À Charles Spon, le 14 mai 1649, note 28.
Note [28]

Théodore de Bèze (Vézelay 1519-Genève 1605), écrivain et théologien protestant, a été le principal lieutenant de Jean Calvin. Élevé dans la religion catholique, Bèze consacra la première partie de sa vie aux études, à Orléans, suivies d’une existence frivole et littéraire à Paris.

Ce début dans l’existence lui fut très amèrement reproché par la suite ; voici par exemple ce qu’en a écrit le cardinal de Richelieu dans son Traité qui contient la Méthode la plus facile et la plus assurée pour convertir ceux qui se sont séparés de l’Église, {a} livre ii, chapitre x, Que la vie déréglée des premiers auteurs de la prétendue Réforme nous fait connaître que l’Église qu’ils ont fondée ne peut être la vraie Église de Jésus-Christ (page 293) :

« Bèze étant ecclésiastique et possédant quelques bénéfices, sortit de l’Église romaine en même temps que le Parlement le fit assigner pour être ouï sur une poésie qu’il avait composée, extraordinairement impure et scandaleuse ; {b} mais se sentant coupable d’un si grand excès, il ne répondit à cet auguste Sénat que par fuite et se retira à Genève.

Pour apprendre quel il a été, nous n’avons pas besoin d’autre témoignage que le sien, ayant publié lui-même par les vers qu’il a faits, à l’imitation de Catulle et d’Ovide, qu’il s’était abandonné à des impuretés énormes et monstrueuses ; en considération de quoi, il est appelé par ses propres confrères, la honte de la France, simoniaque, {c} rempli de tous les vices, et de celui même qui a attiré le feu du Ciel. » {d}


  1. Paris, Sébastien Cramoisy, 1651, in‑4o, première édition en 1643.

  2. C’était une épigramme adressée à une femme qui s’appelait Candida.

  3. V. note [4], lettre 586.

  4. La version latine est plus explicite encore : Galliæ probrum simoniacus, sodomita, omnibus vitiis coopertus [honte de la France, simoniauqe, sodomite, affligé de tous les vices].

    Selon l’anonyme Réponse à la Méthode… (Quevilly, Jean Lucas, 1674, in‑fo, page 187), ce n’est pas « un de ses confrères » qui a ainsi médit :

    « Aussi n’est-ce point un Français qui a répandu ce torrent de bile où Bèze est traité de simoniaque aussi bien que de sodomite. C’est à Costerus, Flamand de nation et jésuite de profession. Je ne sais par quelle figure de réthorique on prétend de le ranger entre les confrères de notre ministre. Au reste, Jules César, qui ne buvait point de vin, fut traité d’ivrogne dans le Sénat même. »

En 1548, après une grave maladie, en même temps que paraissait la première édition de ses Poemata Iuvenilia [Poèmes de jeunesse], qu’il chercha à faire oublier pendant toute sa vie (mais qui furent réédités en 1580, sans lieu ni nom, in‑8o de 124 pages), Bèze décida assez subitement de tout quitter pour se rendre en effet à Genève avec sa fiancée ; il s’y convertit au protestantisme, s’y maria et partit en 1549 enseigner le grec à Lausanne. En 1558, il s’installa à Genève comme pasteur et professeur de théologie. À la mort de Calvin (1564), Bèze le remplaça comme recteur de l’Académie de Genève et fit figure de chef du parti réformé. Il a laissé un nombre considérable d’ouvrages où brille son remarquable talent de polémiste mis au service de ses convictions religieuses, mais aussi son attachement à une renaissance littéraire, proclamant la nécessité de prendre les Anciens pour modèles sans les imiter servilement (G.D.E.L. et Bayle).

Bèze fut enterré dans le « cloître de Saint-Pierre, et non pas au cimetière de Plein-Palaix, parce que les Savoisiens s’étaient vantés qu’ils le viendraient déterrer pour l’envoyer à Rome » (Jacob Spon, Histoire de Genève, 1730, page 357).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 14 mai 1649, note 28.

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(Consulté le 19/03/2024)

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