À Charles Spon, le 28 mars 1643

Note [12]

Titre exact de la première Apologie (sans lien ni nom [Paris, Sonnius], 1643, in‑8o) de l’abbé Godefroi Hermant (Beauvais 1617-Paris 1690) : alors chanoine de Beauvais, il devint recteur de l’Université de Paris (v. note [3], lettre 595) en 1646 et fut reçu docteur de Sorbonne en 1650. Intimement lié aux solitaires de Port-Royal, il fut exclu en 1656 des rangs de la Faculté pour y avoir pris la défense d’Antoine ii Arnauld. Rappelé à Beauvais par son évêque, Nicolas Choart de Buzenval, il fut enveloppé dans la querelle qui s’éleva entre cet évêque et son chapitre, et privé de son bénéfice, qui lui fut rendu en 1688.

Guy Patin a surtout évoqué, comme ici, ses ouvrages de polémique contre les jésuites. Son Apologie de 1643 est un virulent pamphlet contre « les persécutions par lesquelles les jésuites exercent la patience de l’Université de Paris, depuis qu’ils ont conjuré sa perte » ; elle se conclut sur cette phrase : « Enfin, quand nous ne serions pas assez adroits pour convaincre l’opiniatreté de nos adversaires, nous pourrons être assez heureux pour gagner l’approbation de ceux qui se trouveront vides de passion, et nos travaux seront toujours assez fructueux s’ils confirment les prudents, défabulent les simples et ouvrent les yeux à tout le monde. » Le P. Jacques de La Haye, jésuite, y riposta : Réponse au livre intitulé Apologie pour l’Université de Paris… (v. note [28], lettre 97). Hermant devait devenir l’ami de Patin, s’il ne l’était déjà (G.D.U. xixe s. et Triaire).

Jourdain (livre ii, chapitre 1er, pages 279‑281) a fourni un résumé de la querelle opposant les jésuites à la Sorbonne :

« Sur la fin de 1642, quatre écoliers sortis du Collège de Clermont s’étaient présentés aux examens de la Faculté des arts. Le recteur, Louis de Saint-Amour, ayant reconnu qu’ils avaient fait leurs classes chez les jésuites, refusa de les admettre. Les candidats évincés se pourvurent devant le Conseil privé et firent sommation à la Compagnie de Jésus d’intervenir dans la cause, comme étant plus intéressée qu’eux-mêmes au gain du procès. La Compagnie, qui n’attendait peut-être que cette occasion, se hâta d’en profiter, et présenta une requête où elle rappelait que déjà en 1618, lors du rétablissement du Collège de Clermont, la Faculté de théologie et la Faculté des arts avaient voulu fermer à ses élèves l’accès des grades académiques, mais que cette prétention avait été repoussée par le Conseil d’État. Les jésuites demandaient en conséquence “ que le Collège de Clermont fût déclaré être du Corps de l’Université ; le principal et les professeurs d’icelui fondés en pareils droits, privilèges et prérogatives que les professeurs des autres collèges ; les écoliers recevables aux degrés et fondés aux mêmes droits que les autres, sans distinction […] ”. Le Conseil privé admit l’intervention de la Compagnie de Jésus et parut disposé à prononcer en sa faveur. L’Université de Paris regardait elle-même par avance sa propre défaite comme tellement probable que quatre fois elle refusa de répondre aux assignations qui lui furent données et préféra se laisser condamner par défaut. Mais à l’exemple de tous les partis qui se disent opprimés, elle en appela des conseils du prince à l’opinion publique. Son avocat devant ce nouveau tribunal, toujours facile émouvoir, fut un régent de philosophie, chanoine de la cathédrale de Beauvais, qui se nommait Godefroi Hermant. Dans les premiers mois de 1643, il fit paraître une Apologie pour l’Université qui eut en peu de temps plusieurs éditions, et dont le principal objet était de détruire une allégation reproduite sous mille formes par la Société de Jésus. “ Les jésuites, disait Hermant, font publier partout que l’Université refuse sa gloire en rebutant cette illustre Compagnie ; que si les deux Corps sont considérables étant séparés, leur union sera leur agrandissement ; qu’on ne peut, sans un aveuglement stupide, refuser ces nouvelles étoiles qui veulent conjoindre leur clarté aux anciens astres de la doctrine et de la vertu ; que c’est une rivière fertile, qui ne se décharge en un grand fleuve que pour le grossir ; et que ces nouveaux conquérants n’ont autre dessein que de donner du renfort aux soldats du Dieu des batailles. C’est ainsi qu’ils semblent n’être pas contents de faire le mal, s’ils ne lui donnent le nom et l’apparence du bien ; ils savent blesser et flatter d’une même main, et demander des actions de grâce pour la plus haute et la plus dangereuse de toutes les violences. Elle est trop visible pour être sans repartie ; il est important de désabuser les plus crédules, et de faire voir à tout le monde que cette entreprise engage autant qu’il y a de bons Français dans l’État et de chrétiens dans l’Église. ” Développant cette idée, Hermant s’efforçait d’établir : 1o que la ruine de l’Université offrirait de graves dangers pour la religion qui se trouverait par là privée de ses plus fidèles défenseurs ; 2o qu’elle ne serait pas moins préjudiciable à l’État en le laissant exposé aux entreprises d’une Compagnie redoutable, dont le chef n’était pas Français, et que son ambition et ses sourdes menées avaient déjà fait expulser de plusieurs pays ; 3o qu’on ne pouvait accorder aux jésuites les privilèges de l’Université sans la ruiner entièrement. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 28 mars 1643, note 12.

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(Consulté le 04/12/2024)

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