À André Falconet, le 22 septembre 1665, note 1.
Note [1]

La comédie de Molière, L’Amour médecin a été « représentée pour la première fois à Versailles par ordre du roi le 15e septembre 1665 et donnée depuis au public à Paris sur le théâtre du Palais-Royal le 22e du même mois de septembre 1665 par la Troupe du roi » (dédicace).

Cinq médecins (et non six, comme disait ici Guy Patin) y sont caricaturés sous des noms tirés du grec et forgés, dit-on, par Nicolas Boileau-Despréaux :

  • Tomès (de τομευς, scalpel) est Antoine D’Aquin (v. note [4], lettre 666) ;

  • Des Fonandrès, inversion d’ανδροφονευς, tueur d’homme, est Élie Béda des Fougerais (v. note [27], lettre 155) ;

  • Filerin de φιλερις, chicaneur, est Pierre Yvelin (v. note [11], lettre 97), médecin de Madame ;

  • Macroton, de μακροτονος, long, allongé (« Il parle en allongeant ses mots », ii, 5), est François Guénault (v. note [21], lettre 80) ;

  • Bahys, de βαυζειν, aboyer, murmurer en grondant (« Celui-ci parle toujours en bredouillant » ibid.), est Jean-André Esprit (v. note [15], lettre 292), médecin du duc d’Anjou.

Antoine Vallot, premier médecin du roi, n’en était apparemment pas. « Ce n’est ici qu’un simple coup de crayon, un petit impromptu dont le roi a voulu faire un divertissement. Il est le plus précipité de tous ceux que Sa Majesté m’ait commandés et lorsque je dirai qu’il a été proposé, fait, appris et représenté en cinq jours, je ne dirai que ce qui est vrai » (Au lecteur).

Éminent spécialiste du sujet, Geroges Forestier (Molière, Paris, 2018, v. notule {a}, note [23] de Thomas Diafoirus et sa thèse) a fait deux utiles remarques sur L’Amour médecin dans son chapitre 17, Consécration royale et satire médicale (1665).

  • Page 313, pour les pseudonymes des médecins ridiculisés :

    « On affirma au début du xviiie s. que l’idée serait venue de Boileau. […] Ces interprétations postérieures sont à la fois farfelues – aucun contemporain n’a révélé des manières de parler particulières chez Esprit et chez Guénault, et celles que prête Molière à deux de ses médecins relèvent à l’évidence du procédé burlesque –, et erronées puisque Molière montre Tomès violemment hostile à l’émétique (ii, 4) dont D’Aquin, formé à la Faculté de Montpellier, était au contraire un ardent partisan. »

  • Page 310 :

    « Pour faire parler ses hommes de l’art, Molière n’eut aucune peine à se documenter : il avait sur les rayonnages de son cabinet de travail les Œuvres du médecin La Framboisière (1631), {a} dans lesquelles, trois ans plus tard, il allait puiser – mot à mot – le diagnostic délirant posé sur le malheureux (mais bien portant) M. de Pourceaugnac. » {b}


    1. V. note [17], lettre 7.

    2. Longue et hilarante envolée diagnostique du « Premier Médecin » sur la mélancolie (acte i, scène 8 de Monsieur de Pourceaugnac).

Parmi les traits les mieux acérés de la pièce :

  • à l’acte ii, scène 1, Lisette dit à Sganarelle,

    « Que voulez-vous donc faire, Monsieur, de quatre médecins ? N’est-ce pas assez d’un pour tuer une personne ? » ;

  • et plus loin,

    « Ma foi ! Monsieur, notre chat est réchappé depuis peu d’un saut qu’il fit du haut de la maison dans la rue ; et il fut trois jours sans manger et sans pouvoir remuer ni pied, ni patte ; mais il est bien heureux de ce qu’il n’y a point de chats médecins, car ses affaires étaient faites, et ils n’auraient pas manqué de le purger et de le saigner. »

Cette comédie se jouait au moment où tant de médecins de la cour dansaient le pathétique ballet de leur impuissance autour de la reine, mère du roi.

En 1669, après l’affaire du Tartuffe (v. note [3], lettre 950), et pour riposter aux satires antimédicales répétées de Molière, parut sous la signature de Le Boulanger de Chalussay une comédie satirique en vers intitulée Élomire hypocondre ou les Médecins vengés. On y lit notamment à propos de l’Amour médecin, de la bouche d’Élomire (Molière) :

« Ce chef-d’œuvre qui fut le fléau des médecins,
Me fit des ennemis de tous les assassins. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 22 septembre 1665, note 1.

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(Consulté le 10/12/2024)

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