L. 150.  >
À Charles Spon,
le 7 février 1648

Monsieur, [a][1]

Depuis ma dernière de quatre grandes pages datée du 10e de janvier, [1] j’apprends ici que Messieurs les maîtres des requêtes ayant entendu quelque vent de 26 compagnons nouveaux qu’on voulait leur bailler afin d’en avoir cent d’une compagnie, se sont tant de fois assemblés et ont fait ensemble de si belles protestations de ne recevoir jamais aucun compagnon qu’enfin ils ont appris par la propre bouche de l’Oracle qu’on ne leur en donnera aucun. [2] Les bourgeois se sont assemblés plusieurs fois et sont allés au Palais parler à M. le premier président [2] et aux autres grands magistrats pour les prier de ne point vérifier l’édit des maisons, par lesquels les partisans prétendent de lever somme notable sur chaque maison qui est dans le Domaine du roi ; [3][3] et tôt après, sans doute, on attaquerait celles qui se trouveraient sur les autres domaines par la même raison. Cela a fait du bruit au Palais. Le fils de M. d’Émery, [4] surintendant des finances, président des Enquêtes, [4][5][6] y fut attaqué et quelques coups de poing donnés ; son valet de chambre, pensant défendre son maître, mit l’épée à la main ; les bourgeois se jetèrent sur lui, lui prirent et rompirent son épée, et le gourmèrent bien. [5] Le président de Thoré, son maître, fut sur-le-champ s’en plaindre à la Grand’Chambre, où arrêt fut donné contre quelques bourgeois, chez lesquels, deux jours après, on envoya des compagnies de soldats les chercher, sed non erant[6] et ainsi il n’y a eu personne de pris. Toute la ville a été en rumeur de voir des soldats deçà et delà en bandes par la ville. Sur le soir du dimanche 12e de janvier, on entendit tirer force coups de mousquet, comme si chacun eût apprêté ses armes à feu pour le lendemain. [7] On dit que M. le Prince [7] remontra à la reine [8] que toute la ville était en danger d’une grande sédition si on n’apaisait le bourgeois, laquelle lui promit qu’on y travaillerait. [8] M. le Prince lui dit aussi qu’il fallait conserver Paris, [9] de peur que les villes de la campagne n’en fissent autant. Voilà où nous en sommes ce lundi matin, 13e de janvier, en attendant d’autres nouvelles.

Pour votre dernière que je viens de recevoir, datée du 7e de janvier, je vous en remercie. J’y ai trouvé celle de M. Hofmann avec une dédicace pour son Théophraste [9][10] au marquis de Brandebourg. [10][11] Quand j’aurai reçu ledit Théophraste, je tâcherai de trouver un libraire, mais je ne promets rien : durissimis hisce temporibus omnia mihi dura videntur, præsertim mercatoribus et bibliopolis nostratibus[11] Le bonhomme Meturas [12] est embarrassé à son Riolan, [13] son Duret, [14] et à deux autres presses pour des livrets de jésuites. Ab eiusmodi hominum genere vix aliquid potero extundere ob propriam siccitatem et temporum difficultatem[12] Le Théophraste et les deux traités du Galien que j’ai seront les plus difficiles à faire imprimer si le bon temps ne vient. Je viendrai mieux à bout des deux Chrestomathies quand je les tiendrai toutes deux ensemble ; [13] et encore plus aisément du traité de Humoribus, de Calido innato et spiritibus ac de Partibus solidis que Jansson [15] d’Amsterdam [16] retient iniquement et injustement, [14][17][18][19] et hoc ipsum memini me antehac scripsisse ad ipsum Auctorem[15] Si vous lui écrivez bientôt, vous m’obligerez de lui répéter ces mêmes raisons : quandoquidem per belli diuturnitatem, ex quo ruina impendet universalis, omnia videmus in peius ruere et retro sublapsa referi[16][20]

Pour le Sennertus [21] de M. Ravaud, [22] il le rendra trop cher s’il le met en quatre tomes, il vaudrait mieux le mettre en trois si faire se peut. [17] Pour les Paralipomènes[23] c’est bien fait de les réduire en leurs propres lieux ; quod si commode fieri non possit[18] il les faudra mettre toutes telles qu’elles sont sur la fin de l’ouvrage. Je n’ai garde d’improuver l’ordre des traités que vous me proposez, tant à cause de vous qu’à cause qu’il est bon ; mais je vous prie de penser deux fois s’il est à propos d’y ajouter l’Épitomé des Institutiones et < le > de Febribus ; il me semble qu’ils n’y doivent pas être. La copie du livre de Consensu et dissensu chymicorum doit être prise sur l’in‑4o d’Allemagne, celle qui est in‑8o étant moins ample. Cetera probo singula[19] à la charge que chaque traité aura sa propre épître dédicatoire et sa préface, ex mente auctoris[20] Et ainsi tout ira bien, mais s’il pouvait réduire et laisser le tout en trois tomes, le prix n’en épouvanterait pas si tôt les jeunes médecins qui n’ont encore guère gagné, à qui néanmoins ce livre-là sera de bonne provision. Je souhaite fort que M. Ravaud fasse cet ouvrage aussi beau qu’il en a le dessein, et qu’il y réussisse avec honneur et profit, comme j’espère qu’il fera. Ce livre sera bon par tout et tiendra bien sa place dans les grandes bibliothèques, même des princes et des prélats, et des autres curieux, quoique non médecins. Si je suis encore au monde en ce temps-là, j’y contribuerai ce qui me sera possible de bonne recommandation, tant pour les uns et pour les autres. M. de Longueville [24][25] a été contremandé et ne revient point. [21][26] Des sept provinces qui composent Belgium fœderatum sous le nom de Hollande, il y en a cinq qui ne veulent point de paix avec l’Espagnol et qui aiment mieux se résoudre à faire la guerre aux deux autres qu’à aucune paix avec l’Espagne. [22][27][28][29] Si cela est vrai, ce nous serait une aide pour continuer la guerre en Flandres [30] à l’Espagnol, y étant aidés et secourus des Hollandais. Les Écossais et les Anglais vont faire la guerre ensemble à cause de leur roi prisonnier, [31][32] que les Écossais ont grand regret d’avoir rendu l’an passé aux parlementaires, comme ils témoignent par le manifeste qu’ils en ont fait. [23] De valetudine του 666 et Neapolitano tumultu pauca circumferuntur ; adde quod certissima ex illis locis tibi prius innotescent quam nobis, ideoque sileo[24][33][34][35][36] M. Riolan fait commencer ici un in‑12 intitulé Encheiridium anatomicum[25][37] ils disent qu’il y aura près de 30 feuilles de petit romain. L’Épitomé des Institutions [38] est achevé. [26] Je vous enverrai à la première occasion un petit paquet pour M. Hofmann et pour vous, avec quelque autre chose.

Ce 14e de janvier. Enfin, Dieu merci, et vous, je reçois tout présentement le paquet qu’il vous a plu m’adresser, dans lequel j’ai trouvé les Χρηστομαθ. φυσιολ., [27] le livre tout nouvellement imprimé de M. Huguetan, [39] du docteur nommé Moronus, [28][40] duquel je vous remercie ; et le paquet de M. Volckamer, [29][41] dans lequel j’ai trouvé l’Anti-Fernelius (et ainsi il n’est pas besoin que vous preniez la peine de m’envoyer un des vôtres), [30] les trois livres de Marcus Aurelius Severinus [42] de Medicina efficaci, de Chocolata et Zootomia Democritea[31][43] avec le Cæsalpinus de metallicis[44] dont je l’avais prié, imprimé à Nuremberg [45] l’an 1602, [32] où il y a une fort belle préface du clarissime Ph. Scherbius, [46] quæ singula ideo dicam commendationem tanti Aucthoris, eiusque libri, ut eum si forte desit, tibi comparare satagas[33] Si vous me demandez mon avis des Χρ. φυσιολ., je vous avoue que le livre m’a extrêmement plu d’abord, et que je ferai tout ce que pourrai afin qu’il soit imprimé ici et tâcherai que ce soit au contentement de l’auteur. Pour votre Moronus, quis ille sit ? ignoro planissime, et albus sit an ater, nescio ; [34] et je doute bien fort aussi de son dessein et s’il pourra y avoir réussi. Voilà que je l’envoie chez mon relieur ; ut ut sit, bonus aut malus[35] je vous en remercie. Vous m’obligerez si vous m’instruisez qui est cet auteur et de quel mérite vous pensez qu’il soit. De ceteris in fasciculo meo contentis non est quod agam[36] vous les connaissez mieux que moi. J’ai vu ce soir M. Riolan, où nous nous sommes trouvés ensemble en consultation [47][48] chez un hydropique [49] que j’ai vu par ci-devant deux fois avec l’ordinaire. [37] Melius habet a tanto morbo, et haud dubie est convaliturus, post frequentissime purgatum corpus ex sena, rheo, syrupis de floribus mali persicæ et de rosis solut. cum ʒ j. diaprunis solut. interdum etiam ex iusculo solutivo facto ex ʒ iij. fol. Oriental. et ℥ j. manna Calabrica[38][50] Il a été purgé [51] trente fois de deux jours l’un, de ces remèdes et principalement du dernier, a quo uterque humor tum crassus, tum aqueus facile et feliciter educitur[39] J’ai averti ledit M. Riolan que j’avais reçu ce manuscrit, dont je lui avais parlé l’autre jour par votre ordre. Il ne m’a pas témoigné d’être curieux de le voir, mais seulement, m’a-t-il dit, Faites-le imprimer hardiment, je le traiterai comme il mérite, et toujours plus équitablement qu’il n’a faitpour > mon père ; je lui montrerai qu’il ne sait pas l’anatomie et que pour un homme qui a tant lu Galien il ne l’entend guère bien ; [40][52][53] et là-dessus nous nous sommes séparés. De tout ce que dessus vous en manderez à l’auteur ce qu’en jugerez à propos si vous lui écrivez bientôt. Je me tiens assuré qu’il sera bien aise d’en savoir le tout, vu que par sa dernière il me prie en ces termes : Quæso te, mi bone, repete ad me illa Riolani, quæ contra me effudit, non ut refutem, sed ut rideam[41] Vous voyez la jalousie qui est entre ces deux grands hommes, et qui tous deux ont bien envie de se soutenir ; [42] mais M. Hofmann est bien vieux et j’ai bien peur qu’il ne perde la partie en la quittant, en partant de ce monde ; je voudrais pourtant bien qu’il eût le contentement de voir toutes ses œuvres imprimées avant cette séparation. M. Riolan est véritablement asthmatique, [43][54][55] mais il témoigne grande allégresse pour le présent. Je pense que c’est l’édition de ses œuvres qui le réjouit ; outre plus qu’il a bec et ongles, [44] et je crois que son Anthropographie n’achèvera pas qu’il ne censure vivement M. Hofmann, super anatomicis, quæ scripsit in Institut. et in Epitome earumdem Institutionum[45] Entre eux le débat […] s’ils ne se veulent pas céder. [46]

Le roi, [56] la reine, M. le duc d’Orléans, [57] M. le Prince, le cardinal Mazarin, [58] M. le chancelier [59] et autres grands furent au Palais hier mercredi, 15e de ce mois, où furent vérifiés quelques édits, et entre autres un pour faire douze maîtres de requêtes nouveaux ; [47] un autre sur ceux qui tiennent du bien du roi par engagement ; un autre par lequel divers officiers de ville et de finances sont créés ; un autre par lequel sont supprimés les aisés, etc. [48][60] M. Talon, [61] avocat général, harangua devant la reine, à ce qu’on dit, divinement et contenta si fort les gens de bien qu’on ne parle ici que de ce qu’il a dit, [49] combien que personne n’y profite de rien. [50][62] Tout le monde est ici au désespoir de la continuation de la guerre et j’ai bien peur qu’à la fin il n’arrive malheur. Tout le monde s’y déconforte, [51] il n’y a que les larrons et les partisans qui y gagnent. On dit que M. le maréchal de Turenne [63] vient avec ses troupes achever le reste de l’hiver dans les trois évêchés de Metz, [64] Toul [65] et Verdun, [52][66][67] et qu’il repasse le Rhin, n’étant pas assez fort pour résister aux Impériaux et Bavarois qui le poursuivent. M. de Longueville a son congé pour revenir et est ici attendu quelques jours après la Chandeleur. Il n’y a point de paix, nequidem umbra pacis[53] Une autre nouvelle porte que les Suédois sont en chemin d’aller attaquer le duc de Bavière [68][69] et d’entrer en son pays, [54] depuis qu’ils ont trouvé le moyen de se fortifier comme ils ont fait ; et que cela fera repasser le Rhin à M. le maréchal de Turenne et à ses troupes. [55] Les maîtres des requêtes, qui sont ici en aussi grand nombre que les disciples du Sauveur du monde, savoir 72, [56][70] ont été assemblés au Palais-Royal [71] où, par commandement de la reine et par la bouche de M. le chancelier, ils ont été interdits ; et leur a été défendu de plus venir au Conseil du roi, pour s’être assemblés tous ensemble en particulier, et avoir délibéré et signé qu’ils s’opposeraient à toute nouvelle création de maîtres des requêtes. [57] Et depuis ce temps-là, on leur a encore signifié que le roi leur défendait de juger d’aucune chose souverainement aux Requêtes de l’Hôtel, [72] qui est la seule juridiction qui leur reste pour trois mois de l’année. [58]

Ce 24e de janvier. J’ai reçu par la voie de M. Picquet, outre la vôtre, une autre lettre de M. Hofmann [73] par laquelle il me recommande fort son Théophraste, que je n’ai point encore reçu. Je lui avais mandé que je m’en allais faire imprimer son traité manuscrit de Anima quatenus medicus eam considerat[59] et le priais de vous le dédier, ce que je lui ai réitéré par trois ou quatre fois. Enfin, voici ce qu’il me répond sur cet article : Liber de Anima, si probatur tibi, extrudam et ipsum volent dei sub auspiciis D. Cras Medici Tureniensis[60] N’est-ce pas M. Gras [74] de Lyon, qui est de présent à Paris, qu’il entend par là, qui peut avoir été, par ci-devant, à M. le maréchal de Turenne ? est-ce qu’il le connaît d’ailleurs ? ou bien serait-ce quelque médecin allemand de quelque lieu à moi inconnu, et dont je ne saurais point la carte ? Je m’en rapporte à ce que vous m’en apprendrez. Je viens tout présentement de recevoir un petit paquet de livres en blanc de la part de M. Naudé [75] pour vous faire tenir ce que vous trouverez dans le premier paquet, lequel j’achèverai devant huitaine pour vous envoyer. Il vous baise les mains et vous prie d’avoir ce petit présent pour agréable. Ce premier paquet contiendra pour vous, de ma part et de M. Naudé, pour M. Huguetan, M. Hofmann et M. Volckamer quelque chose ; quæ quidem singula curæ tuæ commendabo[61] à la charge que vous me ferez entendre le prix du port de ce qui va en Allemagne afin que je vous en rembourse. Je n’ai encore rien ouï ni appris du paquet qui me doit être rendu de votre part. Il viendra quand il plaira à Dieu, je n’en ai point hâte, pourvu qu’il soit sûrement, comme je me le persuade ; j’entends celui dans lequel est contenu le Drexelius [76] de M. Huguetan. [62]

Enfin le bonhomme M. Seguin, [77] l’ancien [78] de notre École, est mort le 28e de janvier, âgé de 84 ans, d’une fièvre continue [79] qui a succédé à sa paralysie et qui lui a suffoqué la chaleur naturelle. [63] C’est aujourd’hui M. Nicolas Piètre [80] qui est notre ancien, âgé de 77 ans, qui est bien un autre homme : fin, adroit, plus rusé que Machiavel, [81] grand médecin à peu de drogues, et haï des apothicaires [82] eo nomine[64] et parce qu’il est fort homme de bien, de quo mentiri fama veretur[65][83] Je souhaite que 15 ans durant il soit notre ancien, comme l’a été M. Seguin que nous avons enterré le 30e de janvier avec grande cérémonie dans Saint-Germain-l’Auxerrois [84] où son fils est doyen, [85][86] qui était aussi la paroisse du défunt, et la mienne aussi. [66]

