À Charles Spon, le 12 septembre 1645, note 11.
Note [11]

Allusion à la longue diatribe de Pline contre la médecine et ses praticiens (Histoire naturelle, livre xxix, chapitre viii), avec notamment ce passage (Littré Pli, volume 2, page 300) :

Itaque hercule in hac artium sola evenit, ut cuicumque medicum se professo statim credatur, quum sit periculum in nullo mendacio majus. Non tamen illud intuemur, adeo blanda est sperandi pro se cuique dulcedo ! Nulla præterea lex, quæ puniat inscitiam : capitalem nullum exemplum vindictæ. Discunt periculis nostris, et experimenta per mortes agunt : medicoque tantum hominem occidisse inpunitas summa est. Quinimmo transit convitium, et intemperantia culpatur : ultroque qui periere arguuntur. Sed decuriæ pro more censuris principum examinantur, inquisitio per parietes agitur ; et qui de nummo judicet, a Gadibus columnisque Herculis accessitur : de exilio vero non nisi xlv electis viris datur tabella. At de judice ipso quales in consilium eunt statim occisuri ? Merito, dum nemini nostrum libet scire, quid saluti suæ opus sit. Alienis pedibus ambulamus : alienis oculis agnoscimus : aliena memoria salutamus : aliena vivimus opera ; perieruntque rerum naturæ pretia, et vitae argumenta. Nihil aliud pro nostro habemus quam delicias.

« Dans le fait, par Hercule, c’est le seul art où l’on en croie tout d’abord quiconque se dit expert, quoique jamais l’imposture en soit plus dangereuse ; mais c’est ce qu’on n’envisage point, tant on est séduit par la douceur d’espérer. Il n’y a d’ailleurs aucune loi qui châtie l’ignorance, aucun exemple de punition capitale. Les médecins apprennent à nos risques et périls ; ils expérimentent en tuant avec une impunité souveraine, et le médecin est le seul qui puisse donner la mort. Que dis-je ! on rejette la mort sur le malade ; on accuse son intempérance et l’on fait le procès de ceux qui ont succombé. Il est d’usage que les juges des décuries soient passés par la censure des empereurs, les informations vont jusqu’à pénétrer dans l’intérieur des maisons, on fait venir de Cadix et des colonnes d’Hercule {a} un homme pour juger une affaire d’un écu, l’exil ne peut être prononcé que par 45 personnes légalement élues ; mais quand il s’agit de la vie du juge lui-même, de quelles gens est composé le conseil qui peut le tuer immédiatement ! Nous n’avons que ce que nous méritons. Personne ne peut savoir ce qui est nécessaire à son propre salut. Nous nous promenons par les jambes d’autrui, nous reconnaissons par les yeux d’autrui, nous saluons grâce à la mémoire d’autrui, nous ne vivons que par autrui ; les biens précieux de la nature et les instruments de la vie sont perdus pour nous ; nous ne regardons comme à nous que nos délices].


  1. Le détroit de Gibraltar (v. note [10], lettre 447) au large duquel il n’y a rien, Ultra Gades nil (v. note [19], lettre 901) : le bout du monde.

Molière n’a pas exprimé autre chose dans le troisième intermède (ballet final) de son Malade imaginaire, quand Praeses (le président) récite ces vers macaroniques (c’est-à-dire du latin de cuisine, v. note [19], lettre 488, qui perd tout son sel en étant traduit) :

« Ego, cum isto boneto
Venerabili et docto,
Dono tibi et concedo
Virtutem et puissanciam
Medicandi,
Purgandi,
Seignandi,
Perçandi,
Taillandi,
Coupandi,
Et occidendi
Impune per totam terram. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 12 septembre 1645, note 11.

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(Consulté le 16/04/2024)

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