L. 28.  >
À Claude II Belin,
le 12 avril 1636

Monsieur, [a][1]

Je vous eusse plus tôt écrit si je n’eusse espéré de parler à MM. Seguin [2] ou Cousinot, [3] le premier desquels n’est pas en cette ville, et le second que je n’ai pu encore attraper depuis la vôtre reçue. Je vous écris néanmoins afin que ne soyez pas davantage en peine. Je ne crois pas que M. Bouvard [4] vous puisse faire continuer votre syndicat, [5] outre que je ne sache personne qui l’en veuille prier, pas même M. Cousinot : le bonhomme n’est pas comme le grand prêtre Héli, [6] qui nimium erat indulgens in suos ; [1] et pour ce faire il faudrait avoir un arrêt du Conseil, contre lequel vos jeunes s’opposeraient, n’étant donné que sur simple requête et parties non ouïes. [2] Il faut qu’en cela la coutume vous juge, et sans doute que le Parlement en jugera ainsi. Si on s’en rapporte à l’usage de notre École, notre doyen [7] est changé de deux en deux ans, et un nouveau établi selon les statuts, [8] lequel est appelé à la visite et à l’examen des apothicaires [9] et des chirurgiens. [10] Si votre coutume immémoriale est formellement contraire à cela, c’est à vous à l’exhiber et à la faire valoir car, si celui qui a eu devant vous le syndicat ne l’a eu perpétuel en sa personne, on vous montrera l’usage formellement contre vous ; et en ce cas, ne le pourrez retenir si vous ne récusez d’incapacité ceux qui veulent jouir du même droit. Voilà ce que m’en a dit un homme qui sait plus de ces affaires-là que MM. Seguin ni Cousinot. Excusez si je vous en parle librement, nec fortassis omnino ex voto tuo[3] Je vous envoie deux thèses [11] qui me plaisent bien fort, l’une pour être bien polie et l’autre pour contenir bien de la doctrine. Je vous remercie de la vôtre, De idengraphia[4] de laquelle je vous envoie le manuscrit que j’en avais de l’an 1624. M. du Chastelet [12] mourut ici d’hydropisie, [13] il y a aujourd’hui huit jours. [5] Hier à onze heures y mourut subitement [14] et inopinément la femme du premier président de la Cour des aides[15] après avoir pris un breuvage que lui avait donné Séviny, [16] empirique [17] italien, qui l’avait invitée sanam et valentem [6] de le prendre pour se rafraîchir et delà s’en aller aux champs. Elle ne se servait que de ce charlatan [18] à cause qu’elle haïssait la saignée ; [7][19][20][21] elle n’y a guère gagné. Je ne vous mande rien de nouveau de la guerre, vu que tout est ici fort incertain ; je ne m’attends pas à la paix sitôt. Je vous baise très humblement les mains et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce 12e d’avril 1636.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 12 avril 1636

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(Consulté le 16/04/2024)

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