Ce 31e de janvier. Ce même jour, après les funérailles, nous fûmes quatre docteurs dîner ensemble chez un de nos compagnons, nommé Cousin, [67][87] qui nous y avait invités pour y voir et pour y faire compagnie à votre bon ami M. Gras, à la santé duquel nous avons tous bu, et lui et moi à la vôtre. Ce M. Cousin avait passé par Lyon l’automne passé en revenant de Suisse [88] près de notre ambassadeur et y avait reçu quelque grâce de M. Gras, qui est un honnête homme. M. Heinsius [89] est à Padoue où il fait imprimer un nouveau tome de vers qu’il a faits depuis qu’il est parti d’ici. [68] Il mande que quand cette édition sera achevée, il viendra à Milan pour un mois ou environ et qu’après cela il repassera en France. J’apprends que dans cette même lettre il mande la mort de quelques savants hommes d’Italie et entre autres de Janus Nicius Erythræus ; [69][90] qu’il a fréquenté Scioppius [91] qui est à Padoue, et qu’il le reconnaît pour fou en ce qu’il travaille à un ouvrage qu’il dresse contre Luther, [92] Calvin, [93] et le pape, le tout ensemble. On attend ici des balles de livres parties de Venise il y a plus de trois mois pour un de nos libraires nommé M. Soly, [94] dans lequel il y aura Fortuni Liceti de Quæsitis per epistolam tomi 4, in‑4o[95] et un autre opuscule du même auteur, qui regarde notre profession et qui est nouveau. [70] Ce Licetus est un fort habile homme. Il est mort un grand poète latin à Amsterdam nommé Gaspard Barlæus, [96] scriptis multis clarissimus[71] Ce pauvre homme s’est imaginé qu’il était de paille et qu’il ne devait pas s’approcher du feu de peur de brûler. Enfin, son mal augmentant, miserando mortis genere[72][97] il y a trouvé un remède : c’est qu’il s’est jeté dans un puits où il s’est tué. [98] Nous attendons ici de Hollande, au premier bon vent, les livres suivants : Salmasius [99][100] de Annis climactericis, idem de Papissa Romana adversus Blondellum[101] Epistolarum Hug. Grotii centuria prima ad Gallos[73][102] et les œuvres de Mme Anne-Marie de Schurman. [74][103] Le livret in‑12 de M. Riolan intitulé Encheiridium anatomicum et pathologicum s’avance ; [25] il y a encore dix feuilles ou environ, outre les 14 qui sont faites. Ce sera un plaisant et bon livre, et en état de recevoir bien quelque jour une bonne et riche augmentation de son auteur si vita illa prorogetur in aliquot annos[75] car le bonhomme s’en va bien vieux et rudement cassé. Les deux autres livres vont aussi assez bon train, savoir Anthropographia Riolani et le Duret sur les Coaques[104] in‑fo[12] Un médecin d’Auvergne nommé Marcellin Bompart, [105] demeurant à Clermont, [76][106] a ici envoyé un petit manuscrit intitulé Miser homo, qu’il a fait à l’exemple de ma thèse Estne totus homo a natura morbus ? [107] Il a fait autrefois imprimer ici un livre de la Peste en français et un autre des Conférences d’Hippocrate avec Démocrite[108] qui sont des traductions des épîtres d’Hippocrate. Il était ici l’an 1631 et 1632, et le voyais souvent plus malade que sain, [109] erat enim obnoxius doloribus nephriticis, a calculis qui unoquoque mense minuti, et vix hordei granum adæquantes, cum multo dolore acerrimisque tortionibus, eiiciebantur[77] Je lui disais quelquefois qu’il était plus malheureux qu’une femme, laquelle n’accouche guère que tous les ans, et lui faisait plusieurs pierres chaque mois. Outre mes visites, il avait aussi quelquefois celles de M. Nicolas Piètre, de M. Merlet [110] et de notre M. Riolan. Il a dressé une épître pour nous quatre à cet opuscule qu’il nous a dédié ; mais de malheur, je ne trouve personne qui le veuille imprimer à ses dépens, adeo frigent operæ nostræ typographicæ ; [78] toutefois, j’en trouve un qui s’offre de l’imprimer moyennant 2 pistoles, et d’en donner un cent d’exemplaires à l’auteur pour faire distribuer ici et en sa province à ses amis. Voilà ce que j’ai à lui mander. Son discours n’est pas trop bien fait et < je > ne pense pas que l’imprimeur [111] y gagne beaucoup. L’auteur a grande réputation en son pays, j’en rabats néanmoins quelque chose, par son livre de la peste. [79] Le bon seigneur est glorieux et dédaigneux, et fait le prince. Il s’en retourna d’ici après la mort de M. le maréchal d’Effiat [112] qui l’avait connu en Auvergne, et ne m’a depuis ce temps-là écrit que deux fois, savoir l’an 1639 et l’an présent, depuis qu’il eut perdu son Mécène, l’an 1632. [80] Voilà le personnage, si son livre s’imprime vous en aurez quelque chose. Austrina constitutio præsens et vigens, tam multos morbos hic invehit, ut vix mihi supersit otium ad te scribendi[81] M. Guide, [113] médecin de Chalon-sur-Saône, quem nesciebam natum[82] m’a fait une grande lettre de compliment sur mes deux thèses, outre quatre grandes pages de questions qu’il m’a proposées ; à quoi je lui ai fait réponse avec beaucoup de difficulté et non sans m’engager bien avant dans la nuit. J’espère néanmoins qu’il ne sera pas mécontent de ce que je lui ai écrit, j’y ai mis du meilleur de ma pensée et rien ne m’y a manqué que le loisir. Il est studieux et curieux, je ne sais s’il a le bonheur de votre connaissance, mais au moins j’apprends qu’il fait profession de la Réformée. Petrus Lotichius, [114] qui a par ci-devant travaillé sur le Pétrone[115] qui est un gros in‑4o, m’a fait prier par un médecin de Metz qui est fort mon ami, nommé M. Du Clos, [116] de tâcher de trouver ici un libraire qui voulût entreprendre une seconde édition de ce Pétrone, vu que toute l’Allemagne est tellement désolée que rien de pareil ne se peut espérer. [83] Je lui ai fait réponse que la guerre empêche de telles entreprises ici, aussi bien qu’à Francfort [117] où il demeure à présent ; et de plus, que la cagoterie du siècle présent empêcherait d’imprimer ici Pétrone ; que cela ne se pouvait guère bien imprimer qu’à Genève ou en Hollande, vu qu’ailleurs les moines [118] y avaient aujourd’hui trop de crédit. Mais c’est assez, il faut que je finisse, avec protestation que je serai toute ma vie, de cœur et d’affection, Monsieur, votre très humble et obéissant s[erviteur],

Patin.

De Paris, ce 7e de février 1648.

Je vous demande une faveur, ayant donné l’alarme au bonhomme Meturas que le Duret sur les Coaques s’imprime à Lyon : si vous en savez quelque chose, je vous prie de leur faire dire qu’on l’imprime aussi à Paris et que dans deux mois il peut être achevé, et que M. Meturas en a pris un privilège. [J’attends le jour] que votre Drexelius de M. Huguetan vienne. Je n’entends rien dire de votre M. Estran. Je vous envoie un paquet qui vous sera rendu franc de port, dans lequel vous trouverez : les trois livres dans un paquet pour M. Huguetan, dont je lui fais présent ; douze exemplaires de l’Épitomé pour M. […] pour Messieurs vos collègues, Garnier et Falconet, un autre pour M. Volckamer […], la Bible [119] de M. Le Jay, [120] et […] Conciles du Louvre pour un docteur en théologie de son pays ; le reste, qui est fort peu de chose […] pour vous, s’il vous plaît. Nous […] meilleur après Pâques, ou environ […]. [84]


a.

Ms BnF no 9357, fos 28‑29, très dégradés ; Reveillé-Parise, no cxci (tome i, pages 371‑374) ; Triaire no cliii (pages 549‑562). C’est la première d’une série de fort longues lettres à Charles Spon : écrites sur plusieurs jours, à la manière d’un mémoire, elles narrent les grands événements qui ont annoncé, puis marqué la Fronde.

1.

La précédente lettre est loin de couvrir « quatre grandes pages » ; les éditeurs l’ont donc certainement fort mutilée, mais nous n’en possédons plus l’original.

2.

L’Oracle désigne Mazarin, surnom qui se retrouve sous la plume de Retz. Étant lui-même maître des requêtes, Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 404) s’est ému de ces nouvelles créations d’offices vénaux :

« Le mardi 7 janvier, allant au Conseil avec M. de La Ferté, il m’apprit que l’on créait un quartier {a} entier de maîtres des requêtes pour servir en juillet, dont l’on rejetait les officiers dans les trois autres quartiers. Cette nouvelle fut publique dans le Conseil, après lequel nous allâmes au Palais où nous résolûmes de nous assembler demain à huit heures ; que tous Messieurs seraient mandés et que cependant, pour être plus assurés, les députés du quartier de janvier, allant saluer M. le Chancelier, lui en demanderaient la vérité.

Nous y fûmes huit à l’heure même. M. de La Ferté porta la parole et fit bien. M. le Chancelier nous dit qu’il n’avait point ouï parler de cette création, la reine ne lui ayant point commandé, comme c’était l’ordre ; qu’il est vrai que l’on en avait fait quelques propositions, mais qu’il n’y avait rien de résolu ; qu’il nous y servirait et s’il se faisait quelque chose contre nous, qu’il nous avertirait. Lui ayant répliqué qu’avec sa protection nous étions trop forts, il nous dit que, si la reine lui commandait, il ne pourrait pas désobéir, et que nous savions bien ce qu’il pouvait et ce qu’il devait. »


  1. Trimestre.

La liste complète des maîtres des requêtes en exercice le 20 janvier 1644, dressée par André Le Fèvre d’Ormesson, en compte 72 (ibid. note 3, pages 140‑141). Ils étaient également répartis en quatre trimestres (ou quartiers de 18 maîtres chacun), désignés par le nom de leur premier mois : janvier, avril, juillet et octobre. Il était question de les regrouper en trois quartiers de 24 chacun pour libérer un nouveau quartier de juillet avec 24 nouvelles charges (et non 26 comme disait ici Guy Patin) pour aboutir à un corps total de 96 officiers (soit une augmentation nette d’un tiers). Toutefois, les véhémentes protestations que cette mesure souleva menèrent Mazarin et la régente à transiger en ne créant que 12 nouvelles charges (v. infra note [47]), pour un total de 21 maîtres par quartier.

Cela représentait tout de même une belle somme (plus de deux millions et demi de livres) pour renflouer le Trésor royal asséché par l’effort de guerre ; le 8 janvier 1649, les maîtres des requêtes réunis au Palais proposèrent (ibid. pages 405) :

« d’assurer < leurs > charges jusqu’à l’établissement du droit annuel {a} sur le pied de soixante-douze mille écus. » {b}


  1. Paulette.

  2. 216 000 livres.

3.

Domaine du roi : « c’est le patrimoine royal. Il y a deux sortes de domaine, le premier consiste aux terres et aux seigneuries que le roi s’est particulièrement réservées, et qui sont de telle façon unies à la Couronne qu’elles ne font qu’une même chose avec elle. L’autre sorte de domaine consiste dans les droits que doivent les marchandises lorsqu’elles entrent ou qu’elles sortent par les bureaux du royaume. En un mot, cette dernière espèce de domaine est composée de tous les autres droits qu’on appelle royaux et féodaux, tels que sont les amortissements, les anoblissements, les droits d’aubaine, de bâtardise, les droits de francs fiefs, etc. Le domaine aliéné est rachetable. Le domaine se peut aliéner pour cause de guerre, ou d’apanage ; et quand le roi l’aliène il y peut rentrer quand il lui plaît » (Richelet).

L’édit des maisons, vérifié par le Parlement le 7 septembre 1645, ordonnait qu’« il devait être levé sur les propriétaires d’immeubles situés dans la censive du domaine royal, une taxe fixée à la valeur d’une année de loyer ou revenu, moyennant laquelle ces biens demeuraient quittes pour l’avenir de tous droits seigneuriaux appartenant au roi. Ce fut l’exécution de cet édit qui occasionna le tumulte » (Chéruel in Olivier Le Fèvre d’Ormesson, Journal, tome i, page 410, note 2). Les propriétaires taxés refusaient de payer ce nouvel impôt et la Grand’Chambre du Parlement défendit de passer outre. Cette affaire et celle des maîtres des requêtes préludaient à la Fronde.

4.

Michel ii Particelli, seigneur d’Émery et de Thoré, était le fils d’Anne-Marie Le Camus et de Michel i Particelli, seigneur d’Émery, le surintendant des finances (v. note [6], lettre 46). Reçu conseiller au Parlement en la quatrième des Enquêtes en 1637, Michel ii était devenu président de la troisième des Enquêtes en 1645. Il avait épousé en décembre 1646 Geneviève Le Coigneux, fille du président Le Coigneux et veuve de Louis-Philippe Le Cinier, baron de Semur au Maine (Popoff, no 1922). Elle lui avait apporté 300 000 livres, mais le délaissa dès le lendemain de ses noces. Tallemant des Réaux a consacré une historiette au président de Thoré, où il se complaît à donner des preuves de son esprit dérangé (tome ii, pages 19‑29).

5.

Gourmer : rouer de coups de poing.

Mme de Motteville (Mémoires, page 143) :

« Le 7 de janvier, huit cents marchands de Paris s’assemblèrent et se mutinèrent à cause d’une taxe qu’on voulait imposer aux propriétaires des maisons, ou pour d’autres causes dont je n’ai pas bien remarqué les particularités. Ils députèrent dix d’entre eux pour parler de leur part au duc d’Orléans. Ils allèrent au Luxembourg ; {a} ils entrèrent dans sa chambre, lui demandèrent justice et firent entendre qu’ils n’étaient pas résolus de souffrir ces impôts ; car malgré la nécessité universelle du royaume, Paris seul voulait être riche et ne voulait point entendre parler de donner de l’argent au roi. Le duc d’Orléans leur fit espérer quelque modération, leur promit d’en parler à la reine, leur remontra leur devoir et l’obéissance qu’ils devaient avoir à ses volontés, et les congédia avec le mot ordinaire des princes : On verra.

Le lendemain cette troupe s’assembla tout de nouveau. Elle alla au Palais et ayant trouvé dans la place le président Thoré, fils d’Émery, surintendant des finances, ils crièrent contre lui, l’appelèrent le fils du tyran, et des menaces il s’en fallut peu qu’ils ne l’outrageassent effectivement ; mais à la faveur de quelques-uns de ses amis, il échappa de leurs mains.
Le jour d’après ils attaquèrent le premier président, {b} ils murmurèrent tout haut contre lui et même le menacèrent de lui faire payer en sa propre personne les maux qu’on leur voulait faire. Cet homme, dont la fermeté va se faire voir en plusieurs occasions égale à celle des plus illustres Romains, leur dit sans s’étonner que, s’ils ne se taisaient et n’obéissaient aux volontés du roi, il allait faire dresser des potences dans la place pour faire pendre sur l’heure les plus mutins d’entre eux. À quoi ce peuple insolent répondit aussitôt qu’elles serviraient plutôt pour les mauvais juges dont ils ne recevraient point la justice et qui étaient esclaves de la faveur. »


  1. Son palais parisien.

  2. Mathieu i Molé.

Ms BnF 1238 :

« Personne ne voulant payer de crainte de la conséquence, toujours dangereuse en matière de taxes, quantité de femmes et d’enfants, et particulièrement de la rue Saint-Denis, se rendirent au Palais et demandèrent avec assez peu de respect la main-levée des saisies que l’on avait faites des loyers de leurs maisons. Ils étaient bien deux ou trois cents qui continuèrent quatre ou cinq jours de se rendre précisément à l’entrée et à la levée de la Cour, criant insolemment et tumultuairement, Main levée ! Main levée ! à quoi ils ajoutaient beaucoup d’autres paroles séditieuses et punissables en tout autre temps. Leur audace passa jusqu’à ce point qu’arrêtant tout court M. d’Émery, président en la troisième des Enquêtes, fils du surintendant des finances, ils lui dirent mille injures et lui poussèrent même quelques coups de poing dans l’estomac, ce qui donna sujet à l’un de ses domestiques de mettre l’épée à la main pour le défendre et repousser cette violence par une autre ; mais il fut aussitôt saisi au collet, son épée rompue, battu et chassé par cette populace ; et parce que le nommé Cadeau, marchand de draps de la rue Saint-Denis, avait été remarqué pour le plus échauffé de toute la troupe, le Parlement ordonna prise de corps contre lui. »

6.

« mais ils n’y étaient pas ».

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 414, samedi 11 janvier) :

« Le premier président fut mandé au Palais-Royal pour aviser à cette insolence faite à M. de Thoré, et qu’il fût résolu de faire le procès à ceux qui s’étaient signalés ; et M. le cardinal dit à M. le premier président, Faites votre métier, nous ferons le nôtre. Et de fait, le Parlement a ce jourd’hui décrété prise de corps contre un nommé Cadeau, marchand de la rue Saint-Denis, au Marteau-d’or. »

7.

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 414‑415) :

« Le dimanche 12 janvier […] M. de Novion {a} […] me dit que la reine, à Notre-Dame, avait été abordée de quantité de femmes qui avaient fait grand bruit ; que le régiment des gardes avait été toute la nuit sous les armes autour du Palais-Royal, de la maison de M. le surintendant, et dans la rue Saint-Denis où il semblait que tout allât à sédition, les marchands s’étant armés ; et de fait, toute la nuit l’on avait tiré des mousquets par toute la ville, chacun était en trouble.
L’après-dînée, j’appris que les gardes avaient été levés à onze heures pour éviter la sédition, tous les soldats voulant se joindre avec les marchands ; qu’il y avait eu Conseil dès le matin au Palais-Royal pour cela ; enfin, que tout cela n’était que pour venger l’injure faite à M. de Thoré. La nuit suivante, j’ouïs tirer plus de quatre mille coups de mousquet. » {b}


  1. Nicolas iii Potier (v. note [25], lettre 183).

  2. Histoire du temps (page 20), citée par Chéruel en note (ibid. page 415‑416) : « Le lundi et mardi cette émotion continua encore, chacun voulant témoigner par là la résolution qu’il avait prise de se défendre contre l’oppression du ministère qui avait dessein de faire porter à l’avenir toute la dépense de la guerre sur la ville de Paris, après avoir épuisé tout le sang et toutes les forces des provinces. »

8.

