L. 944.  >
À André Falconet,
le 13 septembre 1668

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 13 septembre 1668

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0944

(Consulté le 10/11/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Ce 2d de septembre. On parle ici d’une ambassade du grand-duc de Moscovie. [2] Le roi [3] partira le 15e de septembre pour Chambord, [4] qui est une maison royale près de Blois. [1] M. de Guénégaud, [5] secrétaire d’État, a reçu ordre de se défaire de sa charge. On croit que c’est pour M. Colbert [6] qui est aujourd’hui le topanta, et tout à fait dans le crédit : [2] on dit que lui seul fait tout et qu’il va faire trois nouveaux trésoriers de l’Épargne, [7] de nouveaux intendants des finances et de nouveaux greffiers du Conseil.

Nous avons ici un fort savant homme, de condition et de probité, qui a presque achevé la vie d’Érasme ; [3][8] et par là, vous voyez qu’il y a encore d’honnêtes gens au monde qui chérissent la vertu. Il y a 200 ans qu’il était en nourrice car il naquit en 1467 ; et à mon gré, il a été dans le christianisme le plus bel esprit après saint Augustin [9] et saint Thomas d’Aquin, [10] n’en déplaise à quelques moines qui ne l’aiment point parce qu’il les a trop décriés et trop bien dépeints. Il n’y a point ici de malades, sinon quelques dysenteries. [11] Pour la peste, [12] il n’y en a point du tout : celles de Bruxelles [13] et de Rouen [14] ont fait grand bruit, mais par la grâce de Dieu, guère de mal. Je vous avertis que je n’ai point reçu le livre de M. Bonet, [15] médecin de Genève, [16] que M. Spon vous avait délivré pour moi. On dit qu’il y a un certain abbé qui compose la vie du cardinal Mazarin. [17] S’il découvre tous ses larcins et ses tromperies, il y faudra plusieurs volumes.

J’ai eu de bonnes lettres d’Allemagne, j’y apprends que mon fils Carolus [18] s’y divertit en voyageant et visitant les honnêtes gens. Il a depuis peu été à Francfort où notre bon ami M. Scheffer [19] l’a très bien reçu, [comme aussi] M. Lotichius, [20] M. Horstius [21] et autres gens de lettres. On m’écrit qu’il ne fait qu’étudier et qu’il ne s’afflige point trop d’avoir quitté son pays, securus sine crimine vivit[4] L’électeur palatin [22] lui veut beaucoup de bien et l’invite deux fois la semaine à dîner avec lui, et le fait appeler à tous les divertissements de la cour. Il s’est même offert d’écrire au roi en sa faveur, mais Carolus est un stoïque qui dit ne vouloir son retour à personne qu’au roi : [23] C’est un prince sage, dit-il, on m’a persécuté en son nom, il me fera revenir quand il voudra ; si cela n’arrive pas, je dirai avec Cujas [24] et quelques autres, O ingrata Patria ! non habebis ossa mea[5][25] J’ai bien plus envie de le voir qu’il n’en a de retourner. Mon Dieu, quand sera-ce ? Je vous baise les mains et suis de tout mon cœur votre, etc.

De Paris, ce 13e de septembre 1668.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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