< L. latine 60.
> À un médecin anonyme, sans date |
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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. –
À un médecin anonyme, sans date
Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1093 (Consulté le 12/10/2024) | ||||||||||||
[Ms BIU Santé no 2007, fo 46 vo | LAT | IMG] Très distingué Monsieur, [a][1] Je crains que ma consultation, [2] que je vous envoie bien tard, ne vous semble tout à fait maladroite et importune, et pour ainsi dire, ne vous parvienne que comme artillerie après la bataille. Je m’exécuterai néanmoins, puisque vous me l’avez ainsi demandé ; mais tenez ceci pour un aveu médical d’égarement. Si je conjecture bien, mon cher Galien, [1] c’est la malignité de trois remarquables et importants symptômes qui tourmente votre jeune fille, savoir une corruption de l’œil, une enflure phlegmoneuse [3] du coude et une éruption au visage. Puisque tous ces signes viennent d’une seule et même source, et ont le même fondement, qui est une variole évoluée, [4] il n’y a pas de quoi nous attarder plus longtemps à chercher leur cause. Outre certains symptômes graves, dont parfois les malades meurent, la variole (maladie aiguë et maligne) en possède aussi d’autres, à première vue moins dangereux ; il faut pourtant les tenir pour funestes parce qu’ils envahissent la substance solide des parties et la corrompent considérablement. Ces trois pour lesquels nous consultons mènent la famille de tels signes (si vous y ôtez la corruption du poumon). J’exposerai en peu de mots ce que j’en pense. J’affirme une fois pour toutes que cette ophtalmie est de traitement très difficile, comme il est naturel de ce qui, succédant à une maladie maligne et provenant d’une matière maligne refoulée dans l’œil, menace de perte cette partie très précieuse, en y créant un ulcère, contre lequel n’existe presque aucun, voire absolument aucun remède valable ; [5] mais je ne pense pas qu’il faille entièrement s’abstenir de tout traitement car pourtant parfois, dans les corps robustes, on peut faire dominer la chaleur native sur la maladie. Qu’on lave donc, souvent chaque jour, la partie affectée et qu’on l’irrigue en y versant goutte à goutte de l’eau tiède ou une décoction d’eufraise, [2][6] de verveine ou de plantain, [7][8] mais en s’abstenant de toute poudre ; qu’on mette un pyrotique sur le bras du même côté ; [9] et même, si le corps est catarrheux et le cerveau très humide, qu’on l’applique aussi entre la première et la deuxième vertèbre cervicale, ainsi que devant l’oreille ; que deux fois par semaine, on purge avec 3 onces de séné dans une décoction de chicorée avec une once de sirop de roses, et d’autres substances de cette catégorie ; [10][11][12][13] que l’enflure du bras soit menée à la suppuration par l’artifice qu’on voudra ; et dans toute la mesure du possible, qu’on protège de tout délabrement l’os sous-jacent, afin que, comme il arrive souvent dans les affections malignes de ce genre, l’os corrompu n’aille infecter le membre tout entier et qu’à la fin ne survienne un délabrement irrémédiable. Quant à la corruption du visage, si elle est profonde, nul ne l’effacera entièrement ; du moins n’y ai-je jamais rien expérimenté de plus efficace que l’huile d’amande lavée et adoucie en parties égales d’eau de plantain, puis tiédie et employée un jour sur deux. [14] Qu’on lui prescrive un régime alimentaire qui soutienne ses forces sans les surmener, [15] qui la rafraîchisse et humidifie, avec des bouillons, des œufs gobés, de la tisane ordinaire, [16] sans vin. Qu’on purge encore et encore. [3] Mais je passe la mesure : pardonnez à une plume qui court et à un écrivain pressé. Entièrement prêt à vous servir, Patin. [4] [Ms BIU Santé no 2007, fo 46 ro | FRA | IMG] Monsieur, je vous donne à dire que trois heures après votre absence, cette méchante fièvre m’a repris et m’a continué jusqu’à 2 heures du matin, et elle ne me tient autre lieu qu’alentour des veines et des cuisses. Monsieur, si c’était votre bon plaisir de me pouvoir donner quelque allègement, je serais obligé à prier Dieu pour vous jusqu’au dernier instant de ma vie. J’ai pris ce jourd’hui la petite médecine que vous me composâtes hier. Votre serviteur, Jacques Duperoy. | |||||||||||||
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Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr | |||||||||||||
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