Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 2
Note [56]
Bayle surTrajan Boccalin :
« Cet homme, qui censurait toute la terre et qui trouvait tout à redire au gouvernement, fit voir que sa théorie et sa pratique s’accordaient fort mal ensemble, {a} car la juridiction qu’il exerça dans quelques lieux de l’État ecclésiastique ne fut nullement conforme à ses règles. On s’allait plaindre de lui à Rome ; ce qui < lui > fit faire des réflexions bien malignes, tant contre les avocats et les médecins, et contre les théologiens. {b} Ceux qui se sont contentés de dire qu’il méditait des Discours politique sur Tacite, lorsqu’il fut assassiné, n’étaient guère instruits des choses. » {c}
- Note de Bayle :
« Voici ce que Nicius Erythreus en a dit : At qui se aliis Reip. bene gerendæ ducem ac magistrum profiteretur ac præstat, in iis oppidis, quorum illi administratio commissa fuerat, regendus, suis ipse præceptis non paruit, sed multa, ut ajunt, commisit, quæ ab illorum rationibus essent aliena. Quamobrem fiebat, ut Romam crebræ de ipsius injuriis querimoniæ deferrentur. {i} Il n’est que trop ordinaire que ceux qui composent des livres de politique, je dis de bons livres, fassent voir très peu de capacité lorsqu’il leur arrive d’être promus à de grandes charges : tant il est vrai que l’application des règles est plus malaisée que l’art d’en bien discourir ! »
- Giovanni Vittorio Rossi, Pinacotheca imaginum [Galerie de portraits] (Cologne, 1643, v. notule {b}, note [22] du Naudæana 1), Traianus Boccalinus, page 272 :
« Il affirmait glorieusement aux autres qu’il était un guide et un maître en l’art de bien gérer les affaires publiques. Il ne se conforma pourtant pas à ses propres préceptes dans les cités dont on lui confia l’administration : il y accomplit, dit-on, bien des actes contraires à ce qu’ils prescrivaient. Cela fit qu’on vint amèrement se plaindre à Rome de ses violations du bon droit. »
Quamobrem fiebat ut […] locus proverbio fieret, quo dicitur, tria esse hominum genera, qui nihil fere legibus, quas ipsi aliis imponunt, utantur nimirum Iuris consultos, medicos, atque theologos : nulli enim magis in negociis ab jure, ab æquitate, discedunt quam I.C. nulli tuendæ valetudinis rationem minus servant quam medici, nulli conscientiæ aculeos minus metuunt quam theologi. Itaque qui justitiam, valetudinem et conscientiam amittere satagunt, Iuris doctorum, medicorum, theologorumque amicitias cola<n>t : quod tamen de iis tantum intelligendum, qui ea studia non serio ac sedulo, verum in speciem, et dicis causa, profitentur.[Cela fit (…) qu’il en tira un proverbe disant que trois sortes d’hommes ne respectent à peu près aucune des règles qu’ils imposent aux autres, à savoir les juristes, les médecins et les théologiens : dans les affaires, nul ne s’écarte plus du droit et de l’équité que les juristes ; nul n’observe moins le bon régime de santé que les médecins ; nul ne craint les aiguillons de la consience moins que les théologiens. Voilà pourquoi ceux qui s’évertuent à s’affranchir de la justice, de la santé et de la conscience cultivent l’amitié des docteurs en droit, en médecine et en théologie ; cela ne concernant pas, bien entendu, ceux qui exercent sérieusement et consciencieusement leur métier, mais ceux qui ne le font qu’en apparence et pour la forme].
Bayle reprochait à Moréri d’ignorer la parution des Commentarii di Traiano Boccalini Romano sopra Cornelio Tacito, come sono stati lasciati dall’ Autore. Opera non ancora stampata et grandemente desiderata da tutti li Virtuosi [Commentaires du Romain Traiano Boccalini sur Tacite, comme l’auteur les a laissés. Ouvrage qui n’avait pas encore été imprimé et que tous les gens vertueux désiraient] (Cosmopolis, Giovanni Battista della Piazza [Amsterdam, Blaeu, ou Genève, Tournes], 1677, in‑4o).
Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 194 :
« Ces commentaires de Boccalin sur Tacite, après bien des aventures, ont été enfin imprimés, et les libraires de Genève en ont déjà donné deux éditions. » {a}
- « M. Bayle, Diction. critiq., t. 1 » (note de Vitry) : renvoi à la note C de cet ouvrage, pages 620‑621, qui attribue à Gregorio Leti (v. note [1], lettre 943) l’édition de La Bilancia politica di tutte le opere di Traianno Boccalini parte seconda, nella quale si comprendono le Osservationi et considerationi politiche sopra il primo libro delle Storie di Cornelio Tacito, et sopra la Vita di Giulio Agricola scritta dal medesimo Auttore. Il tutto illustrato da gli avvertimenti del Cavalier Ludovico [sic] Du May [La Balance politique de toutes les œuvres de Traianno Boccalini : seconde partie contenant les Observations et commentaires politiques sur le premier livre de l’Histoire de Corneille Tacite et sur la Vie de Julius Agricola, du même auteur. Le tout est éclairé par les annotations du chevalier Lodovico Du May] (Castellana, Giovanni Hermanno Widerhold, 1678, in‑4o).
Castellana pourrait être la ville de Civita Castellana dans le Latium, mais c’est plus sûrement un faux nom de Genève, où (ou près d’où) l’imprimeur Johann Hermann Widerhold a œuvré de 1674 à sa mort, en 1683 ; il était châtelain (castellanus) de Duillier, près de Nyon dans le Pays de Vaud.
Bien que je n’en aie pas trouvé de solide confirmation ailleurs, Bayle semblait tenir Du May pour un pseudonyme de Leti, peu désireux qu’on lui attribue les audaces impies que contiennent ses notes sur cet ouvrage, que les critiques ont dites bien pires que celles de Boccalini.