Le MS 2440 : « Lettres médicales du XVIIIe s. Lettres
de Albaret, Bonnefoy, Dufort, Goulard chirurgien, Maurillon, Mullard,
Pagès, Piegon, Pons au Dr Haguenot de Montpellier (1737-1769).
Consultations médicales » d’Haguenot
par Joël COSTE Université Paris Descartes Ecole
Pratique des Hautes Etudes joel.coste@parisdescartes.fr
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juillet 2013
Voir aussi :
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3. Les circuits et les réseaux, les
« petits arrangements », les honoraires de la
consultation
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A. Consultations procurées par des intermédiaires,
circuits et réseaux
Trois exemples d’intermédiaires mentionnés dans les textes
conservés sont donnés ici, celui d’une consultation « pour un mr de
Genes que Mr Goulard m’a procuré ce 2 août 1752 », une « consultation
pour une dame que m’a procurée Melle Manville, faite avec Mr Fizes ce
6e mars 1751 », et une « Ordonnance pour Mr le commissaire de
marine, menacé d'hydrocèle, procurée par Mr d’Abbé de Pradines le
12 décembre 1764 ».
D’une manière assez remarquable, le début de l’« ordonnance que
j’ai envoyé à Mr Bernadac pour Mr l’évèque de Pamiers », datée du 20
mars 1757, fait état de la déficience de « Bernadac fils »
(François-Joseph Bernadac), alors étudiant en médecine à Montpellier,
à transmettre à son père s’occupant de l’évêque de Pamiers la réponse
de Haguenot à une demande de consultation. Cette déficience donna
l’occasion à Haguenot de faire une savoureuse mise au point sur les
talents du jeune homme. Elle permet de rappeler opportunément
l’existence de réseaux, parfois complexes, d’acheminement des
mémoires et des consultations, et… l’importance de la fiabilité de
ceux-ci.
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Mr Bernadac fils m’a fait l’honneur de me
communiquer la lettre que Mr son père luy a écrit au sujet de Mr
leveque de Pamiers, j’ay fait des reproches a ce jeune homme
semblables a ceux que Mr son pere luy fait sur sa negligence et
surtout de ce qu’il ne luy envoya pas la reponce que j’eus
l’honneur de luy faire a la lettre qu’il m’avoit ecrit en sa
faveur lorsqu’il partit de Pamiers pour retourner a ses etudes. Mr
Bernadac le pere doit etre persuadé que j’auray autant d’attention
qu’il m’en sera possible sur la conduite de mr son fils; il y a de
l’etoffe chez ce jeune homme pour s’avancer s’il s’applique car il
a de l’esprit et des talens, mais je crains qu’il ne soit trop
facile et qu’il ne se laisse entrainer par ses camarades, je feray
tout ce qui dependra de moy pour le contenir dans son devoir. A
l’egard de Mr leveque de Pamiers je prie Mr Bernadac apres luy
avoir presenté de ma part mes humbles respects de luy dire que ses
incommodités habituelles qui durent depuis long temps n’ont aucun
danger pour la vie […].
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B. Décryptages et « petits arrangements »
Un exemple de décryptage d’une situation
compliquée, ici pour des relations difficiles de l’entourage d’une
malade avec le soignant, est fourni par cet « Extrait d’une lettre de
Toulouse le 14 juin 1760 », qui accompagnait un mémoire relatif à une
religieuse âgée de 54 ans, Madame de Sentoux, se plaignant de
douleurs d’estomac et fièvre.
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Je ne puis plus reculer de vous écrire,
principalement pour joindre à ma lettre un nouveau mémoire sur
l’état de la maladie de Mad[emoisel]le de Sentoux, et vous
expliquer l’usage que l’on se propose d’en faire. On a eu pour
objet en fesant faire ce second memoire, qui est comme vous le
connoitrés aisément, de la même main que le premier, de suppléer à
ce qu’il pouvoit y avoir d’imparfait, de defectueux, d’embrouillé
ou même d’inexact et d’omis dans celui sur lequel MM. nos medecins
de Montpellier ont donné leur consultation. Les personnes qui
s’interessent à la conservation de la chère malade, après avoir lû
ce second memoire n’en sont guéres plus contentes que du premier.
On trouve que le medecin ni dans l’un ni dans l’autre memoire ne
s’exprime pas sur l’état actuel de la maladie et sur le danger de
la malade aussi nettement et aussi fortement qu’il le fait dans
les conversations qu’il a à ce sujet avec les personnes de la
maison, auxquelles il represente cette chère malade comme étant
dans un état très dangereux et dont il paroit beaucoup plus
craindre qu’espérer.
