L. française reçue 57.  >
De Charles Spon,
le 13 mai 1659

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Charles Spon, le 13 mai 1659

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=9036

(Consulté le 12/10/2024)

 

De Lyon, ce 13e mai 1659.

Monsieur, [a][1][2]

Il me semble que je vous écrivis en dernier lieu le 11e avril, depuis lequel temps diverses occupations et quelques voyages m’étant survenus, j’ai été contraint de me tenir dans le silence. Je reprends avec votre permission la plume pour le rompre et pour vous convier d’en faire de même à votre loisir afin que je sache du moins l’état de votre santé, à laquelle je m’intéresse autant que s’il s’agissait de la mienne propre.

Le 22e avril, le sieur Bouge, [3] revenu depuis quelques jours de Paris, vint me rendre visite céans et me faire vos recommandations, dont je vous remercie bien fort. Je crois qu’il est à présent allé faire un tour en son pays d’Antibes ; [4] c’est (à mon avis) l’Antipolis de Ptolémée [5] qui est à l’extrémité de la côte de Provence. [1] Il s’est fort loué de toutes les bontés que vous avez eues pour lui, et m’a assuré d’avoir vu par delà M. Gras [6] et de l’avoir accompagné au logis de M. le maréchal de Turenne, [7] où il était à présent. Vous m’obligerez, quand vous le verrez, de lui présenter mes très humbles baisemains. Je vous avais ci-devant prié de vous mettre en peine de bien reconnaître le sieur Baumgartner, [8] d’étudier son savoir et ses inclinations. Si vous l’avez fait, vous m’obligerez bien fort de m’en faire part en peu de mots car on me sollicite de bonne part d’en apprendre quelque chose par votre moyen, comme je vous ai autrefois mandé. Songez à bon escient à cela et ne me flattez point le dé là-dessus. [2] Je me suis trouvé en consulte par deux fois la semaine passée avec M. Falconet, [9][10] qui me dit hier qu’il voulait vous écrire aujourd’hui et que je lui envoyasse ma lettre pour joindre à la sienne ; ce que j’eusse fait très volontiers si je ne me fusse mis si tard à écrire et si je n’eusse cru d’arriver après son paquet fermé. On ne nous entretient ici que des assurances de la paix générale, [11] laquelle je veux bien si vous la voulez, la guerre n’étant point mon élément non plus que le vôtre. Mais tout de bon, que vous en semble ? Indici hæc stabit causa, cadetve tuo[3] Je me trouvai, le 10e de ce mois, à un étrange spectacle qui fut de voir une femme ατρητος, imperforée, âgée de 33 ans, mariée depuis onze ans. Elle était telle de naissance : le trou de l’urètre était placé où il doit être ; mais plus bas, entre les labies, nulla ne minima quidem rima apparebat[4] L’opérateur perça avec la lancette [12] dans le milieu de l’intervalle qui était non membraneux, mais charnu, de l’épaisseur de deux pouces en travers ; après quoi, il plongea son scalpel [13] dans le trou en deux fois ou reprises, in formam X ; [5] puis ayant encore dilaté avec les doigts, il introduisit là-dedans un pessaire [14] rond, de bois bien tourné, enveloppé de linges imbus de médicaments vulnéraires, [6][15] espérant que la malade pourra être guérie de cette opération dans trois semaines. Ceci est remarquable que cette pauvre femme n’a jamais eu ni ses mois, ni aucune évacuation de sang qui les ait pu suppléer, si ce n’est qu’en l’espace de onze ans elle dit s’être fait saigner environ six fois, pour se sentir quelquefois incommodée de douleurs de reins et de tête. C’est une villageoise, boni habitus vividi coloris[7] habile au travail et qui pouvait hardiment jurer d’avoir vécu pucelle jusqu’à présent, quoique mariée. Voilà une observation qui mérite d’être mise sur vos tablettes aussi bien que sur les miennes, puisque j’en ai été témoin oculaire comme je vous en assure. [8][16]


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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