< L. 832.
> À André Falconet, le 4 septembre 1665 |
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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. –
À André Falconet, le 4 septembre 1665
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Ce 27e d’août. Je vous envoyai hier une grande lettre avec des mémoires de l’Histoire de l’Université de Paris par M. Du Boulay, [2] et une autre lettre pour M. Spon. [1] On ne parle ici que du massacre de M. Tardieu, [3] lieutenant criminel, et de sa femme. [4] Les deux assassins ont été pris incontinent, le Parlement leur fait leur procès. Ils sont deux frères natifs d’Angers, nommés Touchet. [5] Je crois que ce sont deux diables incarnés, on espère qu’ils seront demain jugés. Tout le peuple va comme en procession à l’église Saint-Barthélemy [6] y prier Dieu pour l’âme de ce malheureux lieutenant criminel et de sa misérable femme, laquelle était si énormément avare qu’elle n’avait ni valet, ni cocher, ni servante, qu’elle aimait mieux se servir elle-même pour épargner son pain. C’est un exemple qui n’a pas de comparaison, mais Dieu sait combien elle y a gagné, pecuniæ cupiditas omnium malorum radix. [2][7] Les deux assassins ont été roués tout vifs aujourd’hui au soir sur le Pont-Neuf, [8] devant le cheval de bronze. Il y avait tant de monde que je n’ai pu en approcher. À neuf heures du soir, ils ont été étranglés. On fait des commentaires sur ce que Messieurs du Parlement ne les ont pas condamnés à la question [9] et à faire amende honorable. [10] La grandeur de leur crime, dit-on, méritait cela : tuer un magistrat tel que celui-là est un crime de lèse-majesté [11] au second chef. [3][12] On fait courir le bruit que la reine mère [13] se porte mieux, mais j’en doute car elle toussait si fort avant-hier que Messieurs les rabbins [14] (j’ai pensé dire robins, mais ils ne sont point moutons, nisi sint verveces deaurati) [4] furent obligés de lui donner de l’opium, [15] dont elle se trouva fort mal ; on dit qu’elle a juré de n’en prendre jamais. [5] On parle ici de la maladie du roi d’Espagne [16] et de la mort du duc de Mantoue, [6][17] de la peste d’Angleterre, [18] de l’armée des Hollandais, de l’évêque de Münster, [7][19] de M. le duc de Beaufort. [20] On avait signifié les taxes bien hautes à quelques particuliers qui se sont sauvés et retirés en Angleterre, et ailleurs. Cela fait que l’on espère de la modération, et même que la Chambre de justice [21] pourra finir en faveur des partisans qui seront plus doucement traités, c’est-à-dire que l’on les quittera à meilleur marché. [8] Le roi [22] donne à M. le duc d’Orléans [23] le gouvernement de Languedoc, [24] et celui de Guyenne [25] pour récompense à M. le prince de Conti. [26] On parle des grands jours [27] auxquels présidera M. le président de Novion [28] avec 18 conseillers qu’on lui a adjoints. [9] M. de Vendôme [29] est mort de cette nuit après la rétention d’urine. [10][30] Enfin, le pape [31] a vidé et pissé beaucoup de pus. Il me semble que c’est un ulcère dans le rein, [32] ista puris suppressio a rene in vesica dolores fiet atrocissimos, et inferet ipsi vesicæ dispositionem inflammatoriam. [11] J’ai quelquefois vu ce mal-là, feu M. Riolan [33] en mourut et nos anciens auteurs l’ont décrit. Ne pensez-vous pas que c’eût été un grand avantage à la chrétienté si ce pape fût mort ? Il en fût arrivé du bien à quelqu’un, et principalement à son successeur qui, pour en témoigner une réjouissance universelle, nous eût donné un jubilé. [34] Mais n’importe, s’il ne vient bientôt, je tâcherai de m’en consoler ; s’il n’est mort à ce coup, ce sera une autre fois ; ad hoc nam semel natus est, ut semel moritur, et tandem vacuum locum relinquet alteri, qui Clericaturam eius accipiet cum lætitia, et hauriet aquas in gaudio de fontibus Salvatoris. [12][35] Je salue de tout mon cœur M. Delorme et serai toute ma vie votre, etc. De Paris, ce 4e de septembre 1665. | |||||||||||||
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Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr | |||||||||||||
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