L. latine reçue 30.  >
De Hermann Conring,
le 24 septembre 1663

[Bibliothèque universitaire de Bâle, G2 I 20b:Bl.57-58 | LAT]

Éminemment distingué Monsieur, [a][1][2]

Nos échanges de lettres ont certes cessé depuis quelque temps ; mais chaque fois que l’occasion s’en est présentée, je n’ai jamais manqué de m’enquérir attentivement de votre santé et me suis toujours vivement réjoui d’en avoir été avisé. Le présent que votre fils Charles a offert à mon sérénissime prince Auguste, le bien nommé, [1][3][4] me fait maintenant reprendre notre ancienne correspondance. À vrai dire, je suis incapable de dissimuler la joie que me procure un si brillant émulateur de mon ami, qui a hérité à la fois du sang de son père, de sa vertu et de son érudition ; je ne puis donc que profondément vous en remercier. Comme il est rare que les fils marchent ainsi sur les prestigieuses traces de leur père ! En outre, le vôtre semble avoir poursuivi son apprentissage de la philologie non seulement en l’étudiant, mais en aimant tant ses âpretés que, bien qu’encore jeune homme, il a déjà surpassé Fulvius Ursinus [5] dans ce domaine, qui est précisément celui qui a valu à ce vieillard l’admiration de tout le monde lettré. J’estime que Charles a vraiment fait preuve à la fois d’un talent et d’une science remarquables, à l’instar de notre prince Auguste dont les vertus et la science sont très grandes ; lui qui, au jugement de tous, y excelle tant, bien qu’il dépasse tous les princes et les rois du monde entier par son âge (puisqu’il a atteint sa 85e année), sinon par une piété égale à son érudition. La Bibliotheca Augusta [2][6] révèle assurément à elle seule les qualités où excelle ce prince, car il l’a immensément agrandie et enrichie, ce qui est un acte exemplaire et fort peu commun de nos jours. Ce livre de votre Carolus a déjà été rangé dans ses augustes rayons, aux côtés des grands auteurs qui ont traité des antiquités et des monnaies, tels Goltzius, Augustinus et d’autres. [3][7][8] Je déplore seulement que votre fils n’ait pas eu sous la main les importants compléments qu’Abraham Gorlæus a apportés à l’ouvrage d’Ursinus, [4][9] car avec ce renfort, parmi d’autres, c’est un considérable supplément qui aurait pu être ajouté à l’Ursinus. Peut-être d’aucuns en prendront-ils soin, ou même m’appartiendra-t-il de le faire à la fin ; et si votre fils y voit de l’intérêt, je ne tiendrai pas caché ce que j’ai en réserve touchant à ce que ni Fulvius Ursinus ni Gorlæus n’ont dit ; si vous aimez mieux que je lui fasse moi-même cette faveur, vous pouvez déjà la lui promettre et donner comme sûre et certaine. Je vous demande de continuer à cultiver l’admiration que vous portez à notre Auguste Nestor. [5][10] En retour, que votre fils ne soit pas sans comprendre combien il y a de profit a avoir vécu dans les faveurs d’un prince qui est un si grand et si docte Mécène des lettres. [6][11]

Vale, très distingué Patin, et jouissez aussi longtemps que possible d’un si remarquable fils et du bonheur d’antan.

Avec la plus extrême attention d’Hermann Conring à votre renom.

Du château de Wolfenbüttel [12] et dans les réjouissances nuptiales de la fille aînée du prince, le 24e de septembre 1663. [7]



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Hermann Conring, le 24 septembre 1663

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=9081

(Consulté le 18/04/2024)

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