le coche. J’y fusse retourné aujourd’hui à quelque heure, mais il m’a prévenu, [2] m’ayant lui-même apporté d’assez matin votre paquet, duquel je vous remercie bien humblement, et monsieur votre frère [5] aussi, duquel, à votre première, je vous prie me mander si je puis avoir espérance de le revoir quelque jour en cette ville, désirant encore apprendre de lui beaucoup de particularités que peu de gens savent bien comme lui. Quant au dispensaire [6] duquel est fait mention dans l’arrêt qu’avez reçu, [7] je vous dirai que nous n’en avons aucun. [3] La Cour de Parlement a autrefois ordonné que douze anciens médecins y travailleraient, quelqu’un leur ayant remontré que c’était chose fort utile ; mais la mort ayant diminué, voire remporté ledit nombre, notre Faculté ne s’est jamais bien accordée à y en substituer d’autres, ceux qui avaient été délégués en leur place étant de différents avis, les uns disant que Natura gaudet paucis, [4] que pour bien faire la médecine il ne faut guère de remèdes et encore moins de compositions, la quantité desquelles est inutile et plus propre à entretenir la forfanterie des Arabes [8] au profit des apothicaires [9] qu’à soulager des malades, lesquels un simple purgatif opère quelquefois autant qu’une médecine où y entreront trois ou quatre compositions. [10] Pour moi, je suis de l’avis de MM. les Piètre, [11][12][13][14][15][16][17][18][19] qui ne veulent ad bene medendum quam pauca, sed selecta et probata remedia. [5] Moi, qui ai appris par maintes expériences sur moi et sur autrui que l’infusion de trois gros de séné [20] en un verre d’eau purge aussi bien, voire plus sûrement qu’un tas de compositions arabesques, toutes sortes d’humeurs peccantes, [6] je rends la pharmacie la plus populaire qu’il m’est possible, [7] ordonnant tous les jours chez mes malades euporista et facile parabilia remedia, [8] afin d’en sauver la peine aux apothicaires, qui ne trouvent cela guère bon ; mais je ne me soucie ni d’eux, ni de ce qu’ils disent de moi, m’en trouvant bien, en ne foulant pas ma conscience, [9] ni n’engageant mon honneur, ni la bourse de mes malades ; joint que le peuple est tellement lassé de leur tyrannie barbaresque et de leur forfanterie bézoardesque [21] qu’il est toujours bien aise, à quelque prix que ce soit, d’échapper de leurs mains. Pas un de notre Compagnie n’approuve leur insatiable avarice, laquelle a bien été châtiée depuis sept ou huit ans que nous leur avons fait la guerre, combien que parmi nous il y ait quelques faux frères qui les courtisent en derrière, exigui cuiusdam lucri gratia, [10] sans la connivence desquels nous en serions bientôt venus à bout malgré le grand pouvoir qu’ils prétendent avoir. Dans la plupart des grandes maisons il n’y a plus d’apothicaires. C’est un homme ou fille de chambre qui fait et donne les lavements, [22] et les médecines aussi, que nous réduisons la plupart en jus de pruneaux [23] laxatif, ou bouillon de séné avec un jus de citron, [24] ou d’orange, [25] ou de verjus, [11][26] ou tisane [12][27][28] laxative de casse [29] et séné, [13] selon l’appétit du malade. Je me souviens qu’au doyenné de M. Du Chemin, [30][31] deux fois la semaine on travaillait à cet antidotaire, mais les cinq doyens qui ont été depuis lui n’en ont point continué l’achèvement, lequel est pourtant bien avancé. [14] Les apothicaires d’ici se servent du dispensaire de Nicolas, ou de Bauderon ; [15][32] quelques-uns de Renou. [16][33] Pour moi, je crois qu’il n’y en a aucun de meilleur que celui du Médecin charitable, [34] qui se trouve augmenté dans son livre, de l’impression de Jean Jost, [35] rue Saint-Jacques, [36] au Saint-Esprit, car deux ou trois autres éditions qui se voient sont imparfaites et contrefaites. [17][37] Il vend même lesdites compositions en sa maison, fort bien faites et à prix fort raisonnable, d’où j’en envoie quérir quand j’en ai besoin pour quelque malade. Quant à vos papiers, je les verrai et vous en rendrai compte dans huit jours, Dieu aidant. J’ai céans l’Histoire de Dupleix, [18][38] de laquelle je me suis servi pour apprendre le grand chemin de l’histoire, < et > en laquelle j’ai toujours trouvé une assez exacte chronologie ; du reste, je la prise beaucoup moins que celle de M. de Thou, [39] laquelle j’estime par-dessus toute autre être propre aux hommes lettrés, et aux esprits libres qui ne savent flatter et qui nomment les choses par leur nom. Les honnêtes gens du Pays latin [40] la liront toujours latine. [19] Le peuple curieux et les politiques français la liront traduite ; car pour les ligueurs, [41] s’ils ne sont repentis, je ne suis pas d’avis qu’ils y mettent le nez. Sed minimum excurret epistola. [20] Je vous prie de croire que je suis, Monsieur, votre très humble et affectionné serviteur, Patin. De Paris, ce 18e de janvier 1633. | |||||||||||||
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Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr | |||||||||||||
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