Après la mort de son père, Henri ii de Bourbon troisième prince de Condé, le 26 décembre 1646, Louis ii, duc d’Enghien, avait pris le titre de quatrième prince, et l’Histoire s’est souvenue de ce nouveau « M. le Prince » sous celui de Grand Condé.

9.

Conserver : « avoir soin d’une chose pour empêcher qu’elle ne se perde ou ne se gâte » (Furetière).

10.

Le marquis de Brandebourg était Frédéric Guillaume de Hohenzollern (Friedrich Wilhelm von Brandenburg, Cologne 1620-Postdam 1688), dit le grand électeur de Brandebourg. Prince protestant, il régnait sur la Prusse, la plus vaste souveraineté du Saint-Empire, après celle des Habsbourg d’Autriche, catholiques, titulaires de l’élection impériale. À la mort de son père, Georges-Guillaume (1595-1640), dans la tourmente de la guerre de Trente Ans, Frédéric Guillaume s’était appliqué à réparer les malheurs causés par la faiblesse de son père. Il avait repris plusieurs forteresses qui étaient encore entre les mains des Suédois, s’était fait donner la Poméranie inférieure en échange des territoires qu’il fut obligé de laisser à la Suède par la paix de Westphalie (1648) ; la Pologne lui céda ensuite la souveraineté pleine et entière de la Prusse. Il chercha pendant quelque temps à se ménager l’alliance de Louis xiv, se rapprocha de la Hollande et perdit ce qu’il possédait en Westphalie ; mais il répara bientôt cette perte par les succès qu’il obtint contre les Suédois. L’honneur d’être couronné roi de Prusse revint à son fils, Frédéric ier (1657-1713) (G.D.U. xixe s.).

V. note [5], lettre latine 29, pour les annotations manuscrites de Caspar Hofmann sur le livre du botaniste grec Théophraste d’Érèse (v. note [7], lettre 115) ; elles sont demeurées inédites, tout comme leur dédicace au marquis de Brandebourg.

11.

« tout me semble ardu par ces temps très rudes, notamment pour les marchands et les libraires de chez nous. »

12.

« Je pourrai difficilement tirer quelque chose de ce genre d’hommes, à cause de leur dessèchement naturel et de la difficulté des temps. »

Gaspard i Meturas, libraire-imprimeur de Paris, avait exercé à partir de 1610, mais n’avait été reçu qu’en 1619, après de nombreux démêlés avec la Communauté. Il a imprimé au moins jusqu’en 1662. Son officine se trouvait rue Saint-Jacques, « à la Trinité près les Mathurins » (v. note [2], lettre 55). Son fils, Gaspard ii, fut reçu libraire le 26 janvier 1662 et mourut en 1688 (Renouard).

Gaspard i était en train de travailler à la publication des Opera anatomica vetera… de Jean ii Riolan, à paraître en 1649 (v. note [25], lettre 146), et des Prénotions coaques d’Hippocrate traduites et commentées par Louis Duret (v. note [10], lettre 33).

13.

Après la mort de Caspar Hofmann (3 novembre 1648), Guy Patin allait acquérir les manuscrits de ses Chrestomathies (morceaux choisis) physiologiques et pathologiques, et les faire enfin imprimer à Lyon en 1668, après quantité de péripéties, sous le titre d’Apologiæ pro Galeno libri tres… [Trois livres d’Apologie pour Galien…] (v. note [1], lettre 929).

Parmi les manuscrits d’Hofmann que Guy Patin possédait déjà, v. notes :

14.

De ces trois traités manuscrits « des Humeurs, de la Chaleur innée {a} et des esprits, et des Parties solides [solidis, sic pour similaribus, semblables] », {b} deux ont paru sous le titre général de :

Caspari Hofmanni, Doctoris Medici, et in Academia Altorfina publici Professoris primarii, Opuscula Medica.

[Opuscules médicaux de Caspar Hofmann, docteur en médecine et premier professeur public en l’Université d’Altdorf]. {c}


  1. La médecine distinguait deux sortes de chaleurs corporelles :

    • la chaleur innée (calor innatus ou nativus, calidum innatum ou nativum), autrement dite naturelle, bienfaisante et indispensable, était le principe même de la vie, qui animait l’être, dont elle engendrait les esprits (énergie, mouvements, respiration, battements cardiaques, influx nerveux) ; la mort était caractérisée par l’extinction de la chaleur innée ;

    • la chaleur étrangère ou externe arrivait par accident ou du dehors, provoquée notamment par le « mauvais air », les remèdes ou les aliments ; elle était cause de maladies, et surtout des fièvres.

  2. Francfort, Thomas Matthias Götze, 1667, in‑4o.

Malgré son titre identique, cet ouvrage est entièrement distinct des Opuscula medica d’Hofmann édités par Guy Patin à Paris en 1647 (v. note [10], lettre 140). Il est composé de trois parties dont aucune n’y figurait, et dont chacune possède son frontispice et sa pagination propres.

  1. De Medicamentis officinalibus, tam simplicibus quam compositis, libri duo. Accesserunt quasi Paralipomena, quæ vel ex Animalibus, vel ex Mineralibus petuntur. Opus triginta annorum : Editione Parisina castigatius ac emendatius [Deux livres de Caspar Hofmann, docteur en médecine et premier professeur public à l’Université d’Altdorf, sur les Médicaments officinaux, tant simples que composés. Avec, en supplément, ceux qui sont tirés soit des animaux, soit des minéraux ; somme de trente années de travail, mieux revue et corrigée que celle de Paris] {a} (563 pages)  l’épître originelle d’Hofmann à Guy Patin (datée d’Altdorf en mars 1646) est précédée par cette dédicace de l’imprimeur :

    Viro perillustri et excellentissimo, Domino Guidoni Patino, Bellovaco Doctori Medico Parisiensi et Professori Regio Philologo et Polyhistori celeberrimo hoc opus ab auctore antehac consecratum nunc denuo editum Debitæ observantiæ causæ D.D.D. Thomas Matthias Götze.

    [Thomas Matthias Götze {b} offre par due déférence au très illustre et très excellent Maître Guy Patin, natif du Beauvaisis, docteur en médecine de Paris et professeur royal, très célèbre philologue et grand érudit, cet ouvrage que l’auteur lui a déjà dédié et qui est maintenant réédité].


    1. 1646, v. note [7], lettre 134.

    2. V. note [5], lettre latine 139.

  2. De Calido innato et Spiritibus, Syntagma in duos libros tributum, cum præfatione de Sectis philosophorum [Recueil en deux parties, de la Chaleur innée {a} et des Esprits, avec une préface sur les Sectes des philosophes] (116 pages), avec cette dédicace :

    Viro nobilissimo atque excellentissimo Domino Carolo Patino, Doctori Medico Parisiensi et Professori Regio Guidonis Patris candorem ac integritatem imitanti adæquantique Sebastianus Schefferus D. in Sui Memoriam.

    [Au très noble et très excellent Maître Charles Patin, docteur en médecine de Paris et professeur royal, qui reproduit et égale la franchise et la solidité de son père, Guy, Sebastian Scheffer le dédie en souvenir de lui]. {b}


    1. Ma traduction respecte strictement les datifs et les génitifs, ce qui fait abusivement attribuer à Charles Patin le titre de professeur royal, et peut laisser penser que Guy est mort.

  3. De Partibus similaribus liber singularis, Defectum quoquo modo suppleturus ejusdem prorsus argumenti libri, quem Galenus scripsisse se ait 8. Sent. Hipp. et Plat. 5. i. Nat. hum. præf. [Livre unique sur les parties similaires (v. note [7], lettre 270). Pour suppléer tout à fait en quelque sorte à l’absence du livre de même sujet que Galien dit avoir écrit, dans la préface de la Nature humaine, à propos de la 8e sentence d’Hippocrate et de Platon] (136 pages), épître datée du 31 janvier 1635.

V. note [2], lettre latine 344, pour les frontispices et les épîtres dédicatoires de ces trois parties.

Le troisième traité, de Humoribus [des Humeurs] ne se trouve dans aucun ouvrage d’Hofmann. Ses Chrestomathies, parues sous le titre d’Apologiæ pro Galeno libri tres… [Trois livres d’Apologie pour Galien…] (Lyon, 1668, v. note [1], lettre 929), contiennent des sections de Spiritibus et de Calido nativo (sections v et vi du livre ii), mais elles sont distinctes des traités dont il est ici question.

Jusqu’à leur laborieuse obtention, ces publications posthumes ont obsédé l’esprit de Guy Patin et hanté sa correspondance. V. note [2], lettre latine 443, pour la liste des manuscrits hofmanniens que Patin n’est jamais parvenu à faire imprimer.

15.

« et je me souviens d’avoir écrit cela auparavant à l’auteur lui-même. »

Jan Jansson (Janszoon, Iohannes Janssonius, Arnheim 1588-Amsterdam 11 juillet 1664) avait pris la succession de son père (même prénom) dans la librairie-imprimerie familiale. Sa prospérité fut grande et, outre Amsterdam, il ouvrit des librairies à Francfort, Dantzig, Stockholm, Copenhague, Berlin, Königsberg, Genève et Lyon ; cette activité internationale prédisposa Jansson à se spécialiser aussi dans la contrefaçon de livres. Après la mort de Jansson, son gendre lui succéda, imprimant ses livres sous le nom de Jan Jansson van Waesberge (v. note [8], lettre latine 72). Jan Jansson est surtout connu comme imprimeur de cartes géographiques, et parfois même confondu avec son homonyme partiel Jan Jansson Blaeu, éditeur du célèbre Atlas Maior (v. note [13], lettre 428).

16.

« c’est que, par la longue durée de la guerre dont le désastre universel coûtera très cher, nous voyons toutes choses péricliter et aller à rebours » (la fin est inspirée de L’Énéide de Virgile, v. note [34], lettre 203).

17.

Le libraire lyonnais Jean-Antoine i Huguetan s’était lancé, avec son associé Pierre Ravaud et l’aide scientifique de Charles Spon, dans la réédition des Opera de Daniel Sennert que Guy Patin avait fait publier en 1641 à Paris (v. note [12], lettre 44).

C’était le début d’une longue dispute sur le droit des Lyonnais à réimprimer un ouvrage dont les cinq libraires parisiens associés, qui avaient assuré à grands frais la première parution, prétendaient détenir le privilège. S’estimant en être le véritable titulaire, Patin leur contestait ce droit, et encourageait les Lyonnais à ne pas se soucier de leurs protestations et de leurs menaces. Patin donnait ici à Spon des conseils sur la manière d’en ordonner le contenu. Le projet aboutit néanmoins (v. infra note [20]).

18.

« si on ne peut le faire convenablement » ; il était ici question soit de placer les Paralipomènes (v. note [10], lettre 78) à leur place chronologique, mais en les abrégeant, soit de les mettre entiers à la fin de l’ouvrage.

19.

« J’approuve tout le reste ».

V. notes [23], lettre 104, pour l’« Épitomé des Institutions », et [8], lettre 13, pour les « [Quatre livres] sur les fièvres » et l’« Accord et désaccord des chimistes [avec les galénistes et les péripatéticiens] ».

20.

« selon la volonté de l’auteur. »

Deuxième édition du Sennertus :

Danielis Sennerti Vratislaviensis, Doctoris et Professoris Medicinæ in Academia Wittebergensi, Operum tomus primus [secundus, tertius]… Editio novissima ceteris omnibus auctior et correctior. Quantum vero reliquis locupletior sit, patet ex Monito Bibliopolarum post dedicatoriam Epistolam.

[Tome premier (second et troisième) des œuvres de Daniel Sennert de Breslau, {a} docteur et professeur de médecine en l’Université de Wittemberg… Nouvelle édition plus complète et plus exacte que toutes les autres. L’avertissement des libraires qui se trouve après l’épître dédicatoire montre combien elle est plus riche que les précédentes]. {b}


  1. V. note [6], lettre de Charles Spon, datée du 24 avril 1657.

  2. Lyon, Jean-Antoine ii Huguetan et Marc-Antoine Ravaud, 1650, 3 volumes in‑fo.

    V. note [38], lettre 224, pour l’épître dédicatoire des libraires (et de Charles Spon) à Guy Patin.


Le privilège du roi (« Louis par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre »), daté du 21 novembre 1647, signé Le Menu, évoque les vicissitudes que connurent les éditeurs :

« Notre cher et bien-aimé Pierre Ravaud, marchand libraire de notre ville de Lyon, nous a très humblement fait remontrer qu’ayant ci-devant fait recueil en divers temps de toutes les œuvres de Daniel Sennertus, très fameux et renommé médecin, dont il recouvrait les copies avec des grands soins et frais pour en faire un corps et ouvrage complet, il aurait été frustré des fruits de son labeur par l’adresse de quelques libraires de notre ville de Paris qui auraient obtenu de nous, le 17e jour de mai de l’année 1641, sous le nom de Michel Soly, privilège de l’impression desdites œuvres pour le temps et espace de dix années, sur le point que l’exposant était prêt de le demander. Mais comme lesdits libraires ont ramassé confusément et sans ordre les pièces et traités dudit Sennertus, mis en lumière avec beaucoup de fautes, et la plupart mutilés < et > imparfaits, ils les auraient imprimés de même, et n’y ayant pas mis plusieurs autres traités < et > pièces que ledit exposant a recouvertes < sic pour recouvrées > avec de grands frais et dépens, et avec l’aide de plusieurs doctes personnages ; ce qui a mû ledit exposant de recourir à nous pour nous supplier très humblement lui vouloir accorder de nos lettres la permission d’imprimer lesdites œuvres augmentées et corrigées pour les débiter seulement après que le temps porté par lesdites lettres du privilège accordé auxdits libraires de Paris sera expiré ».

Le privilège était finalement accordé à Ravaud pour dix ans ; « Et ledit Pierre Ravaud a donné le susdit privilège à son fils, Marc-Antoine, qui est en compagnie avec Jean-Antoine Huguetan ». L’achevé d’imprimer est daté du 7 février 1650. Charles Spon a orné de deux vers le portrait de Daniel Sennert qui se trouve en première page :

Vin Meditrinæ medullam nosse ? Sennertum vide
Ora sic tulit, parem qui vix habet laude ingenii
.

[Veux-tu connaître le cœur de Meditrina (déesse qui résidait aux guérisons) ? Alors regarde Sennert, tel fut le visage de celui que peu ont égalé par la gloire du génie].

Seuls quelques rares traités de l’ouvrage sont munis de leur propre épître dédicatoire. Leur répartition est la suivante :

21.

Le contrordre (v. note [10], lettre 149) ne subsista pas et le duc de Longueville, représentant de la France à Münster, rentra à Paris au commencement de l’année 1648 (Triaire).

22.

Les sept provinces de la « confédération belge » étaient : la Zélande, la Hollande, l’Utrecht, la Gueldre (avec le petit comté de Zutphen, v. note [50] du Borboniana 1 manuscrit), la Groningue, l’Overijssel et la Frise, qui avaient été déclarées indépendantes par l’Union d’Utrecht (1579) sous le nom de République des sept Provinces-Unies.

Les Pays-Bas étaient devenus possession espagnole lorsque Charles Quint avait recueilli l’héritage bourguignon de son arrière-grand-père, Charles le Téméraire (v. note [5], lettre 869). Les sept provinces du nord, converties au protestantisme, s’étaient révoltées l’une après l’autre à partir de 1566. La lutte menée sous la conduite de Guillaume de Nassau, prince d’Orange, surnommé le Taciturne (v. notule {d}, note [2], lettre latine 452), aboutit à la formation de la République des Provinces-Unies, dont l’indépendance, acquise dès 1579 mais sans cesse contestée par l’Espagne, ne fut reconnue qu’aux traités de Westphalie en 1648. Le nom de Pays-Bas ou Flandres (v. note [29], lettre 7) fut réservé aux provinces du sud, catholiques, qui, après quelques hésitations, avaient choisi de rester espagnoles ; leur capitale était Bruxelles.

Ces Pays-Bas dits espagnols comprenaient le Hainaut, le comté de Flandre, l’Artois, le Limbourg, le Luxembourg, le Brabant méridional, Namur, Anvers et Malines (G.D.U. xixe s. et Bertière a). Avant la scission de 1579, l’ensemble des Pays-Bas étaient dénommés les 17 Provinces.

23.

Après avoir capturé Charles ier et l’avoir livré aux parlementaires (v. note [10], lettre 132), les Écossais avaient renoué des liens secrets avec le roi. Le 1er février, le Parlement avait voté le Vote of no addresses interdisant toute communication avec le souverain. Les Écossais en prirent ombrage et brisèrent leur alliance avec le Parlement, menaçant d’entrer en guerre contre lui. Les espoirs du camp royalistes renaissaient.

