De Samuel Sorbière, non datée (printemps 1651)
Note [7]
Bayle a expliqué cet épisode de la vie d’Alexandre More (Morus) {a} qui, tout jeune encore, avait obtenu la chaire de grec de l’Académie de Genève :
« Ayant exercé cette charge environ trois ans, il succéda à celles que M. Spanheim, qu’on avait appelé à Leyde, laissa vacantes, qui étaient celle de professeur en théologie dans l’Académie et celle de ministre dans l’Église de Genève. Comme il était grand prédicateur et qu’il avait joint avec cette qualité beaucoup de littérature, il ne faut pas s’étonner que tous ses collègues n’aient pas été de ses amis. Mais il faut avouer qu’il y avait bien d’autres choses qui lui suscitaient des traverses ; car sans parler de ses mœurs, qui dans tous les lieux où il a vécu ont été un objet de médisance par rapport à l’amour des femmes, ses meilleurs amis demeuraient d’accord qu’il avait beaucoup d’imprudence et qu’il était fort mal endurant. {b} Quoi qu’il en soit, il se forma dans Genève deux partis, l’un pour lui, l’autre contre lui ; et il ne faut pas douter que le premier de ces deux partis ne fût composé, non seulement des personnes qui avaient de l’estime et de l’amitié pour M. Morus, mais aussi des personnes qui, sans l’aimer ni sans l’estimer, voyaient leurs ennemis à la tête du parti contraire. L’on voit tous les jours des exemples de cela. Je ne sais comment M. Morus se procura les bonnes grâces de M. de Saumaise, mais il est certain que celui-ci attira l’autre dans les Provinces-Unies. Quelques-uns prétendent que ce fut pour chagriner M. Spanheim qui avait été brouillé à Genève avec M. Morus. »
Après avoir donné en note les extraits de la lettre de Samuel Sorbière à Guy Patin, Bayle (note B) ajoute :
« La lettre que M. Spanheim écrivit à Vossius au mois de mars 1648 mérite d’être considérée et peut servir de confirmation à quelques-unes des choses que Sorbière vient de nous dire. On y trouve en particulier ce fait-ci : que M. Godefroi (professeur en droit à Genève) n’avait écrit un témoignage si avantageux et si glorieux à M. Morus que par haine pour M. Spanheim ; celui-ci menaçait de faire savoir au public tout ce qui s’était passé à Genève par rapport aux {a} bons témoignages que M. Morus y avait obtenus, et quelle avait été la vie et la conduite de M. Morus. J’apprends par la même lettre que M. Morus protesta avec serment aux magistrats de Genève qu’il n’avait point eu en vue M. Spanheim dans la harangue dont je parlerai ci-dessous. […] Disons un mot sur ses harangues : il en prononça trois à Genève qui sont fort belles, la latinité en est plus docte qu’élégante ; il aimait les phrases peu communes et les significations de mots dont on ne trouvait presque point d’exemples ; de ces trois harangues, il y en a une qui est un panégyrique de Calvin {b} et une autre qui a pour titre de Pace, {c} dans laquelle il condamna fortement, sans nommer personne, MM. Amyraut et Spanheim qui étaient en guerre ouverte sur la grâce universelle ; il leur dit leurs vérités comme il faut, ce fut une véritable mercuriale, il s’en donna à cœur joie. »