L. latine 209.  >
À Thomas Bartholin,
le 14 septembre 1662

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Thomas Bartholin, le 14 septembre 1662

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(Consulté le 19/04/2024)

 

[Ms BIU Santé no 2007, fo 113 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Thomas Bartholin, premier médecin du Danemark, à Copenhague.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Il y a peu, je vous écrivis une lettre par la voie de M. Wormius, [1][2] je vous y rendais d’immenses grâces pour votre paquet de livres récemment reçu. Je vous en remercie de nouveau et vous prie, en récompense, de m’indiquer ce dont vous avez besoin venant de nos contrées ; je vous enverrai cela aussitôt de très bon cœur. L’Arétée avance, mais lentement, sous les presses des Cramoisy, avec la nouvelle traduction et les notes de Pierre Petit. [2][3][4][5] La nouvelle édition de l’Œconomia Hippocratis d’Anuce Foës est récemment parue à Genève. [3][6] À Lyon, on travaille avec ardeur au Cardan complet, qui aura 11 tomes in‑fo[4][7] Je voudrais bien savoir si vous pensez enrichir vos raræ Historiæ anatomicæ et Observationes medicæ et continuez à en collecter, car je vous soumettrai quelques cas rares si vous songez à en faire une septième et une huitième, après les six que vous avez déjà publiées. [5] M. Wormius a souhaité que je soigne votre compatriote M. Flescher, qui souffre d’une dysenterie très aiguë. [6][8][9] Il s’est fort mal porté jusqu’à présent et j’avoue sincèrement n’avoir presque jamais vu une plus horrible affection : ses déjections étaient sanglantes, verdâtres, rouillées, ferrugineuses, noirâtres et même noires, avec douleurs extrêmement perçantes, tranchées très vives, [10] insomnie perpétuelle, fièvre et soif. Une immense ardeur du corps tout entier, ainsi que des douleurs internes et profondes, aux lombes et à l’hypogastre, m’ont fait comprendre que le mésentère et ses parties voisines étaient le siège d’une inflammation. [11][12] À sa maladie elle-même, pénible, pernicieuse et presque pestilente, à cause d’une épouvantable puanteur, s’ajoutait une faiblesse manifeste du malade ; pour cette raison, ou du moins sous ce prétexte, il disait souffrir d’une telle hématophobie qu’il n’osait pas même entendre qui que ce fût parler de phlébotomie, secours dont il avait pourtant le plus grand besoin. [13] Le besoin impérieux qu’il en avait et l’intensité de la maladie sont cependant venus à bout de son obstination : il s’est enfin laissé persuader ; non sur mon seul conseil, mais avec l’accord de deux de mes très savants collègues, Jean Piètre et Paul Courtois, [14][15][16] on l’a saigné à de nombreuses reprises, et on lui a tiré un sang extrêmement corrompu et fort impur. Après que toutes choses me furent apparues mieux disposées et que les déjections se furent atténuées, étant devenues moins sanglantes et moins douloureuses, on a entrepris de le purger avec des médicaments doux, moelle de casse, séné à petite dose et rhubarbe ; [17][18][19][20] sous leur effet, il a même rejeté quantité de vers. [21] Aujourd’hui, il se porte un peu mieux, et désormais l’espoir qu’il récupère la santé luit bien plus solidement et sûrement ; Dieu veuille que cela advienne rapidement. [Ms BIU Santé no 2007, fo 114 ro | LAT | IMG] Je vous en écrirai plus une autre fois s’il y a lieu. En attendant, vale et aimez-moi. Je salue de tout cœur Messieurs vos frères, tous tant qu’ils sont. [22] Nous sommes menacés d’une guerre contre le pape, [23] pour quelque désordre qui s’est produit à Rome entre des nobles appartenant à l’entourage du duc de Créqui et les soldats de la garde du Jupiter capitolin[7][24][25] Ce serait très bon pour nous si, à la suite de ce différend, on nous retirait l’abstinence des viandes pendant le carême ; [26] mais ce serait fort mauvais pour ce Jupiter si cette guerre éteignait le feu du purgatoire qui lui procure tant de profit. [27] Vale, très distingué Monsieur, et continuez de m’aimer comme vous faites.

De Paris, le 14e de septembre 1662.

Votre Guy Patin de tout cœur.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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