< L. 155.
> À Charles Spon, le 8 mai 1648 |
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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. –
À Charles Spon, le 8 mai 1648
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Je vous envoyai le 24e de mars un paquet de lettres dans lequel deux des miennes étaient contenues avec l’épître de M. Hofmann [2] pour M. Gras, [3] ut præfigatur tractatui de Anima. [1] Depuis ce temps-là, je vous dirai qu’il est mort ici un habile homme d’avocat, et considérable en sa sorte, éloquent et savant, magni nominis et cælebs, [2] nommé M. Hilaire. [4] Ce fut lui qui plaida contre M. le Prince [5] pour Mme de Combalet, [6] et qui défendit le testament du Cardinal de Richelieu. [3][7] Il a été un des accomplis personnages qui aient jamais été dans le Palais. Il n’y avait pas 15 jours que sa mère était morte chez lui. Il avait quelque peu moins que 60 ans. Il court ici un libelle diffamatoire du gazetier de Cologne, [8] ou au moins sous son nom, contre le Gazetier [9] de Paris. [4] M. Hilaire était un homme purement atrabilaire [10] qui tamen, morum suavitate, [5] était aimé de tout le monde. Le premier médecin du roi [11] l’a vu en sa maladie et lui a donné de l’or potable, [12] nonobstant lequel sui desiderium statim reliquit. [6] Enfin, les voleurs ont été exécutés vendredi 27e de mars au bas de la rue de Tournon. [7] La femme de Champy a premièrement été pendue. Les deux massacreurs, savoir Champy [13] et Du Fresne, [14] ont été rompus [15] tout vifs. [8] Du Fresne devait être le dernier exécuté, qui néanmoins le fut le premier et fut pris pour cela, d’autant qu’il se mourait dans la charrette ; il cria fort aux premiers coups du bourreau et se tut au huitième, de sorte qu’il mourut avant que d’avoir tous les coups. Champy cria rudement à tous les onze et ne fut point étranglé ; aussi ne mourut-il qu’une heure après, désespéré et presque enragé. Du Fresne dit le jour de leur supplice, au matin, qu’il n’eût voulu échapper de là que pour tuer la pute qui l’avait perdu par son babil (c’était la femme de Champy, qua tamquam pellice utebatur) [9] en dût-il être rompu tout vif et damné au bout. J’ai envoyé le paquet de livres à M. Huguetan [16] par le messager de Lyon, qui loge en la place Maubert [17] au Chef Saint-Jean ; il sera à Lyon le 12e de ce mois. J’y ai mis un Encheiridium de M. Riolan [18] et deux des thèses de M. Guillemeau, [19][20] dont en donnerez une à M. Gras avec mes très humbles recommandations. Les deux autres pièces seront pour vous, s’il vous plaît, en attendant que receviez le grand paquet dans lequel vous trouverez autre chose. [10] Je prendrai la hardiesse de vous faire part de ma joie et de la réjouissance qui est en notre famille de ce que mon fils aîné, [21] âgé de 19 ans un petit moins, a été aujourd’hui reçu bachelier [22] en médecine avec six autres compagnons, parmi lesquels il a été des meilleurs. Cette licence [23] prochaine de sept sera composée de quatre fils de maîtres [24] et de trois autres particuliers. Voilà des thèses qui nous viennent à faire. [11] Le fils de M. Moreau [25][26][27] répondit merveilleusement bien sous M. Guillemeau de Methodo Hippocratea, [12] au grand contentement de notre École et de grande quantité d’honnêtes gens qui étaient venus pour l’entendre. C’est un jeune homme de très belle et de très grande espérance. Il a prodigieusement de l’esprit et de la mémoire ; et même, la veille de Pâques fleuries, il remercia, comme fils de maître, notre Faculté au nom de tous ses compagnons, par une belle harangue, laquelle dura longtemps ; et néanmoins il la prononça si bien qu’il en fut loué de tous, et Monsieur son père aussi. Ils sont admis à l’examen particulier pour après Pâques, ut moris est, [13][28] et puis on les fera licenciés vers la Pentecôte. [29] Celui-ci aura infailliblement le premier lieu de sa licence [30] et sera quelque jour un grand personnage. Il y avait dans la Conciergerie [31] une chambre pleine de femmes