À André Falconet, le 4 septembre 1665

Note [2]

« la passion du gain est la racine de tous les maux » : radix enim omnium malorum est cupiditas [car la racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent] (Saint Paul, Première épître à Timothée, 6:10).

Jacques Tardieu, reçu conseiller clerc au Parlement de Paris en 1620, était devenu lieutenant criminel au Châtelet en 1633 (Popoff, no 2314). Dans sa 10e Satire, Nicolas Boileau-Despréaux a longuement raillé ce « magistrat de hideuse mémoire », dont l’avarice sordide fut encore aggravée par son mariage avec Marie Ferrier, la fille du pasteur protestant renégat Jérémie Ferrier (v. note [11], lettre 632). Ayant battu et chassé de chez eux tous leurs domestiques, ils abandonnèrent un à un tous les petits luxes qui font les agréments de la vie :

« Il faut voir le mari tout poudreux, tout souillé,
Couvert d’un vieux chapeau, de cordon dépouillé,
Et de sa robe en vain de pièces rajeunie,
À pied dans les ruisseaux traînant l’ignominie.
Mais qui pourrait compter le nombre de haillons,
De pièces, de lambeaux, de sales guenillons,
De chiffons ramassés dans la plus noire ordure,
Dont la femme aux bons jours composait sa parure ?
Décrirai-je ses bas en trente endroits percés,
Ses souliers grimaçants vingt fois rapetassés,
Ses coiffes d’où pendait au bout d’une ficelle
Un vieux masque pelé presque aussi hideux qu’elle ?
Peindrai-je son jupon bigarré de latin
Qu’ensemble composaient trois thèses de satin,
Présent qu’en un procès sur certain privilège
Firent à son mari les régents d’un collège,
Et qui sur cette jupe à maint rieur encor
Derrière elle faisait dire, argumentabor ? {a}
[…] Des voleurs qui chez eux pleins d’espérance entrèrent,
De cette triste vie enfin les délivrèrent. »


  1. « j’argumenterai ».

Ce double meurtre avait eu lieu dans la maison du couple, quai des Orfèvres, le 24 août 1665. V. note [9], lettre 822, pour ce que Bussy-Rabutin, dans ses Mémoires, a écrit sur Tardieu et son assassinat.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 4 septembre 1665, note 2.

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(Consulté le 26/04/2024)

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