Texte : Jean ii Riolan
Responsiones duæ (1655),
Responsio ad Pecquetianos
1re de 6 parties, note 31.
Note [31]

Jean ii Riolan a surtout parlé de Caspar Bauhin aux deux pages de ses Opera anatomica vetera et nova (Paris, 1649) {a} qu’il indiquait (avec mise en exergue des passages cités mot pour mot dans sa Responsio ad pecquetianos, où je les ai traduits entre guillemets).

  • Anthropographie, livre i, page 33 :

    Casparus Bauhinus in Academia Basiliensi per annos quadraginta Anatomiæ professor, librum de partibus externis coporis humani composuit, alium de partibus similaribus, Isagogen Anatomicam, et Theatrum Anatomicum edidit : Isagoge placuit, sæpius excusa et renouata, et nuper suum Theatrum Anatomicum denuò publicauit ; vt inscriptio libri præ se fert, infinitis locis auctum, ad morbos accommodatum, erroribus ab authore repurgatum, obseruationibus aliquot nouis illustratum. Sed citra inuidiam et obtrectationem alienæ famæ monebo lectorem, istam reformationem Theatri Anatomici ad exemplar meæ Anthropographiæ factam fuisse, suppresso tamen meo nomine, vt animaduerteret quicumque meam Anthropographiam cum eius Theatro secundæ editionis conferre voluerit. Itaque si placuit Bauhino meus labor,

    Non sum adeo informis, nuper me in littore vidi,
    Cùm placidum ventis straret mare ; non ego Daphnin
    Iudice te metuam, si nunquam fallit imago.

    Sed ne videatur indicto plagij crimine iniquè Bauhinus accusatus et condemnatus, non proferam veterum authorum, siue rei medicæ, siue humanioris litteraturæ innumeras sententias, ad rem Anatomicam spectantes, è meo libro surreptas. Quia dicet à me priùs occupatas fuisse, iampridem à se in iisdem libris adnotatas, cùm vnicuique pateat eiusmodi scriptorum lectio. De meis dumtaxat inuentis magno labore quæsitis conqueror ; et repetundarum rerum accuso Bauhinum, quas recitat sub nomine alterius innominati, quidam aut nonnulli dicunt, quod cùm in Theatro Anatomico offendes (amice Lector) scito Riolanum esse authorem : equidem operæ precium duxi istam animaduersionem in Theatrum Anatomicum proferre, vt præsentibus et posteris innotesceret, Bauhinum, eximium fuisse compilatorem, nihil de suo cerebro parturiisse, nec quidquam in re Anatomica inuenisse, neque opiniones Anatomicorum controuersas conciliasse : Denique nullum in citandis authoribus delectum habuisse, quoniam indoctus et imperitus Anatomicus, se quoque Principibus permistum agnoscit Achivis in hoc Theatro Anatomico. Verumtamen, in Bauhino laudo diligentiam et summum laborem in condendo hoc Theatro Anatomico, vt in suo Phytopinace, opere laboriosissimo et vtilissimo, sed in Anatomicicis maiorem industriam, accuratam censuram in probandis, vel improbandis desidero.

    [Caspar Bauhin, qui a professé l’anatomie pendant quarante ans en l’Université de Bâle, a écrit un livre De partibus externis corporis humani, un autre De partibus similaribus, un Isagoge anatomica {b} et le Theatrum Anatomicum. Son Isagoge a plu et été très souvent réimprimée et mise à jour. Il a récemment réédité le Theatrum Anatomicum, avec un frontispice annonçant que « l’auteur l’a augmenté en une infinité d’endroits, disposé pour la connaissance des maladies, purgé de ses erreurs, et enrichi de quelques observations et figures ». {c} Sans aller jusqu’à la jalousie et au dénigrement de la réputation d’autrui, j’avertirai pourtant le lecteur que cette révision du Theatrum Anatomicum a été faite sur le modèle de mon Anthropographie{d} mais sans me nommer, comme le remarquera quiconque voudra comparer mon Anthropographie à cette seconde édition du Theatrum Anatomicum. Si mon travail a plu à Bauhin,

    Non sum adeo informis, nuper me in littore vidi,
    Cùm placidum ventis straret mare ; non ego Daphnin
    Iudice te metuam, si nunquam fallit imago
    . {e}