prisonnières pour divers crimes. Une d’elles s’avisa d’un stratagème pour se sauver, qui était d’avoir une scie et de scier une poutre qui les séparait d’un des coins de la grande salle du Palais. Elles l’ont entrepris et en sont venues à bout ; de sorte qu’en une belle nuit, quatorze se sont sauvées par le trou qu’elles avaient trouvé moyen de faire. Une 15e malheureuse femme y est restée, laquelle n’a pu passer par le trou d’autant qu’elle était grosse. Enfin, mon paquet de livres qui vous est destiné est emballé et parti pour Lyon dans une balle que M. Le Petit, [14][32] gendre de Mme Camusat, [33][34] envoie à MM. Rigaud, [15][35] libraires de Lyon. Je souhaite que tout aille heureusement et vous soit bientôt rendu franc de port. Tout s’apprête ici pour la guerre : M. le maréchal de La Meilleraye, [36] grand maître de l’Artillerie, est parti pour Arras [37] il y a huit jours ; M. le Prince [38] sera à Amiens [39] le lendemain de la fête de Pâques et tôt après, l’armée marchera, laquelle sera obligée de donner bataille à l’Archiduc Léopold [40] s’il se présente, pour l’empêcher en son chemin. [16] Nous avons ici un des plus honnêtes hommes et des plus illustres de notre Compagnie bien malade, qui est M. de La Vigne : [41] marasmode febre detinetur, ab antiqua intemperie præfervida hepatis et aliorum viscerum, stipata fluxu hepatico et lethali. [17] Nous en pourrions perdre trente autres qui ne vaudraient pas celui-là. Je vous supplie très humblement de témoigner à M. Ravaud [42] que j’ai reçu par la voie de M. Cramoisy [43] le beau présent qu’il m’a envoyé, savoir son Polyanthea, dont je le remercie très affectueusement. [18][44] Je m’étonne de cette libéralité de vos libraires, laquelle ne se rencontra jamais à nos gens de deçà ; mais outre l’obligation que j’en ai à M. Ravaud, je m’en tiens aussi très obligé à votre bonté et affection envers moi. Mais je vous en dois tant d’autres que je doute si j’aurai jamais le moyen pour m’acquitter dignement de tant de bienfaits. Enfin, ce beau livre tant attendu de M. de Saumaise [45] de annis climactericis est arrivé. [46] Un de nos libraires en avait reçu 20, qui quatre jours après n’en avait pas un de reste ; j’en ai un qui n’est pas encore relié. Le livre est d’environ 64 feuilles, il y a une petite table à la fin ; mais la préface est fort longue, elle contient plus de 120 pages. [19] Il est dédié à M. de La Thuilerie, [47] qui est notre ambassadeur en Hollande. [20] Ce livre est tout plein d’astrologie [48] et de termes, aussi bien que de choses où je ne connais rien. Je tâcherai néanmoins d’en tirer quelque profit pour l’argent que j’en ai donné. Il parle quelquefois de quelques maladies. Nous attendons ici de Hollande Epistolarum Hug. Grotii Centuriam ad Gallos, [49] dans laquelle il y a quelques lettres à ce même M. de Saumaise. [21] On achève ici un in‑fo, qui sera curieux, d’un jésuite flamand nommé Menochius, [50] de Republica Hebræorum ; [22] le livre ne sera pas gros. Je me souviens d’en avoir lu un petit in‑24 de même matière fait par Cunæus, [51] professeur à Leyde, [52] qui a été un très savant homme, aussi bien que son petit livret est gentil et excellent en cette matière. [23] On achève ici Grotius de Fato, et le P. Senault [53] fait achever son Homme chrétien ; ce sont deux in‑4o. [24] L’impression de l’Anatomie de M. Riolan [54] continue lentement : il n’y a qu’un compositeur qui en fait tous les jours une feuille et on ne peut y en mettre d’autres à cause que M. Riolan n’a pas assez de copie préparée pour en employer deux ; joint qu’il ne fait que revoir et relire, changer et ajouter, et même à ses épreuves ; d’où vient que le livre ne sera pas si correct qu’il devrait être ; mais quoi ! on ne saurait faire autrement avec M. Riolan, aliter non fit, amice, liber, [25][55] vu que M. Riolan a l’esprit trop remuant et que sa mémoire, qui est un champ incomparablement fécond, lui produit à toute heure des pensées pour lesquelles il a de la peine à lâcher