24.

« Peu de choses circulent sur la santé du 666 et sur l’émeute napolitaine ; en outre, les nouvelles les plus certaines vous arrivent de ces lieux plus tôt qu’à nous, c’est pourquoi je me tais. »

Dans le langage chiffré des réformés (clin d’œil de Guy Patin à son ami Charles Spon, qui en était) le nombre 666 désignait malignement le pape : c’est le nombre de la Bête dans l’Apocalypse de saint Jean (13:18, v. infra), qu’on croyait dissimulé dans l’inscription qui figurait sur sa tiare, Vicarivs filii Dei [Le vicaire du fils de Dieu] ; en effet, si l’on fait dans cette locution la somme des lettres qui correspondent à des chiffres romains, on aboutit au total de 666 (5 [v] + 1 [i] + 100 [c] + 1 [i] + 5 [v] + 1 [i] + 50 [l] + 1 [i] + 1 [i] + 500 [d] + 1 [i]).

Plus généralement, la signification de 666 est de souche ésotérique (sans pourtant y voir une adhésion de Patin à l’occultisme, autrement que par ironie). Alexandrian (chapitre iii, page 159) a conclu son étude sur l’arithmosophie (signification cachée des nombres) en disant qu’aucun nombre :

« n’inspira plus d’horreur que 666, auquel on consacra d’énormes livres pour interpréter ce qu’en avait dit saint Jean. L’apôtre, qu’on appelait le “ fils du tonnerre ” à cause de sa violence, raconte, en l’an 69, qu’il a vu surgir de la mer une Bête à sept têtes et dix cornes, qui allait ravager la chrétienté pendant quarante-deux mois avec l’aide d’une autre Bête aux cornes d’agneau. Les peuples seraient marqués de son signe sur la main droite ou au front : “ Que celui qui a de l’intelligence calcule le nombre de la Bête. car c’est le nombre d’un homme et ce nombre est 666. ” On se tortura l’esprit sur ce 666, dont Renan révéla enfin qu’il résultait tout simplement de la gématrie, étant la somme obtenue quand on additionnait les lettres de Néron César transcrit en hébreu. Saint Jean avertissait donc les sept Églises d’Asie qu’on pourrait reconnaître l’Antéchrist à son nom égal en nombre à celui de Néron ; {a} ce que ne comprirent pas tous ceux qui identifièrent 666 à divers papes, à Luther ou à Napoléon. »


  1. « Dans la Cabale [v. note [27] du Borboniana 1 manuscrit], la gématrie consiste à rapprocher deux mots qui ont la même valeur numérale (car les lettres de l’alphabet hébreu correspondaient à des chiffres différents). Ainsi, on décréta qu’Abraham signifiait Miséricorde parce qu’un de ces mots valait 248, et l’autre également. Échelle (soulam) et Sinaï formant chacun 130, l’échelle de Jacob fut identifiée au mont Sinaï » (Alexandrian, page 92).

    Ernest Renan (1823-1892) a proposé d’identifier la Bête de l’Apocalypse (v. notes [61] du Naudæana 2 et [9], lettre 127) à Néron dans le chapitre xvi de son Antéchrist (1876).

La santé d’Innocent x était encore vigoureuse car il ne mourut qu’en 1655. Plus au sud de l’Italie (dont les courriers passaient par Lyon avant de parvenir à Paris), accablé d’impôts, le peuple du royaume de Naples, mené par le pêcheur Masaniello (contraction de Tomaso Aniello, né à Amalfi en 1620), s’était soulevé en 1647 ; ce héros populaire fut assassiné par un séide du vice-roi le 16 juillet 1647, mais Gennaro Annese prit sa succession à la tête de la révolte (v. note [40], lettre 155).

25.

Encheiridium anatomicum et pathologicum, in quo, ex naturali constitutione Partium, recessus a naturali statu demonstratur : Ad usum Theatri Anatomici adornatum, a Ioanne Riolano, Filio, Origine et Ordine Parisiensi, Doctore Medicinæ in Academia Paris. Anatomes et Herbariæ Professore Regio, atque Decano, Reginæ Matris Regis Ludovici xiii, Primario Medico per decennium, et postremo. Figuris Elegantissimis, Indicique accuratissimo exornatum.

[Manuel anatomique et pathologique où, à partir de la constitution naturelle des parties du corps, est montré ce qui s’écarte de l’état normal. Établi pour la pratique de l’amphithéâtre d’anatomie, par Jean Riolan, le Fils, né Paris et appartenant à sa Compagnie, docteur en médecine de l’Université de Paris, doyen et professeur d’anatomie et botanique du Collège royal de France, premier médecin, et le dernier, de la reine mère du roi Louis xiii pendant dix ans. Enrichi de figures très élégantes et d’un très soigneux index]. {a}


  1. Paris, Gaspard Meturas, 1648, in‑12, et Leyde, Adrianus Wyngarden, 1649, in‑8o, dédié Eruditissimo Medico Doctori Parisiensi D.D. Guido Patino, amico et collegæ suo [Au très savant docteur en médecine de Paris, M. Guy Patin, son ami et collègue], qui a aidé et encouragé Riolan à publier son manuel, et dont le portrait figure dans le coin inférieur gauche du frontispice (v. note [30], lettre 206).

    Les planches anatomiques de Johann Vesling (v. note [19], lettre 192), gravées par Reinier van Persyn, ne figurent que dans la réédition de Leyde.

    Le privilège est daté du lundi 24 février 1648. Riolan a envoyé un exemplaire dédicacé de son manuel à William Harvey, qui y a répondu par ses Exercitationes duæ anatomicæ… [Deux Essais anatomiques…] (Rotterdam, 1649, et Paris, 1650, v. note [1], lettre latine 45).

    V. note [37], lettre 514, pour la réédition posthume de Paris, 1658, avec ses suppléments.


L’ouvrage de 471 pages est divisé en six livres : i. os ; ii. abdomen ; iii. thorax ; iv. tête ; v. muscles ; vi. ostéologie nouvelle.

Deux passages du Præmonitio ad lectorem et auditorem [Avertissement au lecteur et auditeur] retiennent l’attention.

  1. La 5e page jette une lumière crue sur le passéisme arrogant de Jean ii Riolan et par reflet, sur celui de Patin, son disciple :

    Si quis in Pathologicis inveniat quædam contra vulgarem doctrinam, isthæc respondebo me scire, ex Patradosi sive traditione secreta seniorum Medicorum scholæ Parisiensis, atque præsertim præceptoris mei præstantissimi, et Incomparabilis Medici, Simonis Pietrei, Professoris Regii, qui in hac arte ediscenda officiose, ac paterno affectu, eam mihi gratiam rependit liberaliter, et cum fœnore, quam a patre meo per biennium suo præceptore acceperat : sequutus exemplum Hippocratis, qui Medicos hortatur, ut filios præceptorum, sine syngraphæa et mercede artem edoceant, habeantque pro fratribus.

    [Si dans cette Pathologie quelqu’un trouve quelque chose qui va contre la doctrine ordinaire, je répondrai que je sais cela de l’opinion des pères ou particulière tradition des anciens médecins de l’École de Paris, et principalement de mon très éminent maître Simon < ii > Piètre, professeur royal et incomparable médecin, qui, en m’apprenant obligeamment ce métier, et par son affection paternelle, m’a généreusement concédé en retour et avec profit cette faveur qu’il avait reçue de mon père, son maître pendant deux ans. Il a suivi l’exemple d’Hippocrate qui a exhorté les médecins à apprendre, sans contrat ni salaire, le métier aux fils des maîtres et à les considérer comme leurs frères]. {a}


    1. Il est surprenant et instructif de lire ce qu’est devenu ce passage dans l’édition française du Manuel anatomique et pathologique (Lyon, 1672) :

      « Et si quelqu’un rencontre quelque chose dans ce Manuel, qui ne soit point son gré, ce ne sera pas chose nouvelle de ne pouvoir plaire à tous, puisque Jupiter n’a su lui-même contenter tous les esprits. {i} Que si quelqu’un y trouve des erreurs contre l’Anatomie et que, comme très excellent en cet Art, il veuille agir modestement avec moi, je lui en rendrai grâces ; et changeant mon opinion, je suivrai la sienne, après que je serai averti et assuré qu’elle est meilleure. Car je n’ai pas si bonne opinion de moi et ne m’estime pas si parfait que je ne puisse faillir et m’abuser. »

      1. Adage grec antique (v. note [15], seconde notule {c‑i}, lettre 87) ajouté par le traducteur.

    On doit comprendre que les recherches de Riolan et de ses disciples n’avaient pas vocation à innover, mais à trouver des preuves supplémentaires que les médecins de l’Antiquité n’avaient pas pu se tromper ; tel était le flambeau du progrès à recueillir des pères et à transmettre aux fils. Il est tentant de voir dans cet avis de Riolan une réponse à ce que sa bête noire, William Harvey, avait écrit dans la dédicace de son Exercitatio de motu cordis… (1628, v. note [12], lettre 177) à D. Argent, président du Collège des médecins de Londres (pages 42‑43) :

    « Il n’y a pas d’esprit assez étroit pour croire que chaque art ou chaque science nous ont été légués par les Anciens dans un état de perfection absolue, telle que rien ne reste plus au génie et aux efforts de leurs successeurs. Au contraire, presque tous les philosophes reconnaissent que ce que nous savons est une petite part de ce que nous ignorons. Ils ne sont pas assez asservis à la tradition et aux vieilles doctrines pour perdre leur liberté et ne pas ajouter foi à leurs propres yeux. […] tous les hommes consciencieux, bons, honnêtes, ne se laissent pas envahir par la passion de la colère ou de l’envie au point de ne pas écouter avec sang-froid ce qu’on dit en faveur de la vérité et de repousser une démonstration exacte. Ils ne trouvent pas honteux de changer d’avis si la vérité appuyée sur une démonstration évidente les y engage. Ils ne se croient pas déshonorés pour abandonner une erreur, quelque ancienne qu’elle soit. »

  2. À la fin (4e page), Riolan en vient à des contingences plus prosaïques :

    Forsan aliquis contra hunc Librum obiicet, quædam secus a me scripta in Anthropographia, quæ plane dissident ab iis, quæ in hoc Encheirido continentur. Hunc monitum velim, secundas cogitationes esse sapientores : Atque meam Anthropographiam , postrema manu fictam, emendatam, ac recentatam, gemere sub incude Typographi, brevi tamen prodituram in lucem ; et iam absoluta fuisset, nisi interpellatione Doctissimi Medici, D. Guidonis Patini, Professoris Regii, et Amici nostri singularis, interrupta fuisset, ut accelaretur Editio hujus Encheridii, quo frui possent studiosi Medicinæ in proxima Anatome, quam meditor publice docere, et demonstrare meo more, ubi tempestas hyemalis accesserit operi Anatomico opportuna, iam dudum expectata, etiam 24. Februarij, quo hæc scribo.

    [Peut-être quelqu’un reprochera-t-il à ce livre certaines choses que j’ai écrites autrement dans l’Anthropographie {a} qui sont en complet désaccord avec celles contenues dans cet Encheiridium. Je voudrais que cela rappelle que les secondes pensées sont les plus sages. J’ajoute que mon Anthropographie, façonnée de la dernière main, corrigée et mise à jour, crisse sous la presse de l’imprimeur, et paraîtra dans peu de temps ; {b} et elle serait déjà achevée, si elle n’avait été interrompue à la prière d’un très docte médecin, Me Guy Patin, professeur royal, pour hâter l’édition de cet Encheiridium, afin que les écoliers de médecine puissent en jouir lors de la prochaine anatomie que je pense enseigner et démontrer publiquement, suivant mon habitude, quand approchera la froidure hivernale propice aux dissections ; mais nous l’attendons depuis longtemps, et même encore en ce 24 février, {c} moment où j’écris ces lignes]. {d}


    1. 1626, v. note [25], lettre 146.

    2. En 1649.

    3. 1648, avec coup de griffe à Gaspard Meturas pour châtier son manque de zèle.

    4. Bien qu’un peu différente de la mienne, la traduction française de 1672 respecte le propos de Riolan.

26.

Caspari Hofmanni Institutionum suarum medicarum Epitome, in sex libros digesta. Ex ipsius auctoris autographo primum edita.

[Abrégé par Caspar Hofmann de ses propres Institutions médicales, {a} distribué en six livres. Édité pour la première fois à partir du manuscrit de l’auteur lui-même].


  1. V. note [12], lettre 92, pour l’édition complète parue en 1645.

  2. Paris, 1648, Gaspard Meturas, in‑12, privilège daté du 4 janvier ; réédition à Heidelberg, Johannes Petrus Zubrodt, 1672, in‑12.

L’épître dédicatoire est adressée au fils aîné de Guy, Robert Patin (alors âgé de 18 ans) :

Optimæ indolis et magnæ spei adolescenti Roberto Patino, melioris et sanctioris Medicinæ studioso, Guidonis Patini, Doctoris Medici Parisiensis, et Chirurgiæ professoris, filio S.P.D. {a}

Si verum est, mi Roberte, quod C. Memmius apud Salustium dicit, Nihil æque concordiam humani generis dissociare et distrahere ac vitium ingratitudinis, jam ego causam dixero, apud bonos, cur Tibi hanc Medicinæ Epitomem dedicandam statuerim. Postquam enim illustri Dom. Parenti tuo, amico meo magno, visum fuit, in hac viridi ætate mancipandum Te esse Medicinæ Hippocratis et Aristotelis, hoc ipso tempore quo vir egregius D. Caspar Meturas publicare vult tale quid, viderer negligere bonum omen, si, Te præterito, alium deligere vellem ex ephæbeo Parisino, cui illa primum se sisteret. Quia enim discendum Tibi est, et quidem ab initio cum difficultate aliqua, ne cogaris dediscere iterum necessitate urgente aliqua, hac de re cogitare me vel imprimis jubent insignita in me beneficia, dicti Dom. Parentis tui ; quæ hoc quidem tempore non oratoriè celebranda mihi sint, sed serio cogitandum est de αντιδωρω æquali, quale mihi præter hoc, jam aliud in manu non est. Accipe igitur, mi suavissime, Medicinam, Sponsam tuam, ea veste indutam, qua maxime obviam. Tibi ire fas est, ut primus amoris gradus sit bene solidus. Bene vale, mi Roberte, et rem fortiter age, ut spem paternam, imo et meam omniumque honorum, etiam vincas. Altorfii in Norico, anno Christi Redemptoris, millesimo sexcentesimo, quadragesimo septimo, decima septima Septembris.
Tuus ex animo
Casp. Hofman.
Med. Doctor
.

[J’adresse mon profond salut à Robert Patin, jeune homme d’un excellent naturel et de grandes espérances, appliqué à l’étude de la meilleure et plus sacrée médecine, fils de Guy Patin, docteur en médecine de Paris et professeur de chirurgie.

Nihil æque concordiam humani generis dissociare et distrahere ac vitium ingratitudinis, dit Memmius dans Salluste ; {b} si cela est vrai, mon cher Robert, j’aurai déjà énoncé pourquoi, parmi d’autres bonnes raisons, j’ai décidé de vous dédier cet Abrégé de médecine. Monsieur votre père, mon grand ami, ayant découvert qu’en la verdeur de votre âge, vous décidiez de vous vouer à la Médecine d’Hippocrate et d’Aristote, et à la même époque, le distingué M. Gaspard Meturas {c} voulant publier quelque chose de tel, j’aurais paru négliger un bon présage si j’avais choisi un autre que vous parmi les jeunes hommes de Paris, à qui cet Abrégé se destine principalement. Il vous faut en effet étudier, et au début, vous y rencontrerez certainement de la difficulté à éviter que quelque autre nécessité pressante ne vous pousse à renoncer. Ce qui m’incite à vous y faire bien penser est avant tout l’insigne bienveillance de Monsieur votre père à mon égard. Je n’ai certes plus aujourd’hui les talents oratoires requis pour la célébrer, mais je dois sérieusement songer à le gratifier d’un présent de même prix, sans en avoir d’autre sous la main que ma dédicace. Recevez donc, mon très doux ami, votre fiancée, la Médecine, revêtue de cet habit, qui la présente fort aimablement. Votre devoir est d’agir pour rendre inébranlables les prémices de votre amour pour elle. Vale, mon cher Robert, et efforcez-vous de couronner de tous les honneurs les espérances de votre père, ainsi que les miens. À Altdorf en Bavière, le dix-septième de septembre de la mil six cent quarante-septième année du Christ Rédempteur.
Vôtre de tout cœur,
Caspar Hofmann,
docteur en médecine]. {d}


  1. Salutem Plurimam Dico.

  2. « Nul défaut n’est plus propre à dissoudre et détruire la bonne entente que l’ingratitude ». Sans oser croire qu’Hofmann ait pu se fourvoyer, je n’ai trouvé cette citation que dans Sénèque le Jeune (Des Bienfaits, livre iv, chapitre xviii) :

    Per se fugienda res est ingratum esse, quoniam nihil æque concordiam humani generis dissociat et distrahit, quam hoc vitium.