    Afin que Bauhin ne paraisse pourtant injustement accusé et condamné pour crime de plagiat dissimulé, je ne citerai pas les innombrables sentences des vieux auteurs, qu’elles soient médicales ou littéraires, mais relatives à l’anatomie, qu’il a dérobées à mon livre, car il dirait alors que je l’ai devancé, mais qu’il les avait depuis longtemps relevées dans les mêmes ouvrages, comme chacun le pourra constater en lisant ses écrits. Ma plainte ne porte que sur les découvertes qui m’ont demandé beaucoup de travail et j’accuse Bauhin de péculat {f} pour les propos qu’il a repris sans nommer leur auteur, que d’aucuns voire d’autres connaissent : sache donc, ami lecteur, que Riolan est auteur de ce qui te déplaira dans le Theatrum Anatomicum. Je me suis aussi donné le mal de publier une animadversion contre ce livre pour que nos contemporains et leur postérité sachent que Bauhin a été un éminent compilateur : il n’a rien fait naître de son propre cerveau, n’a rien découvert en anatomie {g} et n’a pas résolu les opinions controversées des anatomistes ; enfin, dans son Theatrum Anatomicum, parce qu’il manque de savoir et d’expérience pratique, il n’a montré aucun discernement dans ses citations des auteurs, se quoque Principibus permistum agnoscit Achivis. {h} Je loue néanmoins le soin et l’immense labeur que Bauhin a déployés dans la rédaction de son livre, comme il a fait dans son Phytopinax, ouvrage extrêmement travaillé et utile, {i} mais je réclame plus d’adresse et un jugement plus soigneux quand il s’agit d’approuver ou désapprouver les anatomistes].


    1. Paris, 1649, v. supra première notule {a}, note [26].

    2. L’Anatomes de Caspar Bauhin me semble être son seul ouvrage qui corresponde au titre d’Isagoge Anatomica [Introduction à l’anatomie] ; elle est composée de deux in‑8o qui ont été publiés à Bâle :

      1. De Corporis humani partibus externis [Sur les Parties externes du corps humain] (Officina Episcopiana, 1588, 64 pages) ;

      2. Partium Similarium Spermaticarum tractatio… [Traité des parties séminales similaires] (Sebastianus Henricpetrus, 1592, 530 pages), traitant de toutes les parties dites similaires (vnote Patin 7/270), sans limitation à celles qui assurent les fonctions séminales.

    3. V. notule {b}, note Patin 4/1024, pour l’« Amphithéâtre anatomique » de Bauhin (Francfort, 1605 et 1621). Ornée d’un somptueux frontispice, l’édition de 1621 est la dernière que je connaisse et était sous-titrée exactement comme l’indiquait Jean ii Riolan.

    4. Dans le texte de ses Responsiones duæ, Riolan précisait que le plagiat de Bauhin portait sur la première édition de l’Anthropographie parue en 1618.

    5. Virgile, Bucoliques, ii, 25‑27 : « Je ne suis pas si affreux ; j’ai naguère sur le rivage vu mon reflet dans la glace d’une mer d’huile : je ne crains pas, Daphnis, en te prenant pour juge, d’être jamais trompé par le miroir. »

    6. Le péculat qualifiait « tout larcin fait d’une chose sacrée, religieuse, publique ou fiscale » (Furetière).

    7. Vnote Patin b/8146 pour la vive contestation de Riolan sur la découverte de la valvule iléo-cæcale par Bauhin.

    8. Virgile, Énéide, chant i, vers 488, sur Priam : « lui aussi, dans la mêlée, s’est reconnu aux prises avec les chefs grecs. »

    9. Φυτοπιναξ seu Enumeratio plantarum [Phytopinax ou Répertoire des plantes], Bâle, 1596, vnote Patin 35/318.

  • Déjà citée plus haut à propos des anatomistes allemands, {a} la page 686 se poursuit par ces lignes :

  • Nec defuturos præuideo, quia {b} credent me φιλαυτιας et arrogantiæ flatu inflatum et impulsum, istas Animaduersiones edidisse, ut supra cæteros Anatomicos sapere, et maiora præstare viderer, hisque prostatis {c} et deuictis, de possessione rei Anatomicæ adepta tanquam Dictator triumpharem, atque ingeniosam in hac professione dictaturam exercerem. Proinde eo potissimum nomine me deprehendent, atque stylum aduersum me exacuent, et acerbiùs insectabuntur, vt sartam tectam tueantur Laurentij et Bauhini peritiam Anatomicam : Quibus non respondebo, nisi fuerint in rebus Anatomicis exercitati, et ex multis experientiis, peritè, scientificè, at modestè scripserint.