de la copie, laquelle il retiendrait s’il pouvait. M. Dupleix [56] fait aussi imprimer ici le deuxième tome de Louis xiii : il a commencé à 1634, où il avait fini son premier tome ; il en est à 1638 et finira à la mort du roi, dans trois semaines. Ce sera un petit in‑fo que le libraire vendra bien cher, vu qu’il a acheté bien chèrement la copie du dit Dupleix. [26] Du 17e d’avril 1648. Tous les généraux et officiers sont partis pour l’armée de Flandres. [57] M. le Prince même a passé à Amiens, fort leste et en belle compagnie ; mais des deux maréchaux de France qui sont allés devant lui, savoir MM. les maréchaux de Gramont [58] et de La Meilleraye, ce dernier est demeuré malade à Arras d’une suppression de goutte, [59] à laquelle il est fort sujet. Le bruit de sa mort a couru, mais je ne le crois point. On assure ici que l’Archiduc Léopold n’est si pas fort qu’il pensait : il espérait du secours d’Angleterre, que les parlementaires sont obligés de se réserver à cause des Hibernais catholiques et des Écossais malcontents, dont il y en a trois partis en Écosse. [60] On ne parle ici que de vols domestiques, de valets et servantes qui volent leurs maîtres et maîtresses, et qui delà se font pendre. J’ai pitié de tant de pauvres malheureux qui se laissent duper. Le diable est bien déchaîné. On m’en a raconté trois différents ce matin, qui sont horriblement vilains et déplorables. Je vous veux annoncer une réjouissance pour la papimanie, laquelle fait ici parler bien du monde, le personnage étant fort connu : des quatre prétendus réformés qui nous restaient en notre Faculté, le nombre en est réduit à trois, [61] ayant plu à Dieu de toucher le cœur (je n’oserais dire l’âme, car je doute s’il en a une) à notre maître Élie Béda, [62] dit par la ville et soi-disant des Fougerais, comme du nom de quelque seigneurie. [27][63] Il va dorénavant à la messe, porte le chapelet, fait le bigot comme les autres, et tout cela par l’intervention du P. de Lingendes, [64] jésuite, et de quelques dames. Ne vous étonnez donc plus de votre M. Meyssonnier : [65] en voici un autre qui a fait comme lui ; mais celui-ci est bien plus fin, plus rusé, plus madré que le vôtre. Ceux qui l’ont vu à la messe ne doutent pas de sa conversion ; mais nous autres, qui le connaissons pour ce qu’il est, c’est-à-dire pour un dangereux cancre et grand imposteur, doutons bien fort si, par ci-devant ayant été grand et insigne charlatan, l’eau bénite qu’il prendra le pourra changer et le faire meilleur, plus sage, plus retenu et moins charlatan [66] qu’il n’était. Je vous prie de me permettre que je vous importune d’une petite requête, après d’autres dont je vous suis obligé : quand vous passerez en votre ville du côté où demeure M. Anisson, [67] libraire, faites-moi la faveur que je sache de lui par votre moyen, s’il ne nous donnera pas bientôt le deuxième tome in‑fo du jésuite de Gênes, [68] Sopranis in historiam Davidicam, dont il a donné le premier l’an 1643. Il promet le second en sa préface, dans lequel il fait espérer un traité entier De Idolatria Hebræorum, lequel j’ai bien envie de voir. [28][69] M. Moreau m’a dit qu’il vous a recouvré un Artémidore grec et latin [70] qu’il a envie de vous envoyer, in‑4o, [29] avec quelques autres livres, et m’a demandé si je vous ferais bientôt un paquet ; je lui ai répondu qu’oui et que j’en recommençais un autre, dans lequel j’ai mis le livret de M. Lussauld, [71] médecin de Poitou, [30] qui est celui même que vous m’avez dépeint par votre dernière, de la réception de laquelle je vous suis très obligé, et m’en vais vous y répondre. Premièrement M. Lussauld est celui-là même que vous me dites : homme qui fait l’entendu et qui méprise presque tout ; il dit qu’en son livre il a négligé l’élégance du latin et les autorités, et qu’il ne s’est amusé qu’au raisonnement ; il dit qu’il s’en va faire un plus grand œuvre pour le faire imprimer ; si sa campagne lui donne du loisir, il le peut faire, il ne manque pas d’esprit. Le roi