Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-5, note 44.
Note [44]

Légende empruntée à Élien, {a} Histoires diverses, livre xiii, chapitre 33 : {b}

« Rhodope {c} passe pour avoir été la plus belle courtisane de l’Égypte. Un jour qu’elle était au bain, la fortune, qui se plaît à produire des événements extraordinaires et inattendus, lui procura une faveur qu’elle méritait moins par les qualités de son âme que par les charmes de sa figure. Tandis que Rhodope se baignait, et que ses femmes gardaient ses vêtements, un aigle vint fondre sur un de ses souliers, l’enleva, et l’ayant porté à Memphis, dans le lieu où Psammétique {d} était occupé à rendre la justice, le laissa tomber dans le sein du prince. Psammétique, frappé de la délicatesse de ce soulier, de l’élégance du travail, et de l’action de l’oiseau, ordonna qu’on cherchât par toute l’Égypte la femme à qui il appartenait : dès qu’on l’eut trouvée, il l’épousa. »


  1. V. note [2], lettre 618.

  2. Traduction du grec par Bon-Joseph Dacier, Paris, 1827, page 381.

  3. Note de Dacier (page 503) :

    « Il est difficile de concilier le récit d’Élien avec ce que dit Hérodote (liv. ii), que Rodope (Rhodope) florissait sous le règne d’Amasis, qui ne monta sur le trône que quarante-sept ans après la mort de Psammétique ; {i} à moins qu’on ne suppose avec Périzonius, {ii} ou qu’Élien s’est trompé sur le nom du roi, ou qu’il y a eu deux courtisanes du nom de Rhodope : l’une qui devint la femme de Psammétique et qui fit bâtir la pyramide qu’on voit encore aujourd’hui, {iii} et qu’on croit lui avoir servi de tombeau – ce sera celle dont parle Élien ; l’autre, d’abord appelée Doricha (Dorica), pendant son esclavage avec Ésope {iv} chez Iadmon, et qui, après avoir été rachetée par Charax, frère de Sappho, {v} dont elle était la maîtresse, exerça le métier de courtisane à Naucratis – ce sera la Rhodope d’Hérodote, laquelle florissait sous le règne d’Amasis, et qui employa la dixième partie de son bien à faire faire des broches de fer qu’elle consacra dans le temple de Delphes, broches assez fortes pour rôtir des bœufs entiers. »

    1. Deux pharaons nommés Psammétique ont régné sur l’Égypte au vie s. av. J.‑C. (xxvie dynastie). Le mythe rend illusoire d’identifier celui des deux qui épousa Rhopode.

      Memphis, sur le Nil, était la capitale de la Basse-Égypte antique.

    2. Jakob Voorbroek (1651-1715), érudit hollandais.

    3. La pyramide de Khéops, mais elle a été construite au iiie millénaire av. J.‑C., sous la ive dynastie, bien avant le règne supposé de la Rodope de la fable.

    4. Le fabuliste, v. note [6], lettre 65.

    5. Autrement nommé Caraxus ou Caraxos, v. infra seconde notule {b}.

  4. « Psammétique, fils de Bocchoris, vivait environ six siècles et demi avant l’ère chrétienne » (note de Dacier).

La fable de Rhodope aurait inspiré le conte de Cendrillon. Les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont tiré leur récit de La Vie de Sapho qui se lit dans Les Poésies d’Anacréon et de Sapho, traduites de grec en français, avec des remarques. Par Mademoiselle Le Fèvre, {a} pages 390‑393 :

« Elle demeura veuve fort jeune, et si l’on en croit la plupart des Anciens qui ont écrit sa vie, elle ne vécut pas d’une manière fort régulière après la mort de son mari. Elle avait trois frères, Larichus, Eigius et Caraxus ; {a} elle fit beaucoup de vers pour Larichus ; mais elle en fit un grand nombre contre Caraxus et elle n’oublia rien pour le diffamer parce qu’il était éperdument amoureux d’une fameuse courtisane nommée Doricha ou Rodope. L’on fait une histoire de cette maîtresse de Caraxus, qui ne me paraît pas trop vraisemblable, mais qui est assez jolie pour être rapportée. On dit que cette personne se baignant un jour dans le Nil, car elle était de Naucratis, ville d’Égypte, une aigle enleva un de ses souliers des mains de sa femme de chambre, et le porta à Memphis où elle {b} le laissa tomber sur les genoux du roi, qui ce jour-là rendait la justice dans une place de la ville. Le roi, surpris de la nouveauté de cette aventure, et admirant la beauté du soulier, envoya des gens par tout le pays avec ordre de lui ramener celle à qui l’on trouverait le pareil de ce soulier. On trouva que c’était Rodope, et on l’amena au roi qui en fit sa femme. Si cette histoire est véritable, ce roi n’était pas si délicat que Sapho, qui ne pouvait souffrir que son frère fût amoureux d’une courtisane, et qui l’en haït depuis ; ce qui me fait croire qu’il ne faut pas ajouter foi à tout ce que l’on trouve écrit contre elle. »


  1. Paris, Denys Thierry et Claude Barbin, 1681, in‑12 de 429 pages.

    Ce livre est l’œuvre d’Anne Le Fèvre (Frandchamp, près de Langres 1645-Paris 1720), future Madame Dacier (sans lien familial avec Bon-Joseph, traducteur d’Élien), qui fut une des plus brillantes femmes de lettres du règne de Louis xiv. Elle a traduit plusieurs ouvrages classiques de l’Antiquité grecque et Romaine, dont L’Iliade (1711) et L’Odyssée (1716).

  2. V. première notule {c}, note [35] de la lettre latine 154, pour la poétesse grecque Sappho. Son frère Caraxus (Caraxos) n’est connu que par les vers qu’elle a écrits contre lui (qui ne figurent pas dans les quelques pièces traduites par Madame Dacier, car il fait partie des poèmes perdus de Sappho).

  3. En grammaire, quel que soit son sexe, l’aigle a longtemps appartenu au genre féminin (et l’a conservé en héraldique).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-5, note 44.

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(Consulté le 07/10/2024)

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