    [Par essence, être ingrat est un défaut à fuir, parce que nul autre ne dissout et détruit autant la bonne entente].

    Dans sa Guerre de Jugurtha, Salluste (v. note [136], lettre 166) a parlé de Caius Memmius, tribun de la plèbe au ier s. av. J.‑C., mais sans lui attribuer ce propos.

  3. V. supra note [12].

  4. Hofmann mourut le 3 novembre 1648, âgé de 76 ans.

27.

Manuscrit des « Chrestomathies physiologiques » de Caspar Hofmann, appelé à devenir le premier des Apologiæ pro Galeno libri tres… [Trois livres d’Apologie pour Galien…]> (Lyon, 1668, v. supra note [13]).

28.

Matthias Moronus (vers 1597-1650) médecin de Casal, proto-médecin du duché de Montferrat, venait de publier le Directorium medico-practicum, sive indices duo præternaturalium affectuum, cum simplicium, tum immplicatorum, de quibus peculiares extant gravissimorum virorum consultationes, epistolæ, quæstiones, responsiones, observationes, historiæ, etc. [Guide de pratique médicale, ou deux catalogues des affections contre nature, tant simples qu’intriquées, sur lesquelles existent les particulières consultations, lettres, questions, réponses, observations, histoires, etc. des hommes les plus sérieux] (Lyon, Jean-Antoine i Huguetan, 1647, in‑4o).

29.

Première mention de Johann Georg Volckamer, médecin de Nuremberg qui allait entamer une copieuse corespondance avec Guy Patin.

30.

Traité « contre Fernel » qui est le troisième de la première partie (Pro veritate) des Opuscula medica de Caspar Hofmann (Paris, 1647, v. note [10], lettre 140).

31.

Marco Aurelio Severino (Tarsia, Calabre 1580-Naples 15 juillet 1656) était docteur en médecine et professeur d’anatomie, de botanique et de chirurgie de l’Université de Naples. Il fut le principal restaurateur de la chirurgie, qu’il tira de l’état de langueur où elle périclitait, en Italie surtout, et ramena aux principes sévères et raisonnés des Grecs. « Entre ses mains, l’art chirurgical reprit une assurance qu’il avait perdue depuis longtemps. Il remit en honneur l’instrument tranchant et le feu, que la timidité et la mollesse des Arabes avaient fait abandonner presque entièrement » (A.‑J.‑L. Jourdan in Panckoucke).

Guy Patin recevait alors trois ouvrages de Severino :

Ce passage contient la seule et unique mention (furtive) du chocolat dans les textes de Guy Patin. Voici ce qu’en disait le Dictionnaire de Trévoux (cent ans plus tard) :

« Confection ou breuvage composé, chocolatum. On le boit chaud. Il est venu des Espagnols, qui l’ont apporté des Mexicains, chez lesquels ce mot de chocolat signifie simplement confection. D’autres disent que ce mot est un mot indien, composé de latté, qui signifie “ de l’eau ”, et choce, mot fait pour exprimer le bruit avec lequel on le prépare, comme témoigne Thomas Gage. La base est le cacao, fruit d’un arbre du même nom ; la vanille y entre aussi principalement, pour donner de la force et du goût au chocolat. Antoine Colmenero de Ledesma, chirurgien espagnol, en a fait un traité ; voici comment il en fait la composition :

“ Sur un cent de cacao on mêle deux grains de chise, ou de poivre de Mexique ou, en sa place, du poivre des Indes ; une poignée d’anis, de ces fleurs qu’on appelle petites oreilles ou, dans le pays vinacaxtlides, et deux autres qu’on nomme mecachusie ; ou au lieu de celles-ci, la poudre de six roses d’Alexandrie, appellées roses pâles, une gousse de campêche, deux dragmes de canelle, une douzaine d’amandes, et autant de noisettes d’Indes, et la quantité d’achiotte qu’il faudra pour lui donner couleur. Toutes ces plantes sont décrites par de Laët. On broie le tout, on en fait une pâte, ou conserve, avec de l’eau de fleur d’orange, qui le durcit fort ; et quand on en veut prendre, on le délaye dans de l’eau bouillante avec un moulinet. ”

Il n’en faut pas boire durant les jours caniculaires, ni de celui qui est fait depuis un mois. Quelques casuistes, et entre autres le cardinal François Marie Brancaccio, qui en a fait un traité particulier, ont prétendu que le chocolat pris en liqueur ne rompait point le jeûne ; quoique Stabe, médecin anglais, ait fait un traité où il soutient qu’on tire plus d’humeur nourrissante d’une once de cacao que d’une livre de bœuf ou de mouton. Les raisons du cardinal parurent si fortes à Caldera, médecin espagnol qui avait soutenu le contraire dans son Tribunal medico-magicum, {a} qu’il abandonna son sentiment. Ce sentiment n’a point encore prévalu, au moins en France. Le cacao est si commun en la Nouvelle-Espagne {b} qu’il consume par an plus de douze millions de livres de sucre. Les Espagnols estiment que la dernière misère où un homme puisse être réduit, c’est de manquer de chocolat, car c’est leur boisson ordinaire. Ils ne la quittent que quand ils peuvent avoir quelque autre boisson qui enivre. On dit qu’il aide à la digestion, qu’il rafraîchit les estomacs trop chauds, et qu’il échauffe ceux qui sont trop froids. Chaque livre de chocolat vaut à Mexique 52 sols.

Le cardinal de Lyon, Alphonse de Richelieu, {c} est le premier en France qui ait usé de chocolat. Il s’en servait pour modérer les vapeurs de sa rate, et il tenait ce secret de quelques religieux espagnols, qui l’apportèrent en France. Ceux qui en ont écrit sont Thomas Gage, voyageur anglais, Barthélemy Marradon, qui en condamne l’usage, et Antoine Colmenero, deux médecins Espagnols, dont Réné Moreau, professeur en médecine à Paris a traduit et commenté les livres. Philippe Sylvestre Dufour, marchand de Lyon, a ramassé dans son Traité du Café, du Thé et du Chocolat, {d} tout ce que ces auteurs en avaient dit. »


  1. V. note [41], lettre 549.

  2. Le Mexique (Nouvelle-Espagne, v. note [5] de l’Observation viide Guy Patin et Charles Guillemeau).

  3. Frère aîné du ministre, nommé cardinal en 1629, mort en 1653 (v. note [12], lettre 19).

  4. Lyon, Jean-Baptiste Deville, 1688, in‑12, pour la 2e édition, par Philippe Sylvestre Dufour (Manosque 1622-Vevey 1687), apothicaire et banquier calviniste lyonnais. Cet opuscule de Jacob Spon (v. note [6], lettre 883), De l’Usage du Café, du Thé, et du Chocolat, avait été publié pour la première fois à Lyon, Jean Girin et Barthelémy Rivière, 1671, in‑12.

32.

Andrea Cesalpino (v. note [55], lettre 97) : De Metallicis libri tres [Trois livres sur les Métaux] (Rome, A. Zannetti, 1596, in‑4o ; Nuremberg, Conrad Agricola, 1602, in‑4o).

33.

« dont je ne dirai qu’une seule chose à la louange d’un si grand auteur et de son livre, c’est que si par hasard il vous manque, vous vous empresserez de vous le procurer. »

Scherbius (Philipp Scherbe ; Bischofszell, canton de Thurgovie 1555-Altdorf 1605) fit ses études de scolastique et de médecine à Bâle. Reçu docteur en 1580, il obtint la même année la chaire de logique de cette Université, qu’il échangea quatre ans plus tard contre celle de morale. En 1586, il passa à l’Université d’Altdorf (proche de Nuremberg) pour y enseigner la philosophie et la médecine jusqu’à sa mort. Grand partisan du péripatétisme et du galénisme, il soutint la doctrine d’Aristote contre les disciples de Ramus, mais avec une modération qui fait honneur à son caractère. Caspar Hofmann a publié en 1614 les 19 thèses médicales que Scherbius a présidées de 1585 à 1604 (première référence citée dans la note [1], lettre latine 16).

Nuremberg, aujourd’hui en Bavière, était alors une ville impériale et libre appartenant au Cercle de Franconie. « Son gouvernement passe pour le mieux réglé de toute l’Allemagne et lui a mérité le titre de la Venise d’Allemagne. Il est aristocratique et il n’y a que vingt-huit familles patriciennes qui aient droit d’entrer dans le Sénat. Elle est protestante ; les catholiques romains y ont pourtant une église, mais ils ne peuvent pas y jouir du droit de bourgeoisie » (Trévoux). Son Université avait été inaugurée à Altdorf (v. note [32], lettre 155) en 1623.

La préface du De Metallicis (1602) est intitulée Ph. Scherbius, Ernesto Sonero medico et philosopho S.D. [Philippe Schœrbius salue Ernest Soner, médecin et philosophe] ; ce sont trois pages de beau latin, mais où on ne lit rien de bien remarquable, et notamment pas un mot sur les médicaments métalliques (tels l’antimoine).

34.

« de qui s’agit-il ? je l’ignore complètement, je ne sais s’il est blanc ou noir » (v. supra note [28]).

35.

« quoi qu’il en soit, bon ou mauvais ».

36.

« Il n’y a dans les autres choses de mon paquet rien qui mérite d’en parler ».

37.

Ordinaire : médecin habituel du malade, son « médecin traitant », Guy Patin et Jean ii Riolan agissant auprès de lui comme consultants.

38.

« Il va mieux sans sa grande maladie, et il va sans doute guérir après que son corps aura été purgé très fréquemment avec séné, rhubarbe, sirop de fleurs de pêcher et de roses avec un gros de diaprun solutif [laxatif], ou même parfois avec un bouillon solutif fait de trois gros de séné et d’une once de manne de Calabre. »

Cette première ordonnance transcrite par Guy Patin introduit les symboles du gros (ʒ, drachme ou dragme, valant 60 grains) et de l’once (℥, huit drachmes, ou un douzième de livre médicinale), avec la manière d’écrire après les quantités en chiffres romains minuscules (i ou j, v et x) suivis d’un point. Les équivalences pondérales variaient selon les corporations et les contrées ; on a ici donné celles qui sont en tête du Codex parisien de 1638 (v. note [8], lettre 44).

La contrepartie moderne de ces poids pharmaceutiques n’est pas assurée car le nombre de milligrammes qu’on doit mettre dans un grain d’apothicaire de Paris au xviie s. n’a pas été établi avec absolue certitude ; en prenant 53,2 mg comme estimation plausible, on aboutit à environ 3,2 g pour une drachme, et 25,5 g pour une once. Ce détail a son importance car les balances du temps atteignaient une très haute précision : les trébuchets qui servaient à peser les pierres et métaux précieux étaient « si justes, que la 4 096e partie d’un grain les fait trébucher » (Furetière).

Le diaprun ou diaprunis était un électuaire purgatif ayant pour excipient la pulpe de pruneau.

39.

« qui ont fait sortir facilement et heureusement l’une et l’autre humeur, tantôt épaisse, tantôt aqueuse. »

De deux jours l’un : un jour sur deux.

40.

Ces paroles acerbes de Jean ii Riolan visaient Caspar Hofmann, dont Guy Patin venait de recevoir le manuscrit des Chrestomathies physiologiques.

41.

« Je vous demande, mon bon ami, de me répéter les choses que Riolan a répandues contre moi, non pour que je les réfute, mais pour que j’en rie. »

42.

« On dit proverbialement en menaçant quelqu’un, qu’on le saura bien soutenir, pour dire, qu’on le fera marcher droit, qu’on l’empêchera de faillir ou de nuire » (Furetière).

43.

Asthme : « maladie du poumon, courte haleine, difficulté de respirer, ou une fréquente respiration sans fièvre, comme celle de ceux qui ont couru trop vite. Le vrai asthme s’engendre d’une abondance d’humeur grosse et visqueuse amassée de longue main dans les cavités du poumon par plusieurs défluxions [v. note [6], lettre 603] arrivées à diverses fois, laquelle bouche ou rétrécit le conduit de l’air » (Furetière).

Au xviie s. le mot asthme (du grec ασθμα, souffle court) désignait toute gêne respiratoire (dyspnée), qu’elle fût d’origine pulmonaire (obstruction bronchique, emphysème, pleurésie, fibrose pulmonaire, etc.) ou cardiaque (congestion pulmonaire par insuffisance ventriculaire gauche), comme dans ce cas d’orthopnée (dyspnée en position couchée, v. note [35], lettre 216) décrit par Joseph Scaliger (Ép. fr., cxvii, adressée à Jacques-Auguste i de Thou, datée de Leyde, le 11 septembre 1607) :

« Nous avons perdu notre bon ami le sieur de Buzenval. Il était sujet à un asthme, duquel je l’ai vu se plaindre il y a six ans. Cette maladie empirant tous les jours l’a à la fin emporté, étant assis sur la chaise qui lui servait de lit, car il ne pouvait pas dormir au lit. Sitôt qu’il s’était couché, il se sentait suffoquer de sa δυσπνοια ; il est mort presque en parlant et lisant. »

Ce qu’on entend par asthme aujourd’hui est beaucoup plus restreint : accès aigu (crise) de dyspnée, avec gêne à l’expiration de l’air et sifflements, liée à une obstruction momentanée des bronches (spasme). V. note [8], lettre 603, pour la fidèle description de ses symptômes par Jean Fernel.

44.

« Avoir bec et ongles, pour dire qu’on se sait bien défendre » (Furetière).

45.

« sur les dissections anatomiques qu’il a écrites dans ses Institutions, et dans l’abrégé de ces mêmes Institutions. »

Le livre ii (pages 22‑288) des Caspari Hofmanni Institut. Medic. (Lyon, 1645, v. note [12], lettre 92) est principalement consacré à l’anatomie et à la physiologie. Le chapitre xxii de la section iv est intitulé Quid sit Anatomia ? et qua Methodo tradi debeat ? [Pourquoi l’anatomie, et par quelle méthode doit-on la transmettre ?] ; Hofmann y déclare qu’aucune méthode ne vaut mieux qu’une autre, pourvu qu’on dissèque soigneusement les cadavres ; sans manquer, au passage, d’égratigner Galien qui avait prescrit l’ordre d’étude qu’on respectait alors (et encore tout récemment), avec d’abord les membres, supérieurs puis inférieurs, ensuite l’abdomen, le thorax, et en dernier la tête.

46.

Un mot est effacé dans le texte original, au bas du fo 28 vo. Les éditeurs précédents ont écrit : « Entre eux le débat, s’ils ne se veulent accorder » (Triaire).

47.

V. supra note [2].

Mme de Motteville (Mémoires, pages 143‑144) :

« Ce même jour, le 9 janvier, si célèbre par ses événements, il arriva dans le Conseil des parties {a} que les maîtres des requêtes se mutinèrent aussi, sur ce qu’on voulait augmenter leur corps de 12 nouveaux officiers. Comme ils avaient acheté leurs charges fort cher et que cette quantité devait en diminuer le prix, ils furent persuadés que plusieurs familles dans Paris en pourraient être incommodées ; et par ressentiment de ce mal qu’ils craignaient, ils refusèrent de rapporter les procès des particuliers, et jurèrent entre eux sur les saints Évangiles de ne point souffrir cette augmentation et de résister à toutes les persécutions qu’on pouvait leur faire du côté de la cour ; se promettant les uns aux autres qu’en cas que quelqu’un de leurs confrères perdît son office par cette opposition aux volontés du roi, ils se cotiseraient tous pour payer à celui-là le remboursement de sa charge.
Ils allèrent trouver le cardinal Mazarin et un d’entre eux, nommé Gomain, {b} lui parla si fortement et avec une telle hardiesse que le ministre en fut étonné. On tint conseil chez la reine pour aviser aux remèdes de ces désordres. D’Émery avait sur les bras tout le peuple qui commençait à crier contre lui {c} et le Chancelier {d} avait les maîtres des requêtes à retenir et à consoler, qui se plaignaient moins de d’Émery que de celui qui gouvernait, mais qui, n’osant pas fulminer d’abord contre le cardinal, attaquaient fortement le surintendant et jetaient sur lui toute leur colère. Ainsi, par la quantité des matières, le Conseil fut long ce jour-là et les opinions y furent contestées. On manda le premier président et les Gens du roi. La résolution fut de donner des arrêts fulminants contre les uns et les autres ; puis, le soir venu, M. le Prince et le cardinal allèrent souper chez le duc d’Orléans pour ensevelir dans la bonne chère et le jeu le commencement de ces désordres {e} qui ne donnaient pas tant d’inquiétude aux princes qu’à notre ministre. Il commença alors à voir qu’il était l’objet de la haine publique et que cette haine en même temps devait remplir les princes du sang de ces douces chimères qui plaisent aux grands, en leur faisant espérer que, par le trouble et le changement, leur autorité s’augmenterait à mesure que celle du roi et de la reine diminuerait ; car, comme dit l’espagnol : Rio turbo ganacia de pescadores. » {f}


  1. V. note [23], lettre 222.

  2. Gilbert Gomain ou Gaulmin.

  3. Pour l’édit des maisons.

  4. Pierre iv Séguier.

  5. Le début de la Fronde parlementaire.

  6. « L’eau trouble fait gagner les pêcheurs. »

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, pages 405‑408) a donné l’analyse d’un maître des requêtes (sans parler d’entrevue avec Mazarin) :

« Jamais l’on ne vit une union plus entière. Aussi ce serait la plus rude atteinte que notre Corps pourrait recevoir, et la raison de ceux qui le faisaient étant de nous anéantir par le grand nombre et s’ouvrir la facilité d’y ajouter des officiers tous les ans, de nous désunir du Parlement afin de se servir après de nous pour détruire le Parlement ; et pour le faire passer facilement, l’on donne la paulette au Parlement gratuitement et l’on crée des maîtres des requêtes pour satisfaire à leur haine et à leur jalousie, et dans l’espérance qu’ils nous abandonneront. Pour la facilité dans le Conseil, l’on crée un quartier tout entier qui n’aura aucun commerce avec les autres, et ainsi s’établira aisément ; outre tout cela un grand argent en reviendrait. Nous, qui connaissons bien toutes ces conséquences, voyons qu’il vaut autant périr maintenant avec honneur que dans cinq ou six ans avec lâcheté et tomber dans le mépris comme des avocats du Conseil ou des élus. L’on ajoutait que ce n’était pas prudence de nous attaquer et nous obliger de montrer la désobéissance aux autres compagnies dans le temps présent, nous qui servions à faire obéir les autres, et que nous connaissions trop le fin des affaires et des ministres des finances pour nous obliger à les révéler, comme nous ferions assurément. Notre délibération {a} dura jusqu’à trois heures. […]
M. Gaulmin a dit {b} que dans la Chine il y avait un poisson qui mangeait les autres, mais qui le mangeait en crevait ; que les maîtres des requêtes étaient ce poisson, que c’était un friand morceau, mais que qui en mangerait en crèverait. Parlant au surintendant, dit que, parmi les maîtres des requêtes, il y en avait de très gens de bien, de très habiles et de très méchants, et qu’il devait craindre tous les trois ; qu’il devait plutôt obliger toute une Compagnie dont il pouvait avoir besoin que de se mettre 72 familles puissantes sur les bras. Le bon est que tout cela s’est dit familièrement, avec civilité et en riant ; car l’on a obligé l’un et l’autre à rire, quoiqu’ils n’en eussent point d’envie. »


  1. Du 8 janvier 1648.

  2. Au Palais, le 9 janvier.

48.

