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Instruments

Introduction

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Vase scythe en or ou electrum provenant du kurhan (tumulus) de Kul Oba (Crimée). Travail grec du IVe siècle av. J.-C. représentant une des premières scènes dentaires
(Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg)
       L’invention d’un instrument pour faciliter une action et la reproduire plus efficacement est le fruit d’une réflexion pas seulement humaine, elle existe chez les espèces animales supérieures aussi. L’instrument devient le prolongement de la main, elle-même prolongement du cerveau et de l’intelligence.

Pendant longtemps, particulièrement en Chine, on sait que l’extraction des dents se faisait avec le pouce et l’index. Sur le vase de Kul Oba trouvé en 1830 dans un tumulus scythe (IVe siècle av. J.-C.), on voit un homme qui s’apprête à arracher avec ses doigts la dent d’un guerrier qui dans un geste de défense lui retient le bras.

Des instruments très anciens, à usages multiples, ne peuvent être attribués d’une façon certaine à l’art dentaire, en particulier des pinces qui servaient aussi bien à saisir ou extraire des esquilles d’os, une pointe de flèche cassée ou encore une dent. La très grande approximation d’adaptation de ces instruments n’incitait guère à procéder à des extractions. Selon Érasistrate (c. 320-c 250 av. J.-C.) aurait été exposé dans le temple d’Apollon à Delphes une pince en plomb (le Plumbeum odontagogon) dans le but de montrer qu’il ne faut arracher que des dents facilement détachables. Le corpus hippocratique (Affections 4) précise qu’il ne faut se servir d’une pince que pour tirer sur une dent branlante ou cariée, sinon, il faut cautériser. Ainsi les Anciens tentaient d’abord toutes sortes de médications, fumigations, fomentations ou applications topiques dans l’espoir d’un apaisement à défaut d’une guérison.

À Athènes, Naples ou Pompei des sortes de pinces ont été retrouvées plus ou moins adaptées à une extraction dentaire et présumées être soit un davier, odontagra, soit une pince pour extraire les racines, rhyzagra.

Il semblerait qu’avant d’utiliser le « fer », terme générique pour tout instrument, ce soit le « feu » qui fut le plus pratiqué par les soignants. Les instruments se sont différenciés très progressivement : d’abord ceux pour cautériser les gencives ou les dents, puis pour limer, nettoyer, arracher les dents et enfin pour forcer l’ouverture de la bouche.

Aurelius Cornelius Celse (25 av. J.-C. ?-50 ?) dans son encyclopédique De medicina, témoigne ainsi de l’existence de ces instruments et en précise l’indication thérapeutique de chacun d’eux. « Lorsque les dents vacillent à cause de la faiblesse des racines, ou de l’altération et de la sécheresse des gencives, il faut porter un cautère incandescent sur les gencives, de manière à les effleurer sans appuyer » (VII, 12, 1). « On lime les pointes des dents lorsqu’elles causent des plaies à la langue » (VI, 12). « Si une dent est malpropre et noire quelque part, il faut la racler et la frotter avec des fleurs de roses pilées, additionnées d’un quart de noix de galle, d’un autre de myrrhe, et se rincer fréquemment la bouche avec du vin pur » (VII, 12, 1).

L’extraction dentaire étonnamment moderne (syndesmotomie, luxation et extraction) sera entreprise en dernier recours lorsque « les médicaments auront été sans effet ».
 

    
Portrait de Celsus, Aurelius Cornelius, in De medicina libri octo, Édition : Amsterdam : Joannem Wolters, 1713
(BIU Santé, 071726), gravure
Technique d’extraction :
« On doit racler la dent tout autour pour en détacher la gencive, puis la secouer jusqu’à ce qu’elle soit devenue mobile : car l’avulsion d’une dent adhérente est très dangereuse, et détermine même parfois la luxation du maxillaire inférieur. Le péril est plus grand encore pour les dents d’en haut car les tempes et les yeux peuvent en être ébranlés. Alors si c’est possible, on extrait la dent avec les doigts ; si nécessaire, avec un davier ; si elle est creuse, on remplit auparavant le trou de charpie ou de plomb bien préparé, pour empêcher la dent d’être brisée par l’étreinte de l’instrument. Il faut retirer le davier verticalement de peur que par l’inclinaison des racines, la partie alvéolaire de l’os où la dent est implantée n’éclate en quelque point. […] S’écoule t-il plus de sang que de coutume ? on est tout de suite certain qu’il y a fracture de l’os, il faut alors avec un stylet rechercher l’esquille détachée et la retirer à l’aide d’une pince ; si elle ne vient pas, on incise la gencive jusqu’à ce que le fragment d’os mobile se laisse enlever ». (Traité de médecine de A.C. Celse : traduction nouvelle par le Dr A. Vedrènes, Paris, Masson, 1876)
(BIU Santé 44664)

Grâce à l’imprimerie, les ouvrages des Anciens et des Médiévaux sont réédités en latin et souvent traduits en français, leur large diffusion va donner un important élan à la littérature médico-chirurgicale. C’est donc à partir du XVIe-XVIIe siècle, à la faveur de nombreux livres parus qu’il est possible de mettre en évidence et d’étudier les instruments dont les chirurgiens, pour la plupart, vont désormais illustrer leurs ouvrages. Les gravures des instruments accompagnées de brefs commentaires sont présentées chronologiquement (de leur apparition dans les textes à leur mise à l’écart) avec les instruments les plus représentatifs repérés dans des musées ou dans des collections personnelles. À la fin de la présentation de chaque instrument, une série de similaires est exposée.

Daviers, pélicans, poussoirs, leviers, pieds de biche, ouvre-bouches, cautères et instruments à détartrer évoluent très lentement du XVIe au XXe siècle, prenant souvent des noms différents selon les auteurs et les époques. Le XVIIIe siècle, Siècle d’or de l’odontologie française, offre les premières améliorations notables qui s’épanouiront au XIXe siècle.