Texte : Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre xv, note 23.
Note [23]

Les voies indirectes et fictives du chyle par les veines cave inférieure et rénales ont été évoquées ailleurs, mais Thomas Bartholin surprend en ajoutant ici son passage par la veine porte (per portam) : ce pouvait être par inadvertance, mais les mots ont leur sens et il y a bien de quoi s’en étonner, car il s’agit de la principale voie que la physiologie moderne attribue au chyle hydrosoluble (protido-glucidique, v. supra note [2]) ; ce point V de son chapitre ne semble parler que du chyle laiteux (lipidique), mais il est regrettable qu’il n’ait pas poussé son idée plus loin car elle lui aurait permis d’approcher la vérité de beaucoup plus près.

L’Anatomia reformata des Bartholin {a} ne m’a pas aidé à comprendre, car le chapitre iii de son Libellus de venis nie catégoriquement le passage du chyle dans la veine porte {b} (§ 1, page 417, sur les fonctions [Usus] de cette veine) :

[secundum antiquos,] Chylum exsugere ex intestinis, et per truncum venæ portæ in epar deferre. [sed nunquam in his lacteus chyli succus repertus ; semper sanguine refertis. Adhæc inventio venarum lactearum isti repugnat. Necessitas tamen tempore in omnimoda obstructione venarum lactearum, per hæc chylum deferri concedit Riolanus, sed nullo argumento. Nec enim hiant in intestina, alioquin effunderetur sanguis, et meo judicio, cessaret potius nutritio, quod in lienteria videre est, illis obstructis.

Harvejus, ut lacteas refutet, suam tamen circulationem in mesenterio tueatur, arbitratur, sicut venæ umbilicales ab ovi liquoribus succum alimentativum absorbent, deferuntque ad nutriendum et augmentandum pullum, ita et venas mesaraicas ab intestinis chylum sugere et in jecur deferre etiam in adulto. Cæterum chylum simul cum sanguine veherent, adeoque confunderentur diversa, concota cum incoctis. Et quid opus confundere vasa quæ natura distinxit. Diversum autem esse umbilicalium vasorum usum in embryone et adulto, nemo ignorat].

[(Selon les Anciens), {c} le chyle est sucé hors des intestins et transporté dans le foie par le tronc de la veine porte. (On n’y trouve pourtant jamais de suc chyleux lacté, et elles sont toujours pleines de sang. La découverte des veines lactées contredit en outre ce fait. Riolan convient néanmoins de la nécessité que le chyle soit transporté par cette voie dans tous les cas où les veines lactées sont obstruées, mais sans en apporter la moindre preuve. Les veines mésaraïques ne s’ouvrent pas dans les intestins, car alors du sang s’y répandrait et, à mon avis, toute nutrition cesserait quand les lactifères sont obstrués, comme on voit dans la lientérie. {d} Pour réfuter les lactifères, tout en protégeant sa circulation sanguine dans le mésentère, Harvey {e} juge que les veines ombilicales tirent le suc alimentaire des liquides de l’œuf et le délivrent au poussin pour le nourrir et le faire croître, de la même façon que, chez l’adulte, les veines mésaraïques sucent le chyle des intestins et le conduisent au foie. Ainsi transporteraient-elles du sang et du chyle, et le digéré s’y mêlerait-il avec le cru ; mais il confond des vaisseaux que la nature a distingués les uns des autres, et nul n’ignore que la fonction des vaisseaux ombilicaux n’est pas la même chez le fœtus et chez l’adulte)].


  1. Leyde, 1651 (v. note [5], lettre d’Adrien Auzout), soit avant la parution du livre de Jean Pecquet.

  2. Le chyle gagnait le foie par les lécatifères, sans s’être mêlé au sang porte.

  3. Les passages mis entre crochets [dans le texte latin] et entre parenthèses (dans la traduction) sont les additions de Thomas Bartholin au texte de son père, Caspar.

  4. V. notule {h}, note [16], Nova Dissertatio de Jean Pecquet, expérience i.

  5. William Harvey avait alors expliqué son scepticisme sur les lactifères dans son Exercitatio anatomica de 1648 et ses Exercitationes sur la reproduction des animaux de 1651 (v. note [17], première Responsio de Jean ii Riolan, 5e partie). Ses trois lettres sur les Experimenta anatomica nova, et particulièrement la première (avril 1652), l’ont plus tard confirmé.

V. note [17], lettre de Thomas Bartholin à Johann Daniel Horst (1655), pour une critique acerbe de Riolan sur ce point v de Bartholin.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre xv, note 23.

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(Consulté le 13/06/2024)

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