Les aisés étaient les riches : « cet homme est fort aisé, il a bien du bien, on l’a taxé aux aisés » (Furetière). Sortes d’impôts sur la fortune destinés à « faire payer les riches », les taxes des aisés ont été nombreuses sous les ministères de Richelieu puis de Mazarin. Celle qu’on supprimait en 1648 avait été créée en 1645 : souffrant de multiples exemptions (noblesse, membres du Parlement, bourgeois de Paris, etc.), cet impôt inégalitaire avait engendré plus de mécontentement que de revenus.

Gazette, ordinaire no 11, de Paris, le 18 janvier 1648 (page 96) :

« Le 15 de ce mois, le roi, ayant été le dimanche auparavant en l’église Notre-Dame, monta en son Parlement, où furent vérifiés quelques édits. »

Les détails de la cérémonie se trouvent dans l’extraordinaire no 12, daté du 20 janvier 1648 (pages 102‑108), L’entrée et séance du roi en son Parlement le 15e janvier 1648, pour la vérification de quelques édits, dont voici l’essentiel :

« Chacun ayant pris sa séance, {a} le roi dit qu’il venait en son Parlement y tenir son lit de justice et que son chancelier leur déclarerait ses intentions. Alors, le chancelier de France ayant fait une profonde révérence à Leurs Majestés et pris le commandement {b} pour parler, se rassit en sa chaise et fit entendre les volontés du roi par un grave et judicieux discours d’environ demie heure, dans lequel il représenta les motifs qui avaient donné sujet à Leurs Majestés de venir en ce Parlement. En suite de quoi, le premier président et les autres présidents firent une profonde révérence à Leurs Majestés, et le premier président fit une harangue digne de cette haute charge ; et ayant repris leurs places, le chancelier dit tout haut qu’on ouvrît les portes à tous et que les édits fussent lus. […]

Déclaration du roi par laquelle Sa Majesté révoque les taxes faites sur les aisés, tant de la ville de Paris que des autres du royaume, sans que ci-après il puisse être fait aucune autre taxe de cette nature, comme contraire au commerce et au crédit. Après leur lecture, le sieur Talon, avocat général, ayant pris la parole et conclu, le chancelier de France recueillit les opinions, prit derechef le commandement du roi pour parler, et prononça la vérification et exécution de ces édits, ce qui mit fin à cette action. Ensuite de laquelle, Leurs Majestés se retirèrent sur le midi dans le Palais-cardinal. »


  1. Son siège.

  2. L’ordre.

49.

Mme de Motteville (Mémoires, page 145) :

« Le premier président, {a} quoique habile homme et pour l’ordinaire fort éloquent, voulant flatter la cour, fit une harangue qui parut faible à sa Compagnie et qui ne fut pas même louée dans le Cabinet. Celle de l’avocat général Talon fut forte et vigoureuse. Il représenta la misère du peuple et supplia la reine de s’en souvenir dans son oratoire, lui disant qu’elle devait considérer qu’elle commandait à des peuples libres et non pas à des esclaves ; et que néanmoins, ces mêmes peuples se trouvaient si accablés de subsides et d’impôts qu’ils pouvaient dire n’avoir plus rien à eux que leurs âmes parce qu’elles ne se pouvaient vendre à l’encan ; que les lauriers et les victoires qu’on remportait sur les ennemis, et dont on payait toutes leurs nécessités, n’étaient point des viandes qui les puissent nourrir ni vêtir. Il dit, outre cela, quelques paroles qui marquaient les plaintes universelles de tous les Français sur la longueur {b} de la paix. Cette hardiesse ne fut pas approuvée du ministre. »


  1. Mathieu i Molé.

  2. Lenteur.

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, pages 417‑418) :

« J’appris à midi de mon père, qui y avait été […], que le roi y était venu accompagné de la reine, de M. le duc d’Orléans, de M. le Prince et du prince de Conti ; que M. le Chancelier, {a} sans que le roi eût parlé, {b} avait harangué sans parler d’édits, et ensuite le premier président ; que les sept édits avaient été lus ensuite ; celui des douze maîtres des requêtes le second, et que, pendant la lecture de celui-là, la reine avait ri, témoignant une satisfaction d’être vengée ; que M. Talon avait ensuite parlé fort hardiment, et en telle sorte que la reine et M. le cardinal en étaient tout interdits ; qu’ensuite M. le Chancelier avait prononcé à l’ordinaire ; qu’il n’y avait pas eu un seul maître des requêtes ; que Messieurs des Enquêtes murmuraient et disaient qu’ils reverraient tous ces édits ; que l’on avait remarqué que personne, en allant ni en revenant, n’avait crié Vive le roi, non plus lorsque le roi alla entendre la messe à Notre-Dame en action de grâces de sa santé. » {c}


  1. Pierre iv Séguier.

  2. « Il avait oublié ce qu’on lui avait appris pour dire, et il en pleura de honte » (Dubuisson-Aubenay, Journal des guerres civiles, tome i, page 4).

  3. Une fièvre l’avait affligé à la fin de novembre 1647.

Un extrait du discours d’Omer ii Talon (Mémoires, page 211) donne une belle idée de sa hardiesse :

« Il y a, Sire, dix ans que la campagne est ruinée, les paysans réduits à coucher sur la paille, leurs meubles vendus pour le paiement des impositions, auxquelles ils ne peuvent satisfaire ; et que pour entretenir le luxe de Paris, des millions d’âmes innocentes sont obligées de vivre de pain, de son et d’avoine, et n’espérer aucune protection que celle de leur impuissance. Ces malheureux ne possèdent aucun bien en propriété que leurs âmes, parce qu’elles n’ont pu être vendues à l’encan ; les habitants des villes, après avoir payé la subsistance et le quartier d’hiver, les étapes et les emprunts, acquitté le droit royal et de confirmation, {a} sont encore imposés aux aisés. {b}
Ce qui reste de sûreté dans les Compagnies souveraines reçoit atteinte dans cette journée par la création de nouveaux offices, qui sont une charge perpétuelle à l’État ; car lorsqu’ils sont établis, il faut que le peuple les nourrisse et les défraie.
Faites, Madame, s’il vous plaît, quelque sorte de réflexion sur cette misère publique dans la retraite de votre cœur ! Ce soir, dans la solitude de votre oratoire, considérez quelle peut être la douleur, l’amertume et la consternation de tous les officiers du royaume, qui peuvent voir aujourd’hui confisquer tout leur bien sans avoir commis aucun crime ; ajoutez à cette pensée, Madame, la calamité des provinces, dans lesquelles l’espérance de la paix, l’honneur des batailles gagnées, la gloire des provinces conquise, ne peut nourrir ceux qui n’ont point de pain, lesquels ne peuvent compter les myrtes, les palmes et les lauriers entre les fruits ordinaires de la terre.
Ce que nous expliquons à Votre Majesté avec d’autant plus de confiance qu’elle nous écoute avec d’autant plus de confiance qu’elle nous écoute avec une bonté si royale, avec tant de patience et de vertu qu’elle attire sur elle toutes les grâces du Ciel et les bénédictions de la terre. Cette liberté que Votre Majesté nous donne de parler selon les sentiments de notre cœur, d’examiner ses volontés et les contredire en sa présence, est une marque que sa puissance vient du Ciel, et que la droite de Dieu tout-puissant vous assiste. La sagesse, dit l’Écriture, habite la maison du conseil ; {c} l’honneur du roi aime le jugement ; et Jupiter, dans Homère, fait plus cas de Minerve que de son foudre. » {d}


  1. « Droit royal qui est dû à l’avènement joyeux de chaque roi à la couronne ; c’est un hommage que chaque ville et chaque sujet de son royaume lui doit » (Dictionnaire universel, chronologique et historique, de justice, police et finances… Par Me François-Jacques Chasle, avocat au Parlement (Paris, Claude Robustel, 1725, in‑fo, tome premier, page 854) .

  2. « Les rois de France dans des nécessités pressantes ont établi des taxes sur les aisés », c’est-à-dire les riches (ibid. page 100).

  3. « Moi qui suis la sagesse, j’habite dans le conseil, et je me trouve présente parmi les pensées judicieuses » (Proverbes 8:12).

  4. Allégorie, dont je n’ai pas trouvé la source exacte dans Homère, pour dire qu’il convient de préférer la sagesse (Minerve) à la force (foudre de Jupiter).


50.

Dans les chroniques, ce lit de justice du 15 janvier 1648 et son lendemain (v. infra note [57]) datent le début de la première Fronde, dite parlementaire. Mazarin avait forcé le Parlement à enregistrer sept nouveaux édits fiscaux ; plus tard le Parlement revint sur cet enregistrement, reprit l’examen des édits et formula des remontrances, bloquant la situation.

Mme de Motteville (Mémoires, pages 145‑146) :

« Les édits furent assez modérés, car on fut au Palais plus pour maintenir l’autorité royale que pour augmenter les demandes. L’édit de création de 12 offices de maîtres des requêtes en avait été la principale cause, parce qu’on avait jugé qu’il ne fallait pas souffrir leur révolte ; mais comme cette affaire, dans l’ordre des destinées, devait être la cause et le commencement de beaucoup de grands événements, ce petit remède, bien loin de guérir le mal, l’aigrit entièrement, et eut des suites qui nous firent voir que Dieu, quand il lui plaît, donne à la fourmi la force de l’éléphant. »

51.

Déconforter : « désoler, abattre l’esprit par quelque affliction » (Furetière).

52.

On appelait Trois-Évêchés la réunion des trois diocèses lorrains, soit, dans l’ordre de préséance :

  1. Metz, dans l’actuel département de la Moselle, v. note [16], lettre 9 ;

  2. Toul (Meurthe-et-Moselle), ville située « sur la Moselle, à cinq lieues de Nancy, vers le couchant, et à douze de Metz, vers le midi » (Trévoux) ;

  3. Verdun (Meuse) « sur la Meuse, à douze lieues de Metz, vers le couchant. Cette ville est assez grande, belle, bien fortifiée, défendue par une bonne citadelle » (ibid.).

Dirigés chacun par un prince-évêque, ils avaient initialement dépendu de l’archevêché de Trèves (v. note [30] du Grotiana 2), ville du Saint-Empire. Henri ii, roi de France, les avait placés sous la protection de sa couronne en 1552 et ils formaient une enclave du royaume au sein de la Lorraine. Elle devint une province française après les traités de Westphalie (1648) ; mais dès 1633, Richelieu avait établi un parlement à Metz.

53.

« pas même une ombre de paix. » Guy Patin, comme bien d’autres alors, se désespérait ici de la lenteur des tractations menées à Münster.

Nicolas Goulas a laissé un avis sur les complexités que cachait ce retard à conclure la paix (Mémoires, tome ii, pages 209‑211 et 229‑230) :

« Cependant personne ne la croyait en France, sachant que M. le cardinal {a} n’avait pas encore mis le pape à la raison et n’avait pas le chapeau de son frère, {b} et que ne pouvant consentir à relâcher Porto Longone et Piombino, {c} tout s’en irait en fumée. Il s’était mis en tête que l’unique moyen d’être extrêmement considéré à Rome était de garder ces deux postes, et que le pape, bon gré mal gré, ferait non seulement l’archevêque d’Aix cardinal, mais aussi rétablirait la Maison Barberine en sa splendeur, ce qui relèverait sa gloire en son pays et par toute l’Europe. L’on disait à Paris que le nonce s’était fort tourmenté là-dessus avec lui, jusqu’à lui pronostiquer qu’il se repentirait un jour de n’avoir point accepté la paix, et que la continuation de la guerre ferait naître en France des mouvements qui ruineraient sa fortune. L’on ajoutait que les Espagnols s’étant relâchés de tout, M. de Longueville et M. d’Avaux se préparèrent à signer, et que Servien insista et emporta d’envoyer encore à la cour, que le courrier retourna avec ordre exprès de rompre sur les prétentions du duc d’Atri, {d} ce qui à mon sens est ridicule et grossier ; et il est plus probable que ce fut sur la restitution de Porto Longone et de Piombino, et qu’il {a} jugeait raisonnable que, les rendant, les Espagnols devaient aussi libérer Lérida et Tarragone.

De quelque façon que ce soit, toute la France a été persuadée que M. le cardinal Mazarin, en ce temps-là, refusa la paix avec l’Espagne pour ses intérêts particuliers et pour satisfaire sa vanité qui lui dictait que comme le pape Urbain {e} avait fait deux neveux cardinaux, {f} contre la teneur de la bulle de Jules ii, et le cardinal de Richelieu avait élevé son frère à cette grandeur nonobstant cette même bulle, il était de sa gloire de mettre dans le Sacré-Collège deux cardinaux Mazarin.

Mais les serviteurs et partisans de Son Éminence représentaient au contraire qu’il était de son intérêt de faire la paix, qu’il l’aurait faite sans la malice et la fourbe des Espagnols qui étaient allés à Münster avec un tout autre dessein ; que Pigneranda n’y avait songé qu’à débaucher nos alliés ; qu’ayant vainement tenté les Suédois, il avait séduit les Hollandais, après quoi il était parti triomphant, comme ayant heureusement exécuté ses ordres secrets à notre dommage ; et M. d’Avaux était la cause de cette disgrâce, ayant gourmandé leurs ambassadeurs et les ayant pressés extraordinairement de rétablir la religion catholique dans leur État ; {g} que ceux-ci avaient appréhendé {h} les Français, si hauts à la main {i} dans leur prospérité qu’ils devaient à leur assistance ; que les Espagnols les tâtant sur leur mauvaise humeur et faisant leur compte, ils l’avaient accepté ; même qu’ils avaient cru que, comme nous ne serions plus en état à l’avenir de faire de grands progrès en Flandre, peut-être nous ne les gourmanderions {j} plus. […]

Cependant, {k} Mme de Longueville, étant arrivée de Münster, ne put s’empêcher de parler. Elle dit nettement que nous avions refusé la paix, et que son mari étant d’accord de tout avec l’Espagne et prêt à signer, M. Servien l’en avait empêché, lui montrant l’ordre de rompre. L’on publia même à Paris, pour faire connaître que cette paix avait manqué par le seul intérêt du ministre et qu’elle était très avantageuse à la France, que l’Espagne offrait Cambrai avec ses dépendances, au lieu de Piombino et Porto Longone, et laissait toute l’étendue des châtellenies des places conquises en Flandre et ailleurs, et la seule ville de Courtrai en avait quatre qui allaient jusqu’aux portes de Bruges et de Gand. »


  1. Mazarin.

  2. Michele Mazzarini, archevêque d’Aix, v. note [5], lettre 160.

  3. V. note [9], lettre 135.

  4. Négociateur napolitain pour l’Espagne.

  5. Urbain viii.

  6. Francesco et Antonio Barberini.

  7. Les Provinces-Unies.

  8. Craint.

  9. Arrogants.

  10. Mépriserions.

  11. Sur ces entrefaites.

54.

