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Ana de Guy Patin :
Naudæana et Patiniana I
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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Ana de Guy Patin : Naudæana et Patiniana I Préfaces

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8191

(Consulté le 13/12/2024)

 

Préface de 1701 [a][1]

« Les noms de Naudé [2] et de Patin[3] à la tête d’un ouvrage, sont très capables de prévenir le public en sa faveur ; et pour peu qu’on lise celui qu’on donne au public, on sera aisément convaincu que cette prévention n’est pas sans fondement, et qu’on aurait peine d’en trouver un qui fît plus de plaisir à lire.

En effet, ces deux auteurs s’y peignent avec les couleurs les plus vives et les plus naturelles, et s’expliquent avec toute la liberté et toute la franchise de deux amis qui ne parlent que pour eux, ou tout au plus pour une postérité dont ils n’ont rien à craindre et qui, même, leur sait bon gré de leur sincérité.

On y voit beaucoup de faits revêtus de circonstances curieuses, véritables, et qu’on ne trouve point ailleurs. La plupart des écrivains étouffent la vérité par haine et par jalousie, ou la déguisent par amitié et par flatterie ; les deux auteurs à qui nous devons ces mémoires n’ont jamais été soupçonnés d’aucune de ces passions. À la vérité, quelquefois, la raillerie y est un peu forte ; mais elle ne peut nuire ni à ceux qu’elle attaque, ni à ceux qui la liront ; l’on se contentera d’en louer les pensées et le tour, et personne ne prendra pour certains un petit nombre de faits sur lesquels on a peut-être répandu un peu trop d’aigreur.

J’ai dit qu’on y lirait des choses qu’on ne trouve pas ailleurs, sans en excepter même les Lettres de Patin[1][4] car ces deux ouvrages n’ont rien de commun que la vivacité et l’agrément. Voilà pour les choses ; voici quelques particularités de la vie de ceux à qui nous les devons.

Guy Patin naquit à Houdan, à trois lieues de Beauvais, l’an 1602. [2][5] Il parle de ses parents [6][7] comme de gens d’une probité et d’une candeur dignes des premiers temps, et plus propres à lui inspirer la vertu qu’à lui procurer un établissement honnête ; aussi ne se chargèrent-ils que de l’instruction et des exemples, et lui laissèrent le soin de devenir l’artisan de sa fortune. Ils l’envoyèrent à Paris où, ayant fini ses études ordinaires, il s’attacha uniquement à la médecine ; et ce fut pour lors qu’il connut M. Naudé. Comme ils avaient le même goût pour la probité et pour le savoir, dès qu’ils se connurent, ils s’estimèrent à l’envi, et lièrent une amitié qui, par sa vivacité et par sa constance, eut toujours les grâces de la nouveauté, et fut à l’épreuve de l’intérêt, de l’absence des années, et de la mort même. [3]

Après s’être attaché plusieurs années à la médecine, il voulut enfin recueillir les fruits de cette application continuelle, dont le succès ne pouvait être médiocre. Il se fit recevoir docteur, et aurait été dès lors capable de la pratiquer avec éclat si, par une fatalité trop ordinaire aux gens de lettres, il n’avait été obligé d’être correcteur d’imprimerie. [4][8][9] À la vue de quelques-unes de ses corrections, M. Riolan, [10] célèbre médecin, qui était regardé par ses confrères comme l’arbitre de la réputation, lui donna son estime et son amitié, et le produisit dans le monde. Il n’y fut pas plus tôt connu qu’on le rechercha avec un empressement extrême, et qu’il s’y fit quantité d’amis illustres qui l’aimèrent avec cette familiarité que le mérite autorise, et que la grandeur et la bienséance ne condamnent pas.

Ce même mérite qui lui avait donné des amis d’un si grand nom, et qui lui procura dans la suite une chaire de professeur de médecine au Collège royal[11] lui attira une infinité d’envieux qui, donnant un tour criminel à ses manières de parler, libres et naïves, tâchèrent de le rendre suspect de libertinage ; [12] mais l’étroite liaison qu’il avait avec M. le premier président de Lamoignon, [13] la vertu même, fit ouvrir les yeux aux personnes qui étaient sans passion, et leur fit remarquer qu’il n’en voulait qu’à la bigoterie et à la superstition, [14] et que d’ailleurs c’était un homme d’une piété solide, [15] rempli de respect pour son roi, [16] de tendresse pour sa famille et pour ses amis, et de bonté pour ses écoliers, qui l’écoutaient comme un habile maître et l’aimaient comme leur père. [5]

