< L. 984.
> À André Falconet, le 30 mai 1670 |
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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. –
À André Falconet, le 30 mai 1670
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Je suis toujours en peine de l’issue de la maladie de mon fils aîné R.P. [1][2] Nos remèdes font merveilles partout, mais il n’en reçoit guère de soulagement. Mon Dieu, que de malheurs en la vie ! On dit que le roi [3] paraît tout réformé et qu’il s’en va vivre dans une grande sainteté. Cela sera fort bon pour les paysans si, en même temps, il diminue la taille [4] et les impôts. [5] Dieu lui en fasse la grâce, et de vivre encore 80 ans en ce bon état. Depuis Hugues Capet, [6] qui a été le chef de la troisième race de nos rois, [2] il n’y en a qu’un qui ait atteint l’an 60e de son âge, qui véritablement était un habile homme, mais dangereux et méchant prince : c’était Louis xi, [7] par la faute de qui nous avons perdu les Pays-Bas ; [8] s’il n’eût fait, par son maudit caprice, cette signalée faute, il aurait épargné la vie à plusieurs millions d’hommes et la Maison d’Autriche ne serait pas si élevée. Tous les autres rois ont été malheureux ou débauchés. Louis xii [9] et François ier [10] ont mérité d’être loués par la postérité, mais Henri iv [11] a sauvé la France et l’a retirée des mains des huguenots [12] et les ligueurs [13] qui étaient devenus furieux, inebriati poculo et zelo cruentæ religionis, [3] à quoi ils étaient portés par l’ambition du pape et les pistoles d’Espagne, a qua duplici causa tam multi fatui fuerunt misere decepti. [4] La famille des oiseaux niais était alors très grande, il n’y en a plus tant aujourd’hui, le monde est bien débêté, [5] Dieu merci, et les moines [14] qui ont raffiné bien des gens. On dit que Charles duc de Lorraine [15] est mort. [6] Voilà un prince qui a fait bien du mal à ses propres sujets et qui a bien ruiné du monde par sa faute, et même son pays et sa Maison. Personne ne perd à sa mort tant que lui. M. le cardinal de Retz [16] est parti de Rome après la création du pape [17] pour revenir à Commercy [18] où, dans trois jours, il est attendu. Mais la mort du duc de Lorraine ne causera-t-elle point quelques troubles ? Il y a longtemps que ce pauvre pays-là [19] est affligé par le mauvais conseil de ce dernier duc qui n’a pas été plus sage que Charles, dernier duc de Bourgogne, [20] qui fut tué l’an 1477 à Nancy, [21] de Louis xi. [7] < Ce 28e de mai. > Mon fils aîné vient de partir, à six heures du matin, avec sa femme [22] et sa mère, [23] dans deux carrosses, pour s’en aller en notre maison à Cormeilles [24] y prendre du lait d’ânesse [25] tant qu’il voudra. L’air y est fort bon et rien ne lui manquera ; mais néanmoins, j’ai bien peur du reste. Plût à Dieu que j’en fusse mauvais prophète ! Nos anciens n’ont point trouvé de meilleur remède que celui-là, je prie Dieu qu’il lui profite. Il est embarrassé d’un pernicieux mal qui a trop fortement attaqué son poumon par sa faute. Son obstination et le grand hiver passé, qui a duré trop longtemps, en ont augmenté le danger et retardé sa guérison. Nos docteurs, qui l’ont vu à ma prière, ne peuvent espérer son salut que par ce remède. Galenum noster lib. 5 Methodi tales ægros primo vere amandabat ad montem Stabianum, unde postea sani revertebantur Romam, quod utinam sic nobis contingat. [8] Je le recommande aux bonnes grâces et aux prières de Mme Falconet. Je vous baise les mains et suis de tout mon cœur votre, etc. De Paris, ce 30e de mai 1670. | |||||||||||||
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Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr | |||||||||||||
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