Texte
Jean Pecquet
Nova de thoracicis
lacteis Dissertatio
(1654)
Préambule  >

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Jean Pecquet, Nova de thoracicis lacteis Dissertatio (1654) : Préambule

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/pecquet/?do=pg&let=0041

(Consulté le 20/05/2024)

 

[Page 101 | LAT | IMG]

Nouvelle dissertation sur les lactifères thoraciques. [1]

J’ai reçu enfin l’opuscule de Riolan [2] contre mes Experimenta, dont le brouhaha s’était répandu depuis quelque temps. Le caquetage ininterrompu et favorable à mes ennemis que colportait cette rumeur malveillante ne sonnait certes pas les funérailles de ma sagesse, mais signait misérablement la lassante ratiocination d’un éminent homme qui a jadis tant mérité de la république anatomique. Je suis aussi navré et le serai longtemps par un si flagrant exemple des calamiteux aléas de la destinée humaine, que par [Page 102 | LAT | IMG] le juste choix de Socrate [3] qui aima mieux vider sa coupe d’un trait que continuer de vieillir. [1]

Si j’avais l’esprit aussi prompt à rendre les coups que mon penchant naturel à sévir contre Riolan, comme ses sarcasmes auraient dû attiser les feux de ma juvénile ardeur ! mais il est sot de rivaliser avec l’effronterie d’autrui et j’ai en horreur la faconde insultante. Néanmoins, c’est la nature qui procure les signes de la vérité et la parole qui soude la société, sans que l’une ne nuise à l’autre, et j’ai de l’estime pour les Spartiates [4] et pour les jeunes gens que les blancs sourcils d’un front ridé avaient coutume de faire rougir. [2] Bien froide est pourtant la gloire que l’imitation ne suit pas, et nous imiterons certainement la sienne sans intentions pacifiques, car Néoptolème [5] dégainera entièrement son glaive et vengera de toute la longueur de sa lame la furieuse attaque du vétéran. [3]

Le combat qui m’oppose à Riolan est celui de la vérité et, si différente que la sienne soit de la mienne, l’enjeu est de porter un jugement neutre. Dans la possession d’une chose convoitée, l’homme qui en désire fort le profit ne défend pas de bon cœur les droits du parti adverse, et dans les tumultes des sentiments discordants, il n’est pas ordinaire de prêter une oreille attentive au placide murmure de la raison. Un arbitre qui connaît l’équité et prône ses mérites est donc exigé pour contenir les embrasements des litiges. Pour ma part, je n’en choisis bien sûr pas un qui m’aime, mais quiconque cherche la vérité, et ce dans la nudité où je l’expose aux yeux de qui veut la voir.

Qu’on ne me propose pas de recourir à l’éloquence (comme fait perpétuellement Riolan), qui incite à soupçonner que la cause est titubante, et jusqu’à la haïr, mais de protéger, à l’aide de mots simples, la vérité qui a été injustement attaquée. Je réfuterai les âpres arguties de la logique riolanique en n’en appelant qu’aux preuves fournies par quelques expériences. Je pense que ce bouclier me suffira contre cet homme, dont la vue a été irrémédiablement [Page 103 | LAT | IMG] obscurcie par la décrépitude du grand âge et par l’opiniâtreté de la jalousie. [6] S’il me sent quelque part trop acerbe, qu’il se souvienne alors qu’on ne nie pas toujours impunément l’arbitrage des yeux et que, sans s’y attendre, il lui est plus d’une fois arrivé de regretter ses assauts contre un bouclier dont il méprisait l’attaque.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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