Maximilien ier (Maximilian von Wittelsbach), dit le Grand, duc électeur de Bavière (Munich 1573-Ingolstadt 27 septembre 1651), a été l’un des grands acteurs de la guerre de Trente Ans. En 1596, il avait succédé à son père, le duc Guillaume v (1548-1626), qui s’était retiré dans un couvent. Doué d’une vive intelligence qu’il avait cultivée à l’Université d’Ingolstadt, Maximilien, avant d’arriver au pouvoir, avait visité l’Italie, habité quelque temps à la cour de l’empereur Rodolphe ii (v. note [39] du Borboniana 3 manuscrit) et représenté son père à la diète de Ratisbonne en 1594. Devenu duc de Bavière, il fut l’âme et le meneur de la ligue catholique formée contre les protestants d’Allemagne. Il avait ajouté à ses États Mindelheim et Salzbourg, et été un des prétendants a l’Empire en 1619 ; mais sur les conseils de la France et de l’Espagne, il s’était effacé pour laisser élire Ferdinand ii de Habsbourg. Cette élection ne fut pas reconnue par la Haute-Autriche, la Bohème, la Silésie et la Lusace, qui proclamèrent Frédéric v. Maximilien avait soumis les États révoltés et pour reconnaître ses éminents services, l’empereur Ferdinand l’avait élevé à la dignité d’électeur au préjudice de la Maison palatine, ainsi qu’à celle de sénéchal de l’Empire qu’il déclara héréditaire dans sa famille. L’empereur lui avait aussi cédé le Haut et une partie du Bas-Palatinat (Palatinat rhénan, v. note [17], lettre 61).

Arrivé au but de son ambition, Maximilien s’était laissé emporter à l’ardeur de ses convictions catholiques, s’occupant à convertir ses nouveaux sujets ; jaloux de la réputation que venait de conquérir Albrecht von Waldstein (ou Wallenstein, v. note [8] du Borboniana 9 manuscrit), il avait ensuite voulu diriger lui-même la guerre contre les protestants ; mais malheureusement pour lui, il avait eu pour adversaire le redoutable Gustave-Adolphe, roi de Suède, qui avait pris en main la cause des réformés. Défait par le roi de Suède, Maximilien avait perdu Munich et Donawerth, et vu la Bavière ravagée. Waldstein ayant repris le commandement s’était médiocrement occupé de défendre la Bavière, attaquée en même temps par les Français. Dans cette situation critique, Maximilien avait conclu une trêve avec la Suède et la France. Après la mort de Gustave-Adolphe (1632), Maximilien avait repris les armes, mais pour se faire écraser au printemps par les Franco-Suédois qui préparaient alors leur attaque conjointe (v. infra note [55]). La paix de Westphalie allait tirer Maximilien de cette situation périlleuse. À partir de ce moment, il ne s’occupa plus, jusqu’à sa mort, que de réparer les calamités et les ravages dont ses États avaient tant souffert. Devenu de plus en plus dévot, il fonda un grand nombre d’églises et de monastères, et peupla son duché de jésuites, de franciscains, de capucins, etc., qu’il combla de richesses (G.D.U. xixe s.).

55.

C’était la guerre d’Allemagne qui recommençait. Maximilien ier avait rompu la Trêve d’Ulm (v. note [9], lettre 135) et repris les armes contre les Suédois, alliés de la France. Mazarin, malgré les difficultés intérieures auxquelles il était confronté, ne perdait pas de vue les graves problèmes qui se déroulaient au delà de nos frontières. Il prescrivit à Turenne de passer le Rhin et de se joindre aux Suédois pour attaquer les Bavarois. Turenne obéit et opéra sa jonction avec Wrangel en février 1648, à Gemünden sur le Main. La campagne d’Allemagne de 1648 fut marquée par la victoire de Sommerhausen, remportée le 17 mai par les Franco-Suédois sur Montecucculi, l’invasion de la Bavière et l’occupation de Prague, brillants résultats de nature à singulièrement faciliter le retour de Maximilien ier à des idées pacifiques et la signature du traité de Münster (Triaire).

56.

« Après cela, le Seigneur en désigna encore 72 autres et les envoya deux par deux en avant de lui dans toutes les villes et localités où lui-même devait se rendre. Il leur dit : “ La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ; priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups ” » (Luc 10:1‑3).

57.

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, pages 419‑420, jeudi 16 janvier 1648) :

« nous allâmes tous au Palais-Royal au nombre de 50, avec la robe et le chapeau ; nous entrâmes dans le petit cabinet et puis dans le grand, où la reine vint s’asseoir avec le roi. En passant, dans la presse, M. le cardinal lui marcha sur la robe, elle se retourna avec furie, mais voyant que c’était M. le cardinal, elle lui sourit. Auprès du roi étaient M. le duc d’Orléans et M. le cardinal, debout et nue tête ; de l’autre côté, M. le Prince et M. le Chancelier, et nous tous en cercle autour. La reine dit que M. le Chancelier nous ferait connaître son intention. Il prit après la parole, nous reprocha nos assemblées trop longues pour les résolutions que nous y avions prises, trop courtes pour bien examiner la conséquence des matières que nous y avions proposées ; que nous avions arrêté {a} de donner mille écus à chaque veuve, {b} comme pour contraindre le roi à nous donner le droit annuel, {c} ou lui montrer que nous n’en avions que faire ; que le droit annuel était une grâce qui cesserait d’être grâce si le roi y était contraint ; que nous avions résolu de donner 10 000 livres par an à ceux qui seraient exilés, jugeant bien nos résolutions criminelles ; que nous avions douté si le roi pouvait créer des offices. Sur cela la reine prit la parole avec un ton aigre et nous dit : “ Vraiment, vous êtes de belles gens pour douter de mon autorité. Je l’apprendrai bien à quiconque en voudra parler ; continuez, M. le Chancelier. ” Il acheva par la puissance des rois de créer des offices, sans parler de minorité, et nous dit ensuite que le roi nous interdisait tous de l’entrée de ses conseils jusqu’à ce qu’il en voulût ordonner autrement.
Sur cela, sans dire une seule parole, nous nous retirâmes. La reine ayant dit à M. le Chancelier qu’il oubliait le papier, il nous rappela et nous dit que le roi nous ordonnait de rapporter la feuille que nous avions signée ; et quelqu’un lui ayant fait signe de la tête qu’il n’y en avait point, il ajouta : “ Et comme par vos visages il paraît qu’il n’y en a point, le roi vous ordonne de lui apporter une déclaration qu’il n’y en a point, sur la perte de vos charges. ”
Sur quoi nous nous retirâmes derechef sans ouvrir la bouche et allâmes tous au Palais. […] Là, sans aucun étonnement, nous délibérâmes de former le lendemain matin notre opposition au Parlement à l’exécution de l’édit, les chambres assemblées. » {d}


  1. Décidé.

  2. De maître des requêtes.

  3. La paulette.

  4. C’était bien le véritable début de la Fronde.

58.

La magistrature des maîtres des requêtes de l’Hôtel du roi (leur dénomination complète) s’étendait à bien d’autres tribunaux et offices que celui-là. Le Conseil les cantonnait alors à leur juridiction d’origine qui n’était que trimestrielle. Cela revenait à diminuer drastiquement le revenu de leur charge, fondé sur le nombre d’affaires qu’on leur donnait à juger.

59.

« de l’Âme, jusqu’au point où un médecin peut la considérer ».

Ce traité de Caspar Hofmann n’est pas sa Collatio doctrinæ Aristotelis cum doctrina Galeni de anima [Comparaison de la doctrine d’Aristote avec celle de Galien au sujet de l’âme] (Paris, Gaspard Meturas, 1647, in‑4o de 54 pages). Bien que Guy Patin l’ait dit sous presse jusqu’en octobre 1648, cet autre traité De Anima n’est dans aucun catalogue des œuvres d’Hofmann. Il ne se trouve pas non plus dans les Chrestomathies de 1668 (v. note [1], lettre 929). V. supra note [13], pour ses annotations sur le Théophraste.

60.

« Pour mon livre sur l’Âme, si vous le trouvez bon, je le ferai sortir sous les auspices de M. Cras, médecin turennien [?], et quand les dieux le voudront bien. »

Guy Patin lui-même reconnaissait l’obscurité du locatif Tureniensis, qu’il interprétait comme pouvant vouloir dire attaché à la personne du maréchal de Turenne (nom qui est à l’origine celui d’une petite ville du Limousin), ou originaire d’une improbable ville d’Allemagne. Dans sa lettre du 22 mars 1648, Patin a confirmé à Charles Spon qu’Henri Gras était bien le dédicataire du traité d’Hofmann.

61.

« je recommanderai certes chacune de ces expéditions à vos bons soins ».

62.

Jeremias Drexel, jésuite (Augsbourg 1581-Munich 1638), entré au noviciat en 1598, fut pendant 23 ans le prédicateur de l’électeur de Bavière, Maximilien, qui le vénérait comme l’un des plus précieux personnages de son duché (Michaud).

Drexel a composé de nombreux ouvrages ascétiques, qui ont imprégné les réflexions de Guy Patin (v. note [21], lettre 300). Il en mentionnait ici la réunion sous le titre de Drexelii opera (Lyon, Jean-Antoine i Huguetan, 1647, 4 tomes en 2 volumes in‑fo).

63.

« En médecine on distingue deux sortes de chaleur : la naturelle, qui est le principe de la vie des animaux ; et l’étrangère, qui leur arrive par accident ou de dehors, comme par les remèdes, par les aliments, et c’est celle qui cause les maladies, et surtout la fièvre. […] La chaleur naturelle est souvent suffoquée par des causes étrangères » (Furetière).

64.

« pour cette raison ».

Nicolas Machiavel (Florence 1469-ibid. 1527), en italien Niccolò di Bernardo dei Machiavelli (« qui signifie dégraisseur, enleveur de taches » Littré DLF) est le célèbre publiciste florentin qui fit la théorie des procédés de violence et de tyrannie usités par les petits tyrans de l’Italie. Son plus célèbre ouvrage est Le Prince (1532) dédié à Laurent ii de Médicis, où il a décrit la fortuna et la virtù comme les deux ressorts antagonistes essentiels de la politique.

65.

« celui sur qui la rumeur craint de mentir » ; emprunt peut-être malicieux (v. note [4], lettre 151) à Ausone (v. note [9], lettre 335 ; Septem Sapientium sententiæ [Maximes des sept Sages (de la Grèce, v. notule {e}, note [24] du Borboniana 9 manuscrit)], 1, Bias Prieneus [Bias de Priène], maxime 5) :

Quæ casta est ? de qua mentiri fama veretur.

[Qui est la femme chaste ? C’est celle sur qui la rumeur craint de mentir (que l’opinion n’ose même pas soupçonner)].

66.

On lit encore l’épitaphe de Pierre ii Seguin, fils aîné de Pierre i (v. note [12], lettre 5), sur un pilier (à gauche de la porte de la sacristie) de Saint-Germain-l’Auxerrois :

Petrus Seguinus
reginæ christianissimæ
Annæ Austriacæ Gall. Regentis
a Consiliis et piis largitione
S. Stephanii Fidemiensis abbas
Reg. Eccl. S. Germani Altiss. Paris.
ex canonico decanus xvii Sept.
An. m.dc.xli unanimi consensu
electus
benefacientissimis
collegiis
grati animi monumentum
statuit
ac singularis eorum
promeriti memoriam
posteris commendat
sacris anniversariis
constitutio
A.R.S. m.dc.lxxi æt. lxxiii
.

[Ci-gît Pierre (ii) Seguin abbé de Saint-Étienne de Fémy par la libéralité et les pieux conseils d’Anne d’Autriche, régente de France, que ses très obligeants collègues ont élu à l’unanimité doyen des chanoines de Saint-Germain-l’Auxerrois {a} le 17 septembre 1641. L’institution a établi ce monument en témoignage de sa reconnaissance et recommande à chacun de ceux qui le suivront de célébrer le souvenir de ses mérites lors des anniversaires sacrés. Il a rendu son âme à Dieu en 1671, à l’âge de 73 ans].


  1. V. note [4] du Borboniana 3 manuscrit pour le prestigieux et lucratif doyenné de Saint-Germain-l’Auxerrois.

Passionné d’antiquités (médailles, monnaies, livres, chartes, manuscrits, etc.) au point qu’on l’a surnommé le Dictateur des antiquaires, Pierre ii Seguin tenait chez lui une académie de médaillistes. Il a publié Selecta numismata ex museo Petri Seguini, S. Germani Autissiodorensis decani, eiusdem observationibus illustrata [Pièces et médailles choisies tirées du musée de Pierre Seguin, doyen de Saint-Germain-l’Auxerrois, enrichies de ses observations] (Paris, Edme Martin, 1665, in‑4o).

67.

Jean ii Cousin, fils de Jean i (v. note [6], lettre 49), avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1643 (Baron). Guy Patin l’a dit âgé d’environ 40 ans, et gravement malade en 1655.

68.

Italica, seu alter elegiarum liber [Italica, ou second livre d’élégies] (Padoue, Cribelliani, 1648, in‑4o) de Nicolas Heinsius.

69.

V. note [23] du Naudæana 1 pour Janus Nicius Erythræus (Giovanni Vittorio Rossi).

Je n’ai pas trouvé trace d’un ouvrage de Scioppius (Caspar Schoppe v. note [14], lettre 79) publié à cette époque sur le sujet de controverse religieuse que Guy Patin évoquait ensuite.

70.

Le libraire Michel Soly avait commencé d’exercer à Paris avant septembre 1618. Il avait été apprenti de Jean de Heuqueville en 1607 (dont il avait épousé en premières noces la fille, Marie, en 1619). Il fut inhumé à Saint-Benoît le 30 juillet 1661. Ses deux officines successives furent situées rue Saint-Jacques, À l’image Saint-Martin et Au Phœnix (Renouard).

Fortunio Liceti (v. note [4], lettre 63) a publié sept recueils in‑4o (avec variantes de titres) des De quæsitis per epistolas a claris viris Responsa [Réponses par lettres sur des recherches qu’ont soumises des hommes brillants] : Bologne, Nicolo Tebaldini, 1640 (37 lettres) ; Udine, Nicolo Schiratti, 1646 (27 puis 16 lettres) ; Udine, Nicolo Schiratti, 1647 (trois lettres, dont il est ici fait mention) ; Udine, Nicolo Schiratti, 1648 (deux recueils). Son « autre opuscule » s’intitulait De motu sanguinis, origine nervorum, cerebro leniente cordis æstum, imaginationis viribus, quarto quæsitis per epistolas clarorum virorum, Responsa medico-philosophica Fortunii Liceti… [Réponses médico-philosophiques de Fortuni Liceti… aux quatre requêtes que des hommes illustres ont soumises par lettres : sur le mouvement du sang, sur l’origine des nerfs, sur le cerveau qui adoucit l’ardeur du cœur, sur les pouvoirs de l’imagination] (Udine, 1647, Nicolo Schiratti, in‑4o).

71.

« très célèbre par beaucoup d’écrits. »

Caspar (Kaspar ou Gaspard) van Baerle, Barlæus (Anvers 1584-Amsterdam 14 janvier 1648) avait d’abord été ministre de l’Église réformée, puis professeur de logique à l’Université de Leyde, et avait enfin occupé la chaire de philosophie et d’éloquence à l’Université d’Amsterdam. Il avait aussi été reçu docteur en médecine de la Faculté de Caen, mais sans avoir jamais pratiqué. Il a publié en latin des discours, des poèmes, des épîtres, des notices historiques ; il a même laissé quelques écrits en français (Triaire et G.D.U. xixe s.).

Bayle :

« La poésie était son fort : ses Muses avaient beaucoup de fécondité et d’élévation. Il n’y eut au monde pendant sa vie presque rien de grand dont il ne fît un pompeux éloge lorsque la raison d’État n’y apportait point d’obstacle. »

72.

« par un déplorable genre de mort ».

Bayle :

« Il a couru d’étranges bruits sur sa dernière maladie et sur sa mort ; mais on ne peut guère savoir au vrai ce qui en est. Il faut faire peu de fonds sur les bruits de cette nature, car on sait par cent exemples que pour peu qu’un auteur se soit distingué, la renommée fait d’une mouche un éléphant sur les disgrâces corporelles ou domestiques qui lui surviennent ; et d’ailleurs, ceux qui savent tout le mystère sont ordinairement des personnes qui n’avouent point ce qui fait leur déshonneur. »

73.

De Claude i Saumaise : « Des années climatériques » (v. note [27], lettre 146) ; un livre « sur la papesse de Rome, contre David Blondel » (v. note [21], lettre 146) que je n’ai pas trouvé dans les bibliographies.

Le titre de ce que Guy Patin appelait « la première centurie de lettres de Grotius à des Français » est :

Hugonis Grotii epistolæ ad Gallos, nunc primum editæ (a Cl. Sarravio).

[Lettres de Hugo Grotius {a} à des Français, éditées pour la première fois (par Claude Sarrau)]. {b}


  1. Mort en 1645, v. note [2], lettre 53.

  2. Leyde, Elsevier, 1648, in‑12 de 501 pages, 189 lettres.

    V. note [14], lettre 201, pour Claude Sarrau.


74.