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Rarement observe-t-on aussi bien les « petits
arrangements » des soignants (sur ce qu’ils devaient dire ou devaient
faire) que dans deux lettres adressées à Haguenot par médecin Maurel
de Saint Pons. Dans la première, du 23 avril 1763, concernant une
jeune femme de 19 ans présentant une fièvre prolongée avec de
multiples suppurations, peut-être tuberculeuses, Maurel demanda en
effet en post-scriptum qu’Haguenot ne « parle pas de la très mauvaise
conformation » de la poitrine de la patiente :
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Ayez la bonté Monsieur de vouloir
consulter avec Mr fizes, j’avois oublié de vous faire observer que
Mme la consultante a son estomac presque toujours enflé en sorte
qu’elle observe de ne pas se lasser autant qu’elle le devroit pour
ne pas suffoquer. La poitrine a une très mauvaise conformation,
elle est d’ailleurs bossue devant et derriere mais je vous prie de
ne pas en parler dans votre consultation
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Dans la seconde, du 4 mai 1763, accompagnant un
mémoire concernant un homme de 60 ans pour une « sciatique », Maurel
mentionna l’honoraire qui serait donné par un intermédiaire à
Haguenot, mais aussi lui demanda explicitement de faire des éloges
sur sa prise en charge si celle-ci lui convenait « sans qu’il
paroisse [qu’il en a été] prié » ou du moins de ne pas formuler de
blâme dans le cas contraire.
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Je prends la liberté de vous écrire cette
seconde lettre, au sujet de la consultation que je vous prie faire
avec Mr fizes pour une sciatique qui tourmente un m[alade] dont je
prends soin; M Boudet qui remettra ma relation aura le soin de
vous donner l’honoraire. […]
Si vous trouvés que je l’aye conduit selon
les regles, faites moy la grace de l’observer dans votre
consultation, comme aussi si vous trouvés ma rélation en forme de
vouloir bien en faire mention sans qu’il paroisse que je vous ay
prié et au cas que j’ai manqué dans l’un et dans l’autre de me
donner vos avis. Je les recevrai avec reconnoissance […]
Si vous me faites la grace de m’adresser
une lettre ne me parlés de rien parce que le paquet ne doit pas
m’etre adressé mais au malade
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C. Les honoraires
Les honoraires, et leurs montants, sont également
souvent mentionnés dans les lettres accompagnant les mémoires. Par
exemple, dans cette lettre du 20 juin 1739 du chirurgien Bavoux
demandant une consultation pour un homme atteint de maladie
vénérienne, il est question d’un honoraire de 12 livres.
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La responce que j’espere que vous feré
l’honneur de faire le plustost que vos occupations le permettront
vous obligeré sensiblement le malade qui est dans la derniere
impatience de la recevoir, comme il n’a d’occasion pour vous faire
toucher de l’argent voieons une lettre de change de 12 livres sur
monsieur Bouclier et fils. La reconnoissance […]
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Pour le médecin Pons, nouvellement installé à
Trévoux, la consultation d’Haguenot pour un « malade […] en état de
faire toutes les dépenses nécessaires, passé entre les mains de tous
les médecins et chirurgiens de Lyon et de Trevoux, [qui] s’est
adressé à lui depuis 3 jours » pour des « vapeurs » a fait
l’objet d’une lettre « d’approche » le 16 octobre 1757 pour
obtenir l’accord et connaître le montant des honoraires (et aussi
pour donner son opinion sur la cause des troubles du malade), puis
d’une seconde le 22 octobre (après la réponse rapidement positive
d’Haguenot) dans laquelle Pons demanda encore un « accusé »
des honoraires reçus (24 livres) afin qu’il ne fût pas accusé de
faire « surpayer les consultations des medecins »
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J’ose me flatter que vous voudrés bien
avoir la bonté de faire une prompte expedition du judicieux
deliberé que nous attendons de [votre] part. Le malade dont il
s’agit est en etat de faire toutes les depanses necessaires pour
sa guerison. Il a deja passé par les mains de tous les medecins et
chirurgiens de Lyon et de Trevoux sans pouvoir guerir, il s’est
adressé a moy depuis trois jours, je suis son dernier ressort,
avant que de luy faire aucun remede, j’ay trouvé a propos d’avoir
recours a vos lumieres pour tacher de le guerir, il est vray que
soit dit entre nous, je crois qu’il y a beaucoup de chagrin dans
sa maladie et qu’il ne vit pas bien avec son epouse. Vous aurez la
bonté de me marquer le montant de vos honoraires que j’auray
l’honneur de vous envoyer par la poste comme etant la voye la plus
seure, c’est Mr Isnard, medecin a Grasse qui procuré par relation
l’honneur de votre connoissance, je suis nouvellemant etabli dans
ce pays […].
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Je vous envoye les honoraires téls que
vous me le demandés par la lettre que vos m’avés fait l’honneur de
m’écrire, je suis fasché de vous [donner] tant de peine mais je
suis charmé que vous m’ayés ecrit la lettre que vous m’avés ecrit
pour que Mr le consultant n’ait aucun soupson contre moy parce que
bien souvant il s’ay trouvé qui ont cru que je leur faisois
surpayer les consultations des medecins. Vous me fairés le plaisir
de m’accuser par votre response les 24 livres que vous recevrés
avec la presente.
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