Quoiqu’il fît profession d’une philosophie qui semblait le mettre au-dessus des accidents les plus fâcheux, elle succomba néanmoins, cette philosophie, sous la disgrâce de son second fils. [17] C’est celui qui s’est si fort signalé par son habileté dans la médecine et dans la connaissance des médailles, et qui est mort à Padoue en 1694, [6] comblé d’honneurs et de mérite. Il ne put voir sortir du royaume ce cher fils, et cela pour avoir déplu à son prince, sans en concevoir un chagrin qui, joint au peu de satisfaction qu’il avait eu de son fils aîné, [18] lui rendit la vie ennuyeuse et lui fit regarder la mort d’un visage plus serein. Il mourut l’an 1672, âgé de 70 ans. [7]

Ce serait ici l’endroit où je devrais parler de M. Naudé, et je n’aurais garde de séparer ceux qu’une amitié si tendre avait si étroitement unis, si je n’avouais qu’il fallait ménager le public et le renvoyer à ce qu’en dit le P. Jacob [19] dans le recueil qu’il a donné au public des éloges de M. Naudé, et à un article de cet ouvrage, où Patin parle de son ami d’une manière qui me dispense d’en dire davantage. [8]

Il ne me reste plus qu’à dire un mot du manuscrit. Il me fut communiqué il y a deux ans par une personne connue à la cour et à la ville par ses rares talents et qui joint à la délicatesse d’esprit une science profonde. Je la nommerais avec plaisir et je lui donnerais encore plus volontiers les éloges que mon cœur m’inspire, mais sa modestie ne me le pardonnerait pas. » [9]

Avertissement du libraire sur cette 2e édition (1702-1703) [b][20]

« Je n’ai pas pu faire tout ce que je souhaitais pour perfectionner cette nouvelle édition du Naudæana et Patiniana. Je voulais y joindre les endroits que M. le président Cousin [10][21] a retranchés de l’original, et les pièces latines que le Père Jacob [22] publia en l’honneur de M. Naudé à Paris l’an 1659, mais jusqu’ici il m’a été impossible de les recouvrer. [8] J’ai été plus heureux par rapport à la taille-douce de M. Naudé[23] car j’en ai enfin déterré un exemplaire, on la trouvera ici avec celle de M. Patin[11][24] Mais pour faire bien connaître que cette édition ne laisse pas d’être incomparablement meilleure que celle de Paris, il me suffira d’avertir que j’ai fait corriger un très grand nombre de fautes, qui défiguraient si horriblement les noms propres qu’ils en étaient méconnaissables. J’ai mis ensemble les endroits qui appartiennent à la même personne, et qui se trouvent dispersés çà et là dans l’édition de Paris ; et, ce qui est beaucoup plus considérable, je donne des suppléments très curieux et fort nécessaires, dont le manuscrit m’est venu de France. S’ils fussent venus assez tôt, j’eusse mis chaque addition au bas de l’article qu’elle concerne, mais, quoiqu’elles soient toutes ensemble à la fin du Naudæana, il n’y a personne qui ne puisse facilement les rapporter où il faut. L’auteur de ces additions ne m’est connu que sous l’idée générale de savant homme. Vous allez voir son avant-propos. »

Préface de l’auteur des Additions au Naudæana (1702-1703) [c][25]

« Quoique je sois très persuadé que les les grands noms de Naudé et de Patin que l’on a mis à la tête de cet ouvrage imposeront à peu de personnes, et qu’on ne rendra point ces savants hommes responsables de tout ce qui s’y peut avancer ou faussement ou avec témérité, j’ai cru néanmoins qu’il ne serait pas inutile de travailler à mettre ces conversations à peu près en l’état où ils auraient voulu qu’elles eussent paru.

Ce dessein, selon les premier projet que j’en avais formé regardait également le Naudæana et le Patiniana ; mais quelques raisons m’ont depuis obligé à me restreindre au premier de ces deux ouvrages.

Tout le monde sait avec quelle avidité les Ana sont à présent reçus ; mais il n’est personne aussi qui ignore que le peu d’exactitude qui s’y trouve diminue beaucoup le plaisir que pourraient faire naître au lecteur la variété des matières et la liberté des sentiments qui sont ordinairement inséparables de ces sortes de livres. C’est donc pour inspirer en quelque façon la pensée de les rendre dorénavant plus utiles que j’ai entrepris d’ajouter une espèce de commentaire au prétendu Naudæana. L’unique but que je m’y propose est de fixer les époques de tous les faits dont il y est parlé, d’y ajouter quelquefois des circonstances absolument nécessaires, enfin de ne rien laisser avancer à l’auteur qui ne soit soutenu du témoignage de quelque autre digne de foi. Je ne descendrai point ici dans le détail de ce que j’ai fait pour le rectifier. Il vaut mieux renvoyer le lecteur aux notes que j’y ai ajoutées, et qui ne sont point d’une longueur à beaucoup ennuyer. Peut-être même que les plus difficiles y trouveront à se dédommager de la peine qu’ils auront prise à les lire. J’ai tâché du moins de ne rien dire qui fût trop commun, et les connaisseurs s’apercevront de temps en temps de quelques découvertes. » [12]


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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