d’Angleterre [72] est encore vivant, mais je ne puis croire ceux qui se promettent de lui qu’il reviendra à bout de ses affaires ; il faut être bien crédule pour s’imaginer de telles fables. [31] J’entreprendrais très volontiers un voyage [73] d’Allemagne jusqu’à Nuremberg [74] et Altdorf, [32][75] pour y saluer et y entretenir M. Hofmann, mais cela ne se peut faire durant la guerre ; et < je > ne doute point que lui-même n’en voie bien la difficulté de l’entreprise, voire même l’impossibilité. Après ce que vous me dites touchant le livre de M. Sorbière, [76] il n’y a nulle difficulté que M. Riolan n’ait deviné le vrai auteur de ce livret ; [33] mais je ne sais pas pourtant s’il en écrira exprès, vu que son Anthropographie l’occupe et l’emploie tout entier. Il emploie tout son loisir à revoir sa copie et ne la baille que feuille à feuille aux imprimeurs, [77] à cause de quoi son ouvrage n’avance guère ; il n’y en a encore que 72 feuilles de faites. Je suis bien aise qu’ayez reçu la thèse de M. Guillemeau, mais je vous prie de m’en mander votre avis. Vous trouverez dans le premier paquet que je vous enverrai une épreuve, laquelle contiendra tout ce qui a été ôté de cette thèse. [10] Je vous remercie du soin qu’avez eu de délivrer à M. Gras la sienne ; je lui baise les mains et suis son très affectionné serviteur. Il y aura quelque autre chose pour lui dans le grand paquet que recevrez bientôt. Je vous prie de me conserver en ses bonnes grâces, c’est un digne homme et duquel je fais grand cas. Je n’ai jamais vu l’arrêt des médecins de Tours [78] contre les apothicaires, [79] imprimé ; combien que celui qui en sollicita ici le procès me promît en partant qu’il le ferait et qu’il m’en enverrait une douzaine, ce qu’il n’a pas fait. Je demanderai à M. Perreau, [80] notre doyen, s’il n’en a point vu, sinon < je > vous promets que j’en écrirai à Tours tout exprès. [34] J’ai reçu le Polyanthea de M. Ravaud par la voie de M. Cramoisy, franc de port. Il m’a mandé qu’il serait ici bientôt, je l’en remercierai en personne ; que s’il est encore à Lyon, je vous prie de l’en remercier pour moi. Ce livre est véritablement bon, combien que je ne m’en sois jamais guère servi ; j’en ai céans une autre édition de M. Ravaud il y a 20 ans. [35] Le Theatrum vitæ humanæ est de vrai un fort bon livre ; mais je doute du dessein de votre libraire car s’il le prend sur la dernière édition de Cologne, [81] elle est toute châtrée de ce qu’il y avait deçà et delà contre les prêtres et les moines ; [82] s’il la prend de l’ancienne, il est à craindre qu’on ne lui fasse la même chose que vos jésuites ont faite à M. Huguetan [83] sur son Alstedius ; [36][84] du portrait duquel je ne puis rien découvrir, il faudra nécessairement avoir recours à quelque curieux d’Allemagne. Pour M. Lussauld, il est parti pour s’en retourner en sa ville de Chef-Boutonne [85] en Poitou, où il prétend faire la médecine et y être exempt de taille [86] en vertu des lettres que lui a données M. Vautier ; je pense néanmoins qu’il n’en pourra venir à bout. Il est celui-là même que m’avez dépeint par la vôtre. Vous le connaissez aussi bien que moi, combien que je l’aie vu depuis vous ; ipsus est quem indigetasti. [37] Je pense que M. Riolan ne lui fera ni bien, ni mal et qu’il ne parlera point de lui du tout. Ces petits libelles ressemblent aux potirons : ils n’ont de bon que la nouveauté ; cuius gratiam ubi amiserunt, [38] c’est fait d’eux, on n’en parle plus. Pour notre bon ami M. Naudé, [87] je vous puis jurer que ce n’est pas tant l’avarice qui le fait plaindre que le peu de reconnaissance qu’il a de son patron, après lui avoir rendu tant de services, et avoir fait en pays étrangers tant de voyages pour lui et par son commandement ; [88][89] mais quoi ! c’est que le bon seigneur ne fait rien à personne. Au moins, je ne vois personne qui se loue de sa libéralité, il prend beaucoup et ne donne rien, et étouffe les espérances de profiter de tous ceux qui s’étaient mis près de