    Ad vitandam hanc inuidiam, potuissem Riolani mutato nomine, et alterius mutuato, istas Animaduersiones in lucem proferre, sed à multis spretæ fuissent, velut ab inscio et temerario quodam homine profectæ, qui obtrectratione alienæ famæ gloriam sibi comparere vellet. Alij me Authorem suspicati, aut pro certo agnoscentes, vel inconstantiam, aut trepidationem, vel inscitiam exprobrassent, quod non ausus fuerim in medium prodire, et proprio nomine innotescere, ideoque lateam instar Apellis post tabulam, aliorum iudicia exploraturus in eo certamine, quo qui prouocat, notus esse debet.

    Me me adsum qui feci, in me conuertite ferrum.

    Itaque fretus experientia et fiducia studij Anatomici, constanter profiteor me authorem istarum Animaduersionum, quas relegendo opus Anatomicum Bauhini, notaui.

    Si quis laborem nostrum reprehendat, tanquam nimis argutum et curiosum in minutiis quibusdam Anatomicis castigandis occupatum, quæ tanquam prauæ herbulæ segetibus intersitæ, neutiquam eas offendunt, atque vt næui deformem vultum non reddunt, sic anatomica narrationes Laurentij et Bauhini non ideo repudiandæ, si næuos suos habeant, et leuibus maculis interspersæ reperiantur, quoniam leues eiusmodi errores non mutant rei naturam, sed decipiunt legentes et incautos.

    [Parce qu’ils me croient enflé et poussé par l’amour de moi-même et par l’arrogance, je prévois qu’il ne manquera pas de gens pour dire que j’ai mis au jour ces animadversions afin de sembler plus malin que les autres anatomistes ; et qu’après les avoir mis au pilori et vaincus je triompherais, tel un dictateur, d’avoir mis la main sur l’anatomie, et exercerais une ingénieuse tyrannie sur cette profession. Voilà ce qu’ils me reprochent surtout, et pourquoi ils aiguisent leur plume contre moi et me harcèleront avec acharnement pour préserver sain et sauf le renom anatomique de Du Laurens et Bauhin ; mais je ne leur répondrai pas s’ils ne sont pas bien exercés en anatomie et n’en ont pas écrit avec talent, compétence et modestie.

    Pour me mettre à l’abri de leur jalousie, j’aurais pu mettre au jour mes animadversions en changeant le nom de Riolan et prenant celui d’un autre. Beaucoup les auraient alors pourtant méprisées comme publiées par un téméraire ignorant qui voudrait, par dénigrement, s’arroger la gloire d’un autre. D’autres, me suspectant d’en être l’auteur ou tenant cela pour assuré, blâmeraient mon inconstance, mon agitation ou mon ignorance, pour n’avoir pas osé m’exposer au grand jour, et faire connaître mon véritable nom en me cachant ainsi comme Apelle derrière son tableau, {d} bien exposé aux jugements d’autrui dans ce combat où celui qui lance le défi doit être identifié.

    Me me adsum qui feci, in me conuertite ferrum. {e}

    Confiant dans mon expérience et dans la solidité de ma recherche anatomique, je proclame donc être l’auteur de ces animadversions, que j’ai relevées en relisant le Theatrum de Bauhin.

    On peut blâmer mon travail comme trop chicaneur et attaché à corriger minutieusement des détails d’anatomie, parce que les mauvaises herbes qui se mêlent aux récoltes ne les gâtent en aucune façon, ou que les nævus n’enlaidissent pas le visage : il ne faudrait donc pas rejeter les relations de Du Laurens et Bauhin si s’y trouvent quelques légères taches éparses, car elles ne modifient pas la nature des choses : mais je répondrai qu’elles trompent les lecteurs et les imprudents].


    1. V. supra première notule {a}, note [26‑3].

    2. Sic pour : qui.

    3. Sic pour : prostratis.

    4. V. note [39], Responsio ad Pecquetianos, 2e partie.

    5. « C’est moi, moi qui ai tout fait, tournez votre fer contre moi » : Virgile, Énéide, chant iv, vers 427.

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte : Jean ii Riolan
Responsiones duæ (1655),
Responsio ad Pecquetianos
1re de 6 parties, note 31.

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(Consulté le 13/06/2024)

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