Femme exceptionnellement douée et très hautement estimée par les lettrés de son siècle, Anna Maria van Schurman (Cologne 1607, Viewert, Frise 1678) avait appris le latin, le grec, l’hébreu, l’éthiopien, et cultivé en même temps la musique, la peinture, la sculpture et la gravure. Sa réputation s’étant répandue à l’étranger, la reine Christine, la duchesse de Longueville, la princesse Louise-Marie de Gonzague vinrent la visiter à Utrecht, où elle vivait avec sa famille depuis 1615, comme le prodige du sexe féminin. Vers la fin de sa vie, elle se jeta avec ardeur dans le piétisme et offrit un asile chez elle au visionnaire Labadie (v. note [15], lettre 500) quand, forcé de quitter Genève, il se réfugia en Hollande. On a même prétendu qu’ils contractèrent ensemble un mariage secret (G.D.U. xixe s.). Elle venait de publier les :

Nobilis Virginis Annæ Mariæ a Schurman, Opuscula Hebræa, Græca, Latina, Gallica, Prosaica et Metrica.

[Opuscules de la noble demoiselle Anna Maria van Schurman, en hébreu, grec, latin et français, {a} en prose et en vers].


  1. Entre quantité d’autres lettres françaises, ce livre en contient trois aux Saumaise, dont la dernière, à Madame de Saumaise, {i} donne un aperçu du style de l’auteur (pages 373‑374) :

    « La lettre que j’ai eu l’honneur de recevoir de votre main porte des caractères si illustres de cette bonté et courtoisie extraordinaire, dont il vous a plu nous recevoir dernièrement chez vous, que je la garde comme un très précieux tableau et gage de vos généreuses faveurs. Et de fait, je ne pense pas avoir si bien rencontré en faisant mon portrait (lequel vous avez jugé digne de votre approbation) que vous y avez exprimé parfaitement les marques de votre très noble et très libéral génie, me remerciant de ce que je vous dois, et vous chargeant des obligations que je vous ai, et aurai toute ma vie, comme celle qui est véritablement,
    Madame
    Votre très humble, très obéissante et très obligée servante,
    A.M. de Schurman.
    D’Utrecht, ce 18e de mars 1648.

    Je vous présente ici un petit essai de ma Muse et de mon ciseau, en reconnaissance de tant de bienfaits que j’ai reçus de vous, et j’espère que l’occasion nous naîtra un jour de vous en pouvoir témoigner plus amplement mes remerciements. »

    1. Née Anne Mercier, v. note [5], lettre 95.
  2. Leyde, Elsevier, 1648, in‑8o essentiellement latin et français de 374 pages, avec un des autoportraits de l’auteur à l’âge de 33 ans, accompagné de deux de ses vers :

    Cernitis hic picta nostros in imagine vultus :
    Si negat ars formam, gratia vestra dabit
    .

    [Voici une gravure vous montrant mes traits : si mon talent dénie la beauté, votre affection me la donnera].


75.

« s’il vit encore quelques années » ; v. note [25], lettre 150, pour l’Encheiridium de Jean ii Riolan, en cours d’impression.

76.

Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), que Guy Patin appelait souvent Clermont en Auvergne, est le produit du rattachement, décidé en 1630 par Louis xiii puis confirmé par Louis xiv, de deux villes, Clermont et Montferrand.

77.

« il était en effet sujet aux coliques néphrétiques, expulsant chaque mois de tout petits calculs, à peine de la taille d’un grain d’orge, avec beaucoup de douleurs et de tortures extrêmement vives. »

Marcellin (ou Marcel) Bompart, conseiller médecin du roi, exerçait à Clermont-Ferrand. Son Miser homo, penicillo medico-physico Marcellini Bompartii, consilarii et medici regii [L’homme malheureux, de la plume médico-physique de Marcellin Bompart, conseiller et médecin du roi] (Paris, Nicolas Boisset, 1648, in‑4o de 12 pages ; réédité en 1650) est une dissertation lyrique qui trace brièvement un tableau des maladies qui affligent l’homme (v. infra note [78], pour la dédicace) ; v. note [4], lettre 98, pour la thèse « Par nature, l’homme n’est-il pas tout entier que maladie ? ».

Bompart avait précédemment publié le Nouveau chasse peste (Paris, Philippe Gaultier, 1630, in‑8o), et la Conférence et entrevue d’Hippocrate et de Démocrite [v. note [9], lettre 455], tirée du grec et commentée (Paris, Vve de Philippe Gaultier, 1632, in‑8o).

78.

« tant nos productions d’imprimerie sont gelées. »

L’épître du Miser homo explique en mauvais latin le propos du livre et rend un hommage grandiloquent aux quatre médecins de Paris qui ont secouru l’auteur :

Clarissimis et sapient. Viris D.D. Nicolao Pietre, inclytæ Facultatis medicinæ antiquiori magistro ; Ioanni Riolano, anatomes et herbariæ professori regio ; Ioanni Merleto et Guidoni Patino, in omnium antiquissima et nobilissima medicinæ Facultate Parisiensi doctoribus illustrissimis, meritissimis, celeberrimis, salutem.

Quis melius pingat Hominem Miserum, quam qui ολονοσος per omnia malorum genera cucurrit, (Viri Doctissimi ?) Altiore quidem conceptu et eloquio bracteato scribere possunt alii, ut contigit nuper clarissimo Collegæ vestro Guidoni Patino ; sed dolor experientiæ pungit acriter, accendit, et ideam sui scribit indelebilem, quæ scribentis manum dirigat, et sine testibus loquatur. Iuvenilibus annis torserunt me nephritides, et excreti quatuordecim calculi fabæ magnitudine : scitis quam inflexibiles, inexpansiles dico, sint Ureterum angiportus : Vidistis me Parisiis continua duplici tertiana, dein intermittente, tandem planetica languentem in quibus, vestris consiliis, bis et vigesies secta vena, et haustum doliolum aquæ sennatæ, et cassiatæ, quo tempore (proh dolor !) generosissimus Mecænas meus in Germania, cum ei parerent omnia, Naturæ legibus paruit. Tu vir maxime, Nicolae Pietree, per quatuor menses, bis in die, mellifluo sermone, sententiis ubique fœto, corpus levabas et animum, Hippocratico digito morbi signabas exitum, te σωτηρα videbam et sentiebam. Tu Ioannes Riolane, Anthropographωn decus, secundus Apollo et Appello favisti. Tu, clarissime Merlete, aulico amicitiæ vinculo mihi nexe, potens in hoc certamine claudisti. Tu, Guido Patine, βιβλιοκωτατε (patere Varronis epithetum tibi compar) febrienti dabas refrigerium, non tantum mixto calculo tuo cæteris, sed incredibili omnium bonorum Auctorum Græcorum et Latinorum enarratione ita animum exhilarabas, ut non in lecto iacentem, sed in Academia disputantem me cernerem. Invaletudines me a vestris divinis colloquiis seiunxerunt, et monticolam fecerunt, a quibus me athletam fortiorem factum ubique fatebor ingenuus. Nunc in viridi senio a decem annis divellunt arthritides, seri biliosi fœturæ, ter in anno tanta tyrannide, ut plerumque Christiani Philosophi frangant fortitudinem, nulla epaphæresi, nullis paregoricis placabiles. Solebat enim Gaspar Brayerius, vir summus, et erudite practicus, Collega vester, mihi etiam vobiscum meis in affectibus alexicacus, cum arthritidis furor pungeret, aliquoties repetita venæ sectione, crudi opii grana aliquot, cum vino aut spiritu vini haurire, ut hostem compedibus ligaret : non ausim naturæ se depuranti ostium claudere : sed exarmatus quindena cæli vertigine dolorem exarmare. Fastidium faceret hæc laborum historia, nisi vos olim Amicos intimos et mei amantissimos expertus essem : In meis pervigiliis defurente dolore, nil nisi triste potui meditari, et Miseri Hominis tabellam pingere, quam appendo vestris altaribus. Valete, Viri sapientissimi, vivite integris viribus, et amare pergite
vestrum Bompartium, vobis adictissimum.

Datum Gergoviæ, 20. Martii 1648.

[Salut aux très brillants et savants MM. Nicolas Piètre, ancien de l’illustre Faculté de médecine ; Jean Riolan, professeur royal d’anatomie et de botanique ; Jean Merlet et Guy Patin, les plus illustres, méritants et célèbres de tous les docteurs en la très ancienne et très noble Faculté de médecine de Paris.

Qui, hommes très savants, dépeindrait l’Homme misérable mieux que celui qui, étant tout entier maladie, {a} a parcouru tous les genres de maux ? D’autres peuvent certes écrire avec plus de hauteur de vue et une éloquence plus dorée, comme il arriva récemment à votre collègue Guy Patin ; mais la douleur de l’épreuve pique vivement, elle incendie et inscrit une image indélébile d’elle-même, quand elle guide la main de l’auteur et parle sans témoins. Des coliques néphrétiques m’ont torturé en mes jeunes années et j’ai expulsé quatorze calculs de la taille d’une fève : vous savez combien les ruelles des uretères sont rigides, pour tout dire incapables de se dilater. À Paris, quand je fus pris d’une double tierce continue, puis intermittente, enfin languissant en errance, vos consultations, vingt-deux saignées, et la prise d’un tonnelet d’eau de séné et de casse m’ont assisté ; c’était au temps où (quelle douleur !) mon très généreux mécène a obéi aux lois de la Nature, {b} comme toutes choses lui obéissent. Vous, Nicolas Piètre, très grand homme, pendant quatre mois, deux fois par jour, par votre discours suave, partout fécond en bons avis, vous me soulagiez le corps et l’âme, vous pointiez d’un doigt hippocratique la sortie de la maladie, je vous voyais et considérais comme le sauveur. Vous, Jean Riolan, ornement des anatomistes, second Apollon qui avez favorisé Appellus. {c} Vous, brillantissime Merlet, que le lien d’une noble amitié attache à moi, avez été capable de conclure ce combat. {d} Vous, Guy Patin, le βιβλιοκωτατε (épithète de Varron qui vous va comme un gant), {e} donniez un rafraîchissant au fébricitant ; non tant par votre suffrage qui se mêlait aux autres, mais par votre incroyable explication des auteurs grecs et latins, vous me distrayiez l’esprit au point que je ne savais plus si j’étais couché au lit ou si j’étais en train de disputer à la Faculté. Votre divine conversation m’a distrait de ma mauvaise santé, et fait de moi un habitant des hauteurs, j’avouerai partout franchement qu’elle m’a fortifié. Maintenant, en ma verte vieillesse, la goutte me déchire depuis dix années, fruit d’une sérosité bilieuse, trois fois l’an, si tyranniquement que souvent elle brise le courage d’un philosophe chrétien, aucune purge ni aucun calmant ne la soulage. Votre collègue Gaspard Brayer, {f} homme éminent et savant praticien, qui m’a aussi soigné avec vous en mes maladies, quand la fureur de la goutte le tourmentait, avait coutume, après plusieurs saignées, de boire quelques grains d’opium pur dissous dans du vin ou de l’esprit de vin, pour lier les pieds de son ennemi. Je n’oserais pourtant fermer l’orifice par où la nature se purifie ; {g} mais être désarmé par le quinzième étourdissement du ciel, c’est désarmer la douleur. Le récit de ces souffrances provoquerait le dégoût si je ne vous avais jadis connus pour mes intimes amis qui m’affectionnent si fort. Quand, dans mes longues veilles, la douleur s’apaisait, je n’ai pu nourrir que de tristes pensées et peindre ce tableau de l’Homme malheureux que je suspends à vos autels. Valete, hommes très sages, vivez avec des forces intactes et continuez d’aimer votre Bompart, qui vous est entièrement dévoué.

De Gergovie, le 20e de mars 1648]. {h}


  1. ολονοσος est une contraction maladroite d’ολος νουσος (totus morbus), qui renvoie à l’argument de la fameuse thèse que Guy Patin avait écrite et présidée en 1643 : Estne totus homo a natura morbus ? [Par nature, l’homme n’est-il pas tout entier maladie ?] (v. note [93] d’Une thèse de Guy Patin : « L’homme n’est que maladie »).

  2. Pour dire « est mort ».

  3. Obscurité de Bompart qui s’est, semble-t-il, laissé aller au jeu des assonances entre Apollo (v. note [8], lettre 997) et Appello, datif d’Appellus, nom qui pourrait être celui (mal orthographié) d’Apelle de Cos, peintre grec qui connut une grande célébrité en son temps (ive s. av. J.‑C.).

  4. Traduction hasardeuse d’une syntaxe approximative.

  5. Libre interprétation d’une parenthèse au latin bancal, sans pouvoir éclaircir sûrement le sens de βιβλιοκωτατε : « le livre de Cos » (île natale d’Hippocrate) ?

  6. V. note [9], lettre 126.

  7. Allusion à l’effet constipant de l’opium.

  8. Gergovie, ancienne capitale des Arvernes, à prendre pour Clermont-Ferrand.

Ayant lu cela, la bonne traduction du titre Homo miser devient « L’Homme plaintif ».

79.

« On dit proverbialement, j’en rabats quinze, pour dire, j’ai perdu beaucoup de l’estime que j’avais pour lui » (Furetière).

80.

V. note [13], lettre 12, pour Antoine Coiffier, marquis d’Effiat (mort en 1632), père de Cinq-Mars.

81.

« Le climat austral qui sévit avec vigueur apporte ici beaucoup de maladies, au point qu’il me reste à peine le loisir de vous écrire. »

L’auster, d’où vient l’adjectif austrinus (austral ou austrin en français), est un vent du midi qui dessèche. Hippocrate, Aphorismes (3e section, no 5) :

« Les vents du midi émoussent l’ouïe, obscurcissent la vue, appesantissent la tête, engourdissent, résolvent ; quand ils règnent, les maladies présentent de tels accidents. »

82.

« dont je ne savais pas même qu’il fût né ». Guy Patin a reparlé quelquefois de ce Guide, médecin de Chalon-sur-Saône, jusqu’à sa mort survenue le 27 mars 1655 (lettre à Jean-Baptiste de Salins, lettre 396). Il était sans doute le fils de Philibert Guide (1535-1596), pasteur calviniste de Chalon, aussi connu sous son nom grécisé d’Hégémon qu’il utilisait pour signer ses poésies et ses fables. Un fils du médecin, prénommé Philippe, docteur de Montpellier, a exercé la médecine en Angleterre et laissé quelques ouvrages médicaux. V. notes [4], lettre 98, et [6], lettre 143, pour les deux fameuses thèses de Guy Patin.

83.

T. Petronii Arbitri Satyricon, super profligatis Neronianæ tempestatis moribus : Commentariis, sive Excursibus medico-philosophicis : itemque Notis universalibus et perpetuis recens adornatum. In quibus difficilima quæque loca, atque a variis Interpretibus partim studio prætermissa, partim nequaquam tentata, adamussim explicantur, illustranturque : Editio nova et locupletissima, tam Medicis, Poetis, quam Philosophis, Historicis, Oratoribus, Antiquariis, Philologis, Criticis ac Politicis utilis ac necessaria. Accessit ad mantissam sylloge clariss. aliquot interpretum, quorum in Petronium Castigationes huc usque nondum editæ. Noviter recensente Io. Petro Lotichio, Med. D. eiusdem in Academia Rintelana P.P.

[Le Satyricon de Titus Petronius Arbiter {a} sur les mœurs décadentes du temps de Néron ; récemment enrichi de commentaires ou digressions médico-philosophiques, ainsi que de notes générales et continues. On y explique et éclaire exactement tous les passages les plus difficiles, et que divers interprètes ont soit omis d’étudier, soit ne s’y sont pas même essayés. Nouvelle édition fort enrichie, utile et nécessaire tant pour les médecins et les poètes, que pour les philosophes, les historiens, les orateurs, les antiquaires, les philologues, les critiques et les politiques. À la fin on a ajouté un recueil de certains interprètes très brillants dont les corrections sur Pétrone n’ont jamais été publiées jusqu’alors. Recensé par Johann Peter Lotich, docteur et professeur public de médecine en l’Université de Rinteln]. {b}


  1. Pétrone l’arbitre du bon goût (v. note [14], lettre 41).

  2. Francfort, Wolfgang Hofmann, 1629, in‑4o de 350 pages, sans les pièces liminaires et les index ; le texte du Satyricon n’en occupe que 74.

    En dépit des vives espérances de Lotich, il n’y eut pas de nouvelle édition de son ouvrage (v. note [14], lettre 309).


Samuel Du Clos, médecin de Metz, a correspondu avec Guy Patin.

84.

Ce post-scriptum, écrit verticalement dans la marge, au recto du premier feuillet de la lettre, est trop endommagé pour qu’on puisse en reconstituer entièrement le contenu. V. notes [16] et [17], lettre 293, pour la collection royale des conciles imprimée au Louvre et pour la Bible polyglotte de Guy-Michel Le Jay. Les Pâques de 1648 furent célébrées le 12 avril.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 7 février 1648

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(Consulté le 08/05/2024)

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