À Charles Spon, le 24 mai 1650

Note [19]

« Il n’a d’utilité ni pour lui, ni pour les autres. »

André Alciat (Andrea Alciato, Milan 1492-Pavie 1550) professa le droit avec beaucoup d’éclat à Avignon, à Bourges, à Milan, à Bologne et à Ferrare. L’un des premiers, il chercha à éclairer l’étude du droit au moyen de l’histoire, des langues et de la littérature de l’Antiquité. Ses innovations commencèrent la ruine de l’école des vieux glossateurs et ouvrirent la voie à Jacques i Cujas (G.D.U. xixe s.).

Outre ses ouvrages de droit et d’histoire, Alciat a connu un immense succès avec ses Emblèmes, publiés pour la première fois en 1531 (Augsbourg, H. Steyner, in‑8o) et très souvent réédités et traduits depuis : c’est un recueil de petits poèmes latins illustrés de gravures. J’ai recouru à quatre de ses nombreuses éditions :

La citation de Patin en est extraite pages 88 de l’édition latine (Lyon, 1651) et 93 de l’édition française (Lyon, 1549), mais avec deux images différentes :

Desidia.
Desidet in modio Essæus, speculator et astra,
Subtus et accensam contegit igne facem.
Segnities specie recti, velata cuculo,
Non se, non alios utilitate juvat
.

« L’Oisiveté.
Dessus son muid se sied, l’œuvre laissée
Et lampe ardant dessous, couvre l’Essaée
Paresse en froc, sous couleur de piété,
N’apporte à soi, n’a autres utilités. » {a}

Commentaire :

« Sous couleur de vie contemplative, est cachée oisiveté, éteignant les vertus, et nourrissant les vices. »


  1. Traduction littérale et prosaïque :

    « L’Essénien se repose assis sur un boisseau, contemplant les étoiles. Au-dessous de son siège, il cache une torche allumée. Il ne lui sert à rien, non plus qu’aux autres, de dissimuler sa paresse sous un capuchon, en se donnant l’apparence de l’honnêteté. »

Les Esséniens, préfiguration des moines chrétiens, étaient « une secte de juifs qui faisaient profession de communauté de biens, qui fuyaient toutes sortes de plaisirs, particulièrement le mariage, condamnaient les serments, ne buvaient que de l’eau, n’offraient à Dieu que des choses inanimées et observaient le sabbat si scrupuleusement qu’ils n’auraient pas remué un vase. Philon a distingué deux ordres d’Esséniens : les uns s’attachaient à la pratique et les autres, qu’on nomme Thérapeutes, à la contemplation » (Littré DLF).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 24 mai 1650, note 19.

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(Consulté le 27/04/2024)

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