L. latine reçue 23.  >
De Reiner von Neuhaus,
le 13 juin 1662

[Neuhaus, Centuria vi, Epistola xviii, page 27 | LAT | IMG]

Au très distingué Monsieur Guy Patin, médecin de Paris et professeur royal. À Paris.

Très célèbre Monsieur Patin, [a][1][2]

Ce qu’il vous aura plu de transmettre par votre lettre venue jusqu’à nous, en Flandre, de l’illustre Université des druides, [3] comme quelque oiseau ou rameur de sagesse, [1] voilà ce dont je remercie nos Muses. De longtemps, elles n’avaient tiré de ce ciel un souffle si bienfaisant. Elles sont profondément ensevelies dans le doux sein de notre patrie, mais l’oisiveté n’en est pas la cause ; il s’y trouve même bien assez de savants hommes, à qui il est permis de jouer notre grand jeu ; si bien qu’il n’est ni dans notre dessein, ni dans notre volonté de chercher par delà la Seine et la Garonne des hommes quos tenui nostra manu et Minerva adeamus[2][4] Toutefois, très noble Monsieur, votre singulière courtoisie m’invite généreusement à revenir vers ces antiques contrées où j’ai jadis vécu, moi qui suis comme frappé de stupeur par la nouvelle tournure des choses. Je devrais être considéré comme un imbécile et un niais si je ne [Neuhaus, Centuria vi, Epistola xviii, page 28 | LAT | IMG] répondais pas incontinent à vos trompettes sacrées. J’entends par là votre lettre : elle m’a arrosé d’un tel nectar que j’ignore tout à fait où, à Hybla ou sur l’Hymette, [3][5] je trouverais rien qui puisse rassasier en retour votre génie si sacré. Le combat n’est pas égal avec ce grand Patin. Ma bonne volonté, qui est intacte et libre, donnera quelques marques d’un esprit qui n’est pas abâtardi, mais passionné et reconnaissant, particulièrement à l’égard de personnages qui n’ont qu’une ombre de ressemblance avec vous. Je juge en effet qu’il n’existe rien de plus brillant et de plus éminent qu’un homme né pour la renommée et la vertu, avec qui il m’est donné de converser de temps à autre dans la Stoa et dans le Portique des anciens Romains, [4][6] et surtout de disserter avec ceux qui tiennent encore la sagesse du vieillard pour une force d’âme. Parmi eux, vous, très distingué Patin, vous tenez aux premiers rangs. Vous n’êtes pas seulement d’une ville qui est la reine et le joyau de la France, mais tel un flambeau d’immortelle gloire, vous l’avez illuminée pour le monde entier de votre réputation et de votre érudition, ainsi que l’ont parfaitement reconnu, en notre Flandre, les très doctes Vander Linden, [7] Beverwijk, [8] de La Fontaine, [9] Gronovius [10] et quantité d’autres, dont j’enveloppe ici les noms sous un globe de silence. C’est qu’à vous seul, vous êtes la source d’où se sont écoulés, comme à plein torrent, tant de nouveaux Esculapes et de Machaons. [11][12] De mon vivant, rien n’a donc pu me parvenir de plus agréable que l’éclat de votre renommée, rien non plus de plus digne de ma muse et de mon talent. À la vénération que je vous porte m’a jadis aussi poussé un très remarquable jeune homme, M. Christiaan Romphius, [13] qui était alors dans la Compagnie des médecins de Paris. Jamais il n’a pu dire un mot de médisance sur les grands Patin et Ménage. [14] Dieu veuille me fournir l’occasion et le temps de pouvoir posséder un crédit égal à celui de ces deux héros ; eux qui, sans que nous le méritions du tout, ont distingué le nom des Neuhaus par leurs louanges et leurs lauriers ; bienfait pour lequel mon Apollon [15] leur promet aussi le noble souvenir de la postérité lointaine. Vale, [Neuhaus, Centuria vi, Epistola xviii, page 28 | LAT | IMG] très noble Patin, vous qui êtes l’honneur et l’ornement de notre siècle ; vous que l’Hélicon affectionne à juste titre, lui qui compte les dieux Amstel et Rhenus Pater parmi ses initiés. [5][16][17][18]

De ma retraite d’Alkmaar, le 13 juin 1662.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Reiner von Neuhaus, le 13 juin 1662

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(Consulté le 03/12/2024)

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