À Charles Spon, le 21 octobre 1642, note 10.
Note [10]

Ce dernier voyage de Richelieu (v. note [6], lettre 64), qui se fit dans d’incroyables circonstances, pour le ramener de Lyon à Paris, fut la dernière marque de sa toute-puissance, sinon de sa tyrannie. Parmi les mémorialistes qui l’ont évoqué, le plus descriptif fut sans doute Michel de Marolles, abbé de Villeloin (Mémoires…, Paris, Antoine de Sommaville, 1661, volume 1, pages 134-135) :

« Cependant l’exécution de Cinq-Mars et de M. de Thou ayant été faite à Lyon, le roi revint ; et M. le cardinal de Richelieu, qui était malade d’une espèce de rhumatisme, descendit par eau de Roanne et se fit porter le reste du chemin dans son lit, à force de bras. Je le vis en cet équipage quand il aborda à Nevers ; et pour ne le pas incommoder, il fallait rompre les murailles des maisons où il devait loger ; et si ce devait être dans les appartements d’en haut, comme il arriva dans la maison de M. l’évêque de Nevers, il fallait dresser un rampant {a} dès le bas de la cour pour le faire entrer par les ouvertures des fenêtres, dont l’on avait rompu les croisées ; ce qui paraissait une chose tout à fait extraordinaire, vingt-quatre estafiers ou porteurs étaient destinés pour le porter tour à tour, comme j’ai déjà dit ; et parce qu’il n’était pas fort assuré des affections des peuples, deux troupes de cavalerie bien armées marchaient à ses côtés et tenaient le même ordre, quand il descendait en bateau, de l’un et l’autre côté de la rivière. Plusieurs vaisseaux suivaient celui de Son Éminence, dans un desquels était la duchesse {b} sa nièce, avec d’autres dames, et tout cela ensemble faisait une espèce de petite flotte. Mais parce que la rivière était un peu basse, on eut soin d’y faire des routes {c} pour réunir les eaux qui s’écartent trop dans leur lit, qui n’est que trop large quand il y a de la sécheresse. Et M. le duc d’Enghien même prit la peine d’en ordonner le travail, et surtout dans le canal de Briare qui était presque tari dans ce temps-là ; mais il y fallut remédier par le moyen des étangs qui furent lâchés dedans. Ce fut donc de la sorte que M. le cardinal-duc de Richelieu revint à Paris ; mais au lieu d’y trouver la guérison, son mal croissant de jour en jour, avec le fardeau des affaires et l’inquiétude que lui pouvaient causer ses défiances, ayant dessein de faire donner un arrêt de grande conséquence contre Son Altesse Royale, Monseigneur le duc d’Orléans, qui se trouvait enveloppé dans quelques soupçons, il décéda le 4e jour de décembre. Et quelques jours après, son corps fut porté sans pompe dans la sépulture qu’il s’était fait préparer lui-même en l’église de Sorbonne, dont il voulut être le restaurateur comme il en avait été le proviseur. »


  1. Plan incliné.

  2. D’Aiguillon.

  3. Chenaux.


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 21 octobre 1642, note 10.

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(Consulté le 04/12/2024)

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