lui ut ditescerent. [39] Je ne vous dis rien de Naples [90] ni de M. de Guise [91] qui y a été arrêté prisonnier, ce sont affaires de princes qui jouent au plus fin les uns sur les autres ; cela a toujours été et sera toujours. On dit qu’on l’a mené en Espagne où il ne peut être gardé que prisonnier, et qu’on se gardera bien de le faire mourir, vu qu’ils ne gagneraient rien à sa mort, et qu’en le gardant il peut être utile à quelque chose de bon, quand ce ne serait qu’à une bonne rançon ou à être échangé avec quelque illustre prisonnier. [40][92] On dit ici qu’il y a eu du bruit à Bordeaux, [93] et qu’on y a pendu quelques gabeleurs, [41][94] et qu’à Marseille [95] ont été tués quelques gardes du comte d’Alais, [96][97] gouverneur de la province. [42][98] Toutes les compagnies souveraines [99] de Paris grondent ici pour la paulette [100] et pour le retranchement qu’on veut leur faire de leurs gages. [43] Bref, il y a bruit et désordre partout ; les plus petits et les plus chétifs sont ruinés, les plus gros et les plus forts sont ébranlés, de sorte que je puis fort raisonnablement dire avec le poète : [101][102]
L’évêque du Mans [103][104] est mort et son évêché a été donné à M. l’abbé Servien, [105][106] frère de celui [107] qui est notre plénipotentiaire à Münster. [45][108] Il y a ici du bruit touchant un capitaine des gardes nommé de Saujon [109] qui a été arrêté prisonnier sur ce qu’il se mêlait de traiter du mariage de Mademoiselle, [110] fille de M. le duc d’Orléans, [111] avec l’Archiduc Léopold. On dit même que ladite Mademoiselle est retenue en sa chambre et qu’elle a des gardes par ordre de la reine ; [112] mais elle n’a pu être convaincue d’aucune intelligence secrète, d’autant qu’elle n’en a jamais rien écrit ; et même, se disant et protestant fort innocente de toute cette accusation, elle n’en a jamais voulu demander pardon à la reine, etiam urgente parente, domino Gastone. [46] On a mandé à M. d’Avaux [113] qu’il eût à partir de Münster et à s’en revenir. On dit qu’il est en état de disgrâce, que M. de Longueville [114] s’est plaint de lui, que le cardinal Mazarin dit qu’il a fort désobligé la France ; mais l’histoire secrète dit encore qu’on lui met sus un plaisant crime d’État, savoir est qu’il a voulu briguer à Rome un chapeau de cardinal pour soi-même par l’entremise de quelques amis qu’il a près de soi à Münster, qui ont crédit vers le Padre santissimo, [47][115] et que cela a été découvert par le cardinal Spada, [116] qui en a écrit de deçà et qui a fait connaître ce dessein de M. d’Avaux au cardinal Mazarin. Fabulosa tamen plerique putant hæc omnia [48] et qu’on veut faire accroire qu’il a mangé le lard [49] afin de le retirer de Münster avec quelque couleur de disgrâce, n’étant permis à aucun particulier de briguer le cardinalat sans permission et sans le bon plaisir du roi. [50] J’attends de jour en jour des nouvelles de M. Hofmann et m’ennuie de ne rien apprendre de sa santé. J’ai peur de tout, [51] utinam sim vanis aruspex. [52][117] Un illustre conseiller d’État, du nombre des ordinaires, mourut hier ici, savoir, M. Talon, [118] frère aîné de celui qui est avocat général du Parlement aujourd’hui. [119] Il a fait cette charge lui-même autrefois avec éclat et réputation, laquelle depuis il a ternie par les intendances qu’il a eues en Dauphiné [120] et en Provence. [53][121] Il était homme adroit et rusé, fort entendu et qui en voulait avoir. Il savait le bien et le mal, et en était tant plus à craindre. Même le défunt cardinal [122] se servait de son conseil dans ses violences. Mais enfin, il faut que je cesse de vous fournir une si importune lecture, avec protestation que je serai toute ma vie et de toute mon âme, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur, Patin. De Paris, ce 8e de mai 1648. | |||||||||||||
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Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr | |||||||||||||
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