Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑4 (1701), note 50.
Note [50]

« Commenter les œuvres de Cujas » est passé en proverbe (Dictionnaire étymologique, historique et anecdotique des Proverbes et des locutions de la langue française… de Pierre-Marie Quitard, Paris, P. Bertrand, 1842, in‑8o, page 280) :

« Le célèbre juriste Cujas laissa en mourant une fille âgée de treize ans, {a} nommée Suzanne, laquelle fut bien loin d’être aussi chaste que sa patronne. {b} Le président de Thou, qui s’intéressait beaucoup à elle, se hâta de la marier, aussitôt qu’elle eut atteint sa quinzième année, pour prévenir les suites de son tempérament amoureux ; mais il ne put empêcher, dit Bayle, {c} qu’elle ne devançât le mariage ; et depuis ses noces, elle continua si ouvertement ses galanteries que son mari, qui était un honnête gentilhomme, en mourut de chagrin. Elle en épousa un autre, et alla de mal en pis. Les élèves en droit, qui étaient toujours bien reçus chez elle, désertaient l’école pour lui faire la cour. Ils appelaient cela commenter les œuvres de Cujas, et cette expression passa en proverbe pour désigner les privautés des écoliers avec la fille du maître. Le professeur de droit Edmond Mérille, dépité de voir Suzanne Cujas enlever tous les jours quelque étudiant à son cours, fit contre elle cette épigramme latine qui est assez bien tournée. » {d}


  1. V. note [62] du Borboniana 2 manuscrit pour la Vita de Jacques Cujas par Jean-Papire Masson (Paris, 1590), qui lui donne pour seconde femme Anna Hervea ex clara honestaque familia apud Biturigas [Anne Hervé (que Moréri a prénommée Gabrielle), issue d’une famille honnête et renommée de Bourges] (épousée en 1586). Suzanne était donc âgée de 3 ans à la mort de son père, en 1590.

  2. Vierge et instruite, Suzanne de Rome refusa d’abandonner la religion chrétienne pour épouser le fils de l’empereur Dioclétien (iiie s.). Elle fut décapitée pour son indéfectible foi.

  3. Je n’ai trouvé cette anecdote ni dans le Dictionnaire ni dans la Correspondance de Pierre Bayle. Peut-être Quitard l’a-t-il confondu avec Moréri :

    « Du second mariage, Cujas eut une fille nommée Suzanne. C’était une véritable prostituée ; elle faisait gloire de ses dérèglements et elle n’avait pas honte de dire qu’elle prétendait se rendre aussi fameuse par son impudicité que son père était illustre par son érudition. Elle fut mariée à 15 ans, {i} mais le mariage ne la corrigea point. M. de Mérille fit cette épigramme sur l’impudicité de la fille de Cujas… »

    1. D’autres sources disent que le président Jacques-Auguste i de Thou s’occupa personnellement de ce mariage. V. note [63] du Borboniana 2 manuscrit pour ce qu’il advint ensuite de Suzanne.
  4. V. supra note [49] pour cette épigramme latine qu’il me semble excessif de dire « assez bien tournée ».

    Edmond Mérille (1579-1647) était professeur de droit à Bourges, et trop jeune pour avoir été élève de Cujas ; mais ce sont, semble-t-il, ses étudiants qui ont été à l’origine du dicton.


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑4 (1701), note 50.

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(Consulté